Chapitre 39

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Daemon

Mon réveil affiche trois heures du matin quand je quitte la maison. L'air frais du dehors fait frissonner ma peau et le vent me fouette le visage, mais je m'en fiche. Si je reste une minute de plus dans cette maison à ruminer contre mon père, ma mère, Ondine et le monde entier, je vais devenir dingue. Je mets mes écouteurs et commence à courir. D'ordinaire, c'est sur un terrain de basket que j'évacue le mieux ma frustration et mes pensées, mais faute d'avoir ça près de chez moi, la course à pied reste une bonne alternative. Et puis ce n'est pas désagréable de changer de registre de temps en temps.

Je me dirige vers la plage, englouti par l'obscurité de la nuit. A part les quelques chats qui m'observent quand je passe, il n'y a pas âme qui vive dans les rues. En même temps, personne ne serait assez fou pour se balader dans le quartier en pleine nuit à la seule lueur des trois pauvres lampadaires miteux qui éclairent la route. J'accélère la cadence et débouche enfin dans des quartiers un peu plus fréquentables. Je remonte lentement jusqu'au bord de l'océan, enivré par les odeurs de sel qui remontent de l'océan et me rappelle tout un tas de souvenirs. Quand j'étais petit, ma mère m'emmenait souvent à la plage. Nous sautions dans les vagues, faisions des châteaux de sable ou mangions simplement une glace en observant le soleil se coucher au-dessus des flots. Je me rappelle aussi des chasses aux crabes que nous faisions Eden et moi quand ma mère l'emmenait avec nous. Ariane avait une peur bleue de ces bestioles et bien sûr, nous prenions un malin plaisir à lui faire peur. Ces souvenirs légers me firent sourire. J'ai toujours tendance à oublier que tout n'est pas noir dans la vie quand je suis dans une mauvaise passe...

Je lève la tête et me reconcentre sur la route qui s'étale devant moi, quand une ombre sortie de nulle part s'avance jusqu'à la rambarde qui fait face à l'océan. Je m'arrête net et observe la silhouette, c'est une femme. Je m'avance un peu et fini par reconnaître Ariane. Son regard et perdu au loin et elle semble complétement essoufflées.

- Ce n'est pas prudent de sortir seule la nuit, dis-je en m'approchant d'elle.

Elle fait volte-face et ses yeux s'écarquillent de surprise quand elle me reconnaît. Ses longs cheveux châtains-roux volent au vent, sa peau pâle contraste avec l'obscurité qui nous enveloppe et ses lèvres pleines sont légèrement entrouvertes. Je les fixe une seconde de trop et détourne mon regard pour mieux le planter dans ses yeux vert émeraude qui scintillent malgré le peu de lumière qui nous entoure. Je dois l'admettre, elle est magnifique. Soudain, son expression change et semble osciller entre la méfiance et la gêne. Rien d'étonnant vu ce qu'il s'est passé la dernière fois que l'on s'est vu.

- Qu'est-ce que tu fais dehors à une heure pareille ? lui demandai-je pour tenter de la détourner de ce à quoi elle doit être en train de penser.

- Je pourrais te retourner la question ! réplique-t-elle sur la défensive.

Je la dévisage un instant et soupire avant de lui répondre.

- Disons que je cherchais à fuir mes pensées, éludais-je avec un sourire contrit. Et toi ?

- À peu près pareil, se contente-t-elle de répondre en venant s'accouder près de moi à la rambarde.

- Je vois...

Le silence nous enveloppe à nouveau de ses bras et je jette quelques regards à cette fille mystérieuse qui apprécie l'air frais du matin les yeux fermés. Elle ne m'a pas reconnu et pourtant, j'ai l'impression qu'elle me fait bien facilement confiance.

Elle ouvre lentement les yeux et se tourne vers moi le regard baissé.

- Daemon...à propos de samedi... commence-t-elle.

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