Chapitre 31

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Ariane

C'est fou comme les choses peuvent changer rapidement. Il y a une semaine je me sentais mieux, je remangeais, je ne cauchemardais presque plus et la colère et les émotions en moi était au plus basses. Cameron m'apprenait le basket, et même s'il est un prof intransigeant, je m'amusais bien. Daemon et moi, nous entendions bien et nous nous parlions naturellement. Mais voilà, il m'a suffi d'une semaine pour tout gâcher comme d'habitude. Je mange peu et ne dors pas plus à cause des cauchemars que je fais de Chad. Je revis encore et encore la même scène et me blâme encore et encore de ne pas avoir écouté Eden. Je ne me sens pas légitime au bonheur et prends donc des distances avec tous ceux qui me rendent heureuse. Je n'ai pas réussi à m'éloigner d'Ayline et d'Ondine, mais je fais tout pour ne pas calculer Daemon. Je tente de me débarrasser de toute émotion parasite et négative en jouant du piano à m'en faire rougir les doigts, mais c'est peine perdue. Le basket ? Un cauchemar ! Comment voulez-vous bouger convenablement l'estomac vide ? Je ne suis qu'une idiote bonne qu'à décevoir les autres, comme maintenant par exemple.

- Debout Ariane.

La tête baissée, je fixe les bandes de peinture blanche qui ornent le sol du terrain en tentant tant bien que mal de faire taire le mal de tête qui me fissure le crâne. C'est la troisième fois que je tombe, je suis à bout de force et ça ne fait même pas vingt minutes que j'ai commencé à jouer.

- Debout, réitère Cameron.

- C'est trop dur...

- Le goudron ne va pas être aussi moelleux que ton matelas Tigresse, c'est normal, plaisante-t-il en s'accroupissant à ma hauteur.

Je ne relève pas la plaisanterie et il semble comprendre que si je tombe ce n'est pas due à ma gaucherie habituelle puisqu'il devient très sérieux d'un coup.

- Aria, tout va bien ?

- Oui, affirmai-je en tentant de me relever.

Cameron m'agrippe le bras et m'aide à me mettre debout pour m'entraîner sur un banc.

- Il faut qu'on parle.

J'ai un mauvais pressentiment.

- Écoute Aria, je sais que tu n'es pas très forte en basket, mais là, c'est vraiment catastrophique. Depuis ces trois dernières séances, j'ai l'impression qu'on a régressé et tu as l'air épuisé. Alors ne me dis pas que tout va bien parce que ton corps dit clairement le contraire, me gronde-t-il.

- Tu sais que tu peux me parler hein ? Je suis là pour toi, si tu as un problème, tu peux me le dire en revanche si tu ne veux rien m'expliquer, tu vas devoir régler ça seule parce que moi, je ne peux pas t'entraîner si tu ressembles à un zombi. Fais-moi confiance Aria...continue-t-il en me prenant doucement la main.

- Je ne dis rien parce que je n'ai rien à dire pour ma défense, je t'assure que ça va, Cameron. Je suis un peu stressée en ce moment et je dors mal, c'est tout, mens-je en espérant qu'il lâche vite l'affaire.

- Aria...tu manges bien au moins ? J'ai remarqué que tu ne mangeais pas beaucoup ces derniers jours...demande-t-il en effectuant de petits cercles avec son pouce sur le dos de ma main.

Aussitôt, je lui enlève ma main. Je ne pensais pas que quelqu'un le remarquerai et encore moins Cameron. Je voudrais nier, vraiment, j'ai envie de lui mentir comme à tous les autres, lui dire que je mange et qu'il n'a pas de souci à se faire, mais en croisant ses yeux inquiets, je me rends compte que je n'ai plus cette force. Je voudrais nier, vraiment, j'ai envie de lui mentir comme à tous les autres, lui dire que je mange et qu'il n'a pas de souci à se faire, mais en croisant ses yeux inquiets, je me rends compte que je n'ai plus cette force. Vous vous demandez sans doute pourquoi je ne mange pas, pourquoi je repousse les autres. Je ne sais pas moi-même. Je suppose que c'est une manière de me punir pour le mal que j'ai causé et les mauvaises décisions que j'ai prises, mais je ne saurais vous le dire avec certitude. Mes larmes coulent, silencieuses et amer, elles viennent s'échouer sur mes lèvres. Cameron prend mon visage en coupe et essuie mes joues de ses pouces avant de m'attirer contre lui. Nichée contre son torse, je me laisse aller à son étreinte et exhorte mon esprit à arrêter de réfléchir.

