CHAPITRE CINQUANTE-QUATRE

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 -Tu manges quelque chose avant de monter sur scène et après chaque concert. Tu ne traînes pas je ne sais où au lieu de te reposer. Tu m'appelles au moins deux fois par semaine. Tu ne touches pas à la drogue, tu t'habilles avec un minimum d'élégance et surtout, par pitié, ne te jette pas dans le public comme le font les rock-stars.

-Maman, relax...

-Je ne plaisante pas, jeune fille. J'ai mis neuf mois à créer ce corps splendide. Prends-en soin et n'essaie pas de jouer les Mick Jagger. Tu pourrais te casser une jambe, tu sais ?

Désabusée mais touchée par tant d'attention, je roule des yeux et offre à ma mère un sourire entendu.

-Je ferais attention, lui assure-je. Ne t'inquiète pas, sérieusement.

-Je suis ta mère et tu vas partir sur les routes pendant des mois. J'ai le droit d'être nerveuse.

-J'ai vingt-cinq ans, je te rappelle. Je suis une grande fille.

-Mais tu es mon bébé et tu le seras toujours.

Je n'ai pas le temps de répliquer quoi que ce soit puisqu'elle m'attrape par les épaules et me plaque contre elle. Bientôt, ses bras m'empoisonnent et ma mère m'étouffe dans une étreinte emprunte de tendresse, d'inquiétude mais surtout d'amour. Son parfum emplit mes narines et je le respire pour la dernière fois avant mon départ.

Ces derniers mois ont marqué un tournant dans cette relation mère-fille qui n'a pas toujours été à la hauteur de ce qu'elle aurait dû être. Nos liens n'ont jamais été aussi forts qu'aujourd'hui. Je regrette que la maladie en soit la cause mais nous avons eu l'occasion de nous redécouvrir l'une et l'autre et c'est un des avantages que je suis capable de reconnaître. Je chérie tous ces moments que nous avons passé ensemble, les bons comme les mauvais. Cette épreuve nous a rapproché plus que n'importe quoi d'autre au cours de nos vies.

Maintenant que Maman est pratiquement sortie d'affaire, je peux partir en toute sérénité.

-Merci pour tout, ma puce, me glisse-t-elle à l'oreille. Tu peux reprendre ta vie maintenant.

-Je ne serai jamais loin, tu sais. Je serai toujours là et encore plus quand tu auras besoin de moi.

-Je veux que tu vives pour toi maintenant.

Elle s'éloigne suffisamment de moi pour rencontrer mon regard mais pas assez pour me libérer de ses bras. En réalité, je n'ai pas envie qu'elle le fasse. Pas tout de suite, en tous cas.

-Ces derniers mois ont été difficiles pour toi autant que pour moi et tu as été tellement forte. Je savais que tu avais cette force en toi mais j'aurai seulement espéré que tu n'aies pas à t'en servir dans des conditions pareilles.

-Tu as failli mourir mais tu m'as aussi sauvé la vie, Maman. C'est toi la plus forte de nous deux.

-Tu te trompes, chérie. Tu as tout géré toute seule et je ne pourrais jamais te remercier assez pour ça. Ton courage a été exemplaire. Crois-moi je ne suis pas la seule à le penser.

Aujourd'hui, je me sens prête à reprendre ma vie en main mais je dois avouer qu'il y a eu des moments où je me suis retrouvée vidée de toutes mes forces. A une époque, j'ai cru que je ne m'en sortirai pas, que je ne sortirais jamais le tête de l'eau et que je n'avais plus qu'à me laisser sombrer. Finalement, c'est ce cauchemar éveillé qui m'a permis d'ouvrir les yeux et de redevenir celle que j'étais avant. Je crois que le destin a bien fait les choses malgré tout.

-Tu vas tellement t'amuser, dit Maman alors que des larmes apparaissent en bordure de ses yeux. Je suis contente pour toi et je veux que tu vives ton rêve à fond. Tu l'as bien mérité, Emery.

THE WAY - LE DILEMMEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant