Chapitre 22

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Juhee quitta l'appartement de Giulia et se dirigea vers la sortie.

Discrète, elle portait sur elle un long manteau noir et des gants en cuir. Elle dissimula son visage avec un masque contre la pollution.

Avant de prendre le bus à destination d'Incheon, Juhee acheta un encas au GS25, une supérette. Elle s'arrêta deux minutes pour manger, plongée dans ses vieux souvenirs.

Vingt-cinq ans en arrière.

Juhee assistait à son cours de finance. Elle faisait partie de la filière commerciale. Elle rêvait de monter sa propre société et de devenir une femme influente.

Ce jour-là, des camarades de classe chuchotaient en parlant de Juhee. Cette dernière entendit la première de la classe, avec qui elle se battait pour arriver en tête du podium, raconter des informations confidentielles à son sujet.

Sérieux ? affirma une jeune femme, sous le choc.

C'est Giulia qui a dit ça, attesta la première de la classe.

J'ai plus envie de lui parler.

Mal dans sa peau et humiliée, Juhee sortit du cours de finance en vitesse.

Arshneel l'attendait dans le couloir. Il était surpris de la croiser. Ce n'était pas la fin des cours. Trop pressée d'aller à la rencontre de Giulia, Juhee eut à peine le temps de le saluer.

Oh, Juhee ? Tu vas où comme ça ?

— Désolée Arsh, je dois régler mes comptes, s'exclama-t-elle en courant.

Mais avec qui ? On devait réviser je te signale !

Trop long à expliquer !

Juhee, déterminée, fonça. Elle percuta quelques étudiants sur son passage et enjamba les derniers escaliers du bâtiment.

Une fois dehors, elle continua sa course effrénée et bouscula une femme âgée.

Pardon !

La vieille femme se releva seule, l'insultant dans sa barbe.

Pas loin de la fac se tenait un GS25. Là-bas, elle découvrit Giulia entourée de quelques filles qui portaient des tenues de sport. A ce moment de la journée, Giulia venait se ressourcer après le volleyball avec ses amies. Juhee détenait cette information d'Arshneel.

L'Italienne quitta ses coéquipières pour rencontrer un camarade. Elle tenait à la main une bouteille de soda en riant.

Subitement, son ami recula de peur en voyant Juhee débarquer en furie. Giulia n'eut pas le temps de se connecter à la réalité qu'elle reçut un coup de poing en plein visage de la part de Juhee.

Sale chienne ! l'insulta-t-elle.

Quoi ?

Je vais te pulvériser !

Juhee se jeta sur elle et la cogna contre la vitre de l'enseigne. Elle lui tira les cheveux et la mordit dans le cou. Giulia hurla de douleur et lui donna des coups de poing dans le ventre. L'ami de Giulia resta immobile, impuissant.

Les gens autour hallucinaient, certains voulurent les séparer et d'autres se contentèrent de filmer au lieu d'agir.

Soudain, Aïssa, qui avait rendez-vous avec Giulia, se glissa dans la violente bagarre.

Stop ! Vous êtes malades ou quoi ?

Te mêle pas de ça, l'agressa Juhee, je vais la pulvériser cette brouteuse de gazon !

Oh, Juhee ! s'indigna Aïssa. Pourquoi ? Vous avez quel âge ?

Elle est partie dire à tout le monde que je vivais avec une mère célibataire, une femme qui n'a pas d'honneur puisque je suis née hors mariage.

C'est vrai ? Giulia ?

Giulia essuya ses lèvres pleines de sang et se justifia.

Elle n'a pas arrêté de dire du mal de moi, d'aller crier sur tous les toits que j'étais attirée par les femmes et qu'il fallait m'éviter. Tu nous as dit de nous réconcilier, on l'a fait pour toi, on a essayé de notre côté de faire des efforts, de jouer l'hypocrisie, mais là je n'en peux plus !

Tu es égoïste ! cria Juhee. Tu es allée raconter ma vie à tout le monde, bordel ! T'es vraiment une chieuse.

Juhee, la ressaisit Aïssa, tu n'avais pas à aller cracher sur elle gratuitement ! Tu as déballé sa vie parce que tu ne voulais pas me voir avec elle. Le fait de savoir que je l'apprécie, ça te rend dingue ! Tu es immature, c'est la preuve !

L'immature c'est toi Aïssa, c'est à toi que je me suis confiée concernant ma vie familiale, et tu n'as pas pu t'empêcher d'aller déployer ta gorge en lui racontant ma vie, bordel !

Je lui ai dit que vous étiez pareilles, que vous aviez été éduquées par une seule personne, s'innocenta Aïssa. Ce point commun aurait dû vous rapprocher...

Juhee poussa un cri d'exaspération.

Tu vois, c'est ça le problème ! A chaque fois, tu te mêles de la vie des autres ! Je n'en ai rien à foutre de nos points communs et surtout de son existence ! Tu es ma meilleure amie et les meilleures amies se respectent.

Oh ! s'impatienta Aïssa, arrête de faire comme si j'avais déballé cette information pour te faire souffrir ! Ce n'était nullement mon intention !

Laisse cette meuf parler, s'éloigna Giulia. C'est une nana qui ne veut pas perdre la face et c'est typiquement coréen. Je pensais qu'elle était différente, j'ai essayé mais là, j'abdique. Je me casse les filles.

Tu parles sans savoir ! s'acharna Juhee.

Aïssa, comme tu es là, je ne lui botterai pas les fesses car je ne veux pas te choquer, rassura l'Italienne.

Giulia abandonna les deux filles en indiquant à son ami, qui s'était réfugié dans le magasin, de la suivre.

Aïssa et Juhee continuèrent de se chamailler sans prêter attention aux passants qui étaient devenus des spectateurs.

Gangnam stationOù les histoires vivent. Découvrez maintenant