- Ariane...je ne sais pas pourquoi tu t'affames et à vrai dire si tu refuses de m'en parler ça ne me regarde pas. En revanche, je refuse de t'entraîner si tu ne manges pas. Je ne veux pas t'amener à l'hôpital. Je sais que tu ne vas sûrement pas bien, mais tu dois savoir que ce n'est pas en t'isolant que ça ira mieux, tu laisses juste l'opportunité à ton esprit de te dévorer avec les pensées qui te font mal. Je suis là si tu as envie de parler, mais tu dois aussi te battre de ton côté. On ne peut pas sauver quelqu'un qui ne veut pas être sauvé, me murmure-t-il d'une voix calme et remplie de compassion.

- Je sais, mais parfois, je n'ai plus la force de combattre, soufflai-je.

- Alors laisse les autres t'aider. Si tu ne peux plus puiser dans tes ressources, puise dans celle que t'offre les autres. Je suis là pour t'aider et je suis sûre que je ne suis pas le seul à vouloir le faire. Ayline et Ondine sont elles-mêmes venues me demander si je savais pourquoi tu cherchais à mettre de la distance entre elles et toi. Même cet abruti de Daemon à l'air soucieux quand il te regarde, dit-il en me serrant un peu plus fort contre lui.

- Cameron, as-tu déjà tué quelqu'un ? lui demandai-je de but en blanc en m'écartant.

Il me regarde une expression de surprise peinte sur le visage, mais n'a pas l'air de me juger ou de vouloir poser de questions. Il secoue négativement la tête et me regarde avec douceur en attendant que je décide de lui en dire plus.

- Moi, je l'ai fait. Un homme est mort par ma faute. La personne qui comptait le plus dans ma vie est morte sous mes yeux et c'est à cause de moi alors désolée, mais aucun de vous ne pourra m'aider à aller mieux et d'ailleurs, aucun d'entre vous n'a envie d'être entraîné là-dedans, je te l'assure, lui confiai-je la mine sombre.

- Ne parle pas pour les autres.

- Je fais ce que je peux, Cameron et en ce moment, je peux t'assurer que je ne suis pas en mesure d'accepter de l'aide. Maintenant, par pitié, on peut parler d'autre chose ? le suppliai-je du regard.

Il pousse un long soupir, mais n'insiste pas plus devant mon visage suppliant.

- Commençons par régler le premier problème, déclare-t-il.

- Lequel ?

- Je ne t'entraîne pas le ventre vide.

Je me renfrogne et il sourit face à mon regard meurtrier. Ce type à un grain.

- Allez, viens Tigresse. On va chez moi, m'ordonne-t-il un sourire immense collé sur le visage et une main tendue dans ma direction.

Pas besoin d'être devin pour savoir que je ne peux pas refuser, il serait capable de m'y traîner de force.

Sa maison n'est pas très grande, mais elle est très mignonne. Cameron a réussi à me faire avaler quelques cookies et nous sommes maintenant assis dans son canapé.

- Aria...hésite-t-il.

- Quoi ? l'encourageai-je la bouche pleine.

- Pourquoi d'un seul coup d'un seul, tu as arrêté de parler à Daemon ? Il s'est passé un truc ?

Aussitôt, les images de la dernière fois où l'on s'est parlé reviennent me faisant rougir et avaler de travers.

- J-je voulais être seule, bafouillai-je entre deux quintes de toux.

Hors de question de lui dire quoi que ce soit à propos de Daemon.

- Vraiment ? Tu te souviens qu'on est tous les deux conviés chez toi demain pour ce fichu exposé ? me demande-t-il soupçonneux.

Merde, il me semblait bien que j'avais oublié quelque chose. Mon expression horrifiée me vaut plusieurs brimades la part de Cameron, mais je ne les écoute qu'à moitié, occupée à chercher une excuse pour me faire porter malade sans éveiller les soupçons. Sans ça, la journée de demain promet d'être longue...

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