Chapitre 33 - Lya -

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 Je n'ai pas le choix, soit je lui dis, soit c'est son second alors autant tout balancer. Mon cœur pulse dans ma poitrine, parce que je sais que tout va mal se finir, mais au moins il me tuera pour une bonne raison. Mes poumons se remplissent d'air afin de me donner du courage.

— J'ai découvert le jour de cette photo que j'étais enceinte.

Il s'arrête littéralement de respirer, mais je continue, autrement je n'aurai plus la force de tout raconter.

— Papa et Lincoln l'ont tout de suite compris. J'étais morte d'inquiétude à l'idée de te le dire. Nous n'en avions jamais parlé, je n'avais aucune idée de comment tu réagirais. Je ne savais pas non plus si j'étais prête à ça. J'étais trop jeune.

Je me lève, le cadre reprend sa place, puis je me poste devant les photos de notre famille.

— Je voulais que ma mère soit présente pour me dire ce que je devais faire. J'étais terrorisée, tout d'un coup, je voyais ma vie prendre une direction que je n'avais pas envisagée tout de suite. Papa m'a simplement dit de t'en parler, que quoi qu'il arrive, tu resterais à mes côtés...

Les larmes montent, j'essaie de tout contenir, mais c'est difficile. En parler, fait remonter tout ce que j'ai pu ressentir à ce moment-là.

— Puis ils sont morts et c'est devenu secondaire. J'essayais de gérer ma peine et tu avais tellement de choses à prendre en main. C'était trop tôt, je n'étais pas prête pour ça. Et j'ai découvert ton métier et plus rien n'avait de sens. Tout mon univers s'écroulait et j'étais là, impuissante.

Contre toute attente, ses bras s'enroulent autour de moi.

— Continue, je veux savoir.

— Vivre sans toi, je n'y parvenais pas. C'était trop dur, alors...pleuré-je.

Les souvenirs sont douloureux, mon âme se brise en ressentant de nouveau ce melting pot d'émotion. Je prends sa main que je glisse sur l'intérieur de ma jambe. Ma chemise de nuit se relève légèrement afin de lui permettre de sentir ce que je veux qu'il découvre. Il y a une seule entaille, elle est profonde.

— J'ai perdu connaissance et je me suis réveillée à l'hôpital. Les médecins m'ont dit que je l'avais échappé belle. Ils m'ont annoncé ma grossesse, j'ai feint que je ne savais pas, mais en vérité j'avais juste oublié. Ils m'ont dit que les hormones avaient pu me jouer des tours et j'ai acquiescé. Bien entendu, ils m'ont gardé en observation. J'ai eu des ordonnances de vitamines prénatales pour le bébé et tout ce qui allait avec.

Toute la douleur refoulée ces dernières années remonte, parce que ces semaines ont été un enfer sur terre.

— Je ne sais pas comment je suis arrivée à l'hosto, mais j'ai dû nettoyer alors peu importe.

Un raclement de gorge me coupe.

— C'est moi qui t'ai déposé aux urgences, annonce Yuri. Et je n'ai rien dit à Kaden de tout cela.

La prise de mon ex se resserre, il est furieux, mais il se contient.

— Oh, soufflé-je. Merci pour ce que tu as fait. Je me suis toujours demandé, mais je n'avais pas envisagé cette possibilité.

J'avais songé à une voisine qui ne s'était jamais manifestée, mais pas une seconde je n'ai pensé à un homme de Kaden.

— Je suis rentrée après trois ou quatre jours, les souvenirs sont flous. Il m'avait fait une écho et l'enfant je l'avais sous le nez, je ne pouvais plus faire semblant.

— Poursuis, souffle Kaden.

— Les jours ont défilé, reprends-je entre deux respirations. Je regardais cette écho tous les jours pour me donner du courage. Il était tout ce qui me restait de nous.

Les sanglots deviennent difficiles à contenir.

— J'avais dépassé le quatrième mois, j'approchais du cinquième lorsque j'ai été réveillée en pleine nuit. La douleur était atroce. Mon ventre s'était légèrement arrondi, mais il ne bougeait pas encore. Sur le net, il disait que l'accouchement s'apparentait à des douleurs de règles, quelle connerie. Encore un article écrit par un mec, soufflé-je. Ce n'était pas des crampes, c'était pire que ça. J'avais l'impression que mon ventre se broyait... J'ai vite compris que ce n'était pas normal.

Ma main se pose sur le mur juste devant moi, même après six ans, cette douleur est toujours présente. C'est un comme un fer chaud que l'on aurait aplati sans cesse sur mon cœur.

— Je me suis levée, j'étais pleine de sang. Pas besoin d'un médecin pour me dire ce que je vivais : une fausse couche. J'étais encore dans les dernières semaines ou cela pouvait survenir, alors j'ai attendu que ça passe au-dessus des toilettes. J'avais envie que tu sois près de moi, je ne voulais pas vivre tout ça seule...

Il me câline encore plus fort. Le silence est assourdissant entre nous.

— Quand je me suis sentie mieux, reprends-je difficilement, je suis allée aux urgences. Une infirmière m'a ausculté, puis un médecin et ils ont confirmé le diagnostic. J'avais perdu notre enfant. Un curetage a été nécessaire vu l'avancée de ma grossesse, j'ai pleuré pendant toute la durée de l'intervention.

— Lya, murmure-t-il.

— Je n'avais vraiment plus rien. Les semaines qui ont suivi ont été compliquées. Je me sentais responsable, pour moi tout était de ma faute. Je n'aurai peut-être jamais fait de fausse couche si j'étais restée près de toi. La culpabilité m'a rongée, jusqu'à ce que je décide de me ressaisir. J'ai lu des bouquins et j'ai commencé une école d'infirmière. Il fallait que ça ait un sens. Il fallait que toute cette destruction ait un sens.

Les femmes qui font des fausses couches se sentent souvent coupables. Cela fait partie de notre cerveau, peu de femmes parlent de ce processus, mais c'est vrai. La culpabilité nous étreint, nous nous sentons responsables, comme si tout était de notre faute. Au cours de mes gardes, je l'ai vu. Il y a des femmes qui se sont reposées et n'ont rien entrepris de particulier et ont perdu leur enfant. D'autres n'ont pas fait attention, ou ne le savaient pas... La fausse couche survient génèralement en début de grossesse dans les douze première semaines, arrivée à mon stade c'est plus rare.

— Je me suis dis que la nature devait avoir ses raisons. Peut-être que notre bébé n'était pas viable ou malade... Je ne sais pas exactement et je ne le saurai jamais, mais ça m'a aidé à remonter la pente. Je n'aurai pas pu avoir un bébé avec un handicap ou autre.

— Tu aurais dû revenir, chuchote-t-il.

— Je n'y arrivais pas. Je ne savais plus qui tu étais et j'avais peur que tu me haïsses en le découvrant.

— Jamais, gronde-t-il.

— Je t'ai abandonné, soufflé-je, et la vie m'a rendu ce que je t'ai fait en me prenant la seule chose qui me restait.

Volontairement Captive - The Silent Death - DR -Où les histoires vivent. Découvrez maintenant