CHAPITRE CINQUANTE-ET-UN

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Écrire des chansons, qu'elles parlent d'amour, de joie ou de tout autre sentiment, n'est pas toujours évident ni même facile. On peut y passer une heure comme des mois. Trouver les bons mots n'est pas quelque chose qui est instinctif. Il faut vivre des choses, ressentir la musique et relire les partitions une bonne dizaine de fois pour être sûre d'avoir fait les bons choix d'écriture. Les paroles ne tombent pas du ciel contrairement à ce que certains peuvent penser. Le talent aide mais il ne suffit pas. 

     Comme en ce moment d'ailleurs. 

     Depuis plusieurs jours, je travaille sur un morceau que je semble incapable de terminer. Je n'ai pas eu de difficulté à trouver une mélodie et un refrain. Je n'ai eu qu'à gratter quelques accords sur la guitare que Josh m'a faite envoyé ici après son départ pour trouver un tempo et un ensemble convaincant. Les paroles me sont venus en tête instinctivement mais l'affaire n'a duré qu'un temps, celui nécessaire à composer un refrain. En ce qui concerne les couplets, c'est une toute autre chose, la tâche la plus ardue de mon travail. 

     Maman est partie se coucher tôt ce soir et j'ai pensé que le silence m'aiderait à avancer, à trouver quelques idées qui en vaudraient la peine. Je me suis lourdement trompée si je me fie à la feuille bien trop blanche à mon goût que j'ai sous les yeux. J'ai tellement griffonné et effacé que je peux encore discerner les traces des mots qui persistent après le coup de gomme. 

     Quel enfer.

     J'ai tendance à rapidement atteindre l'étape du tirage de cheveux quand je n'arrive pas à mettre des paroles sur une partition en cours. Je me sens très vite frustrée et la colère fait bien souvent partie de mon processus d'écriture. Dans ce genre de circonstances, je n'arrive pas souvent à produire quelque chose de convenable. 

     Lorsque mon portable sonne sur la table de chevet, je vois presque cet appel comme ma délivrance. Je quitte ma partition des yeux, abandonne mon crayon et répond au téléphone sans même regarder le nom de celui que s'affiche sur l'écran. 

     -Allô ? 

-Je me demandais si tu dormais. Je vois que la réponse est non. 

     Le rire de Cameron au bout du fil suffit à détendre une bonne partie de mes muscles. Il est comme une source d'endorphine à lui tout seul, capable de calmer mes nerfs en quelques secondes seulement ou deux ou trois mots bien choisis. 

     -Je vois que toi non plus, glousse-je dans le combiné. 

-Je n'ai jamais été un couche-tôt. 

-Je m'en souviens, oui. 

-Toi non, en revanche. Il est déjà presque minuit, Carlson. 

-L'époque où je me couchais tôt est révolue depuis plusieurs années, lui explique-je. Tu m'as connu quand je n'étais pas encore manager et que je ne faisais pas d'insomnie trois fois par semaine à cause du travail. Aujourd'hui, c'est rare que je sois au lit avant vingt-trois heures. 

     Qu'on le veuille ou non, certaines choses en nous ou dans nos habitudes ont changé depuis cette époque de nos vies où on dormait dans le même lit. Cameron a sûrement un mode de vie différent lui aussi. Nos habitudes se transforment au cours du temps, c'est un fait avéré. 

     -Qu'est-ce qui te tient éveillé ce soir ? 

-Une chanson, réponds-je. 

-Tu es en train d'écrire ? 

-J'essaie plutôt. Ça fait des jours que je stagne au premier couplet. Je suis à deux doigts de m'arracher les cheveux un par un, en fait. 

     Je l'entends rire à l'autre bout de la ligne. 

THE WAY - LE DILEMMEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant