Chapitre 46

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Ariane

Une ambiance de mort règne dans ma chambre. Cameron fixe Daemon comme s'il attendait le bon moment pour le tuer et Daemon lui rend un regard tellement froid que je m'attends à voir de la neige tomber du plafond. Je soupire et donne un coup de coude à Cameron, il me regarde et se replonge dans son ordinateur, comprenant le message. N'ayant plus personne à assassiner du regard, c'est sur moi que Daemon pose ses deux prunelles. Je les sens glisser dans mon dos. Je frissonne légèrement et me replonge dans mes notes.

- Tigresse ?

Je relève le nez et croise le regard gêné de Cameron.

- Oui ? lui demandais-je.

- Heu...je- comment dire...il se pourrait que j'ai, par erreur, supprimé notre diaporama ? marmonne-t-il en se mordant la lèvre.

- Tu as quoi ?

- Bon sang, mais on ne peut vraiment rien te demander ! s'agace Daemon.

- C'est toi qui dis ça, monsieur « je n'ai rien foutu depuis des semaines » ? réplique sèchement Cameron.

- Les gars, soupirai-je, ça ne sert à rien de se battre, ce n'est pas ça qui va régler le problème.

- Oui, bah, justement, il n'y en aurait pas de problème si cet abruti avait fait gaffe ! s'exclame Daemon.

- C'est clair que faire des gaffes ça ne doit pas t'arriver souvent vu que tu es incapable de travailler ! s'énerve Cameron.

Les deux se fusillent du regard près à se jeter l'un sur l'autre.

- Bon, ça suffit maintenant ! Vous m'aviez promis de ne plus vous battre ! Cameron, tu m'avais envoyé un bout du diaporama, je vais te le donner et tu vas simplement compléter ce qu'il manque. Toi Daemon, tu te mets au travail et le prochain qui parle, je le balance par la fenêtre ! C'est clair ?! m'écriai-je.

Les deux me regardèrent ahuris et Cameron éclata de rire.

- Désolée Crevette, mais l'image de toi essayant de faire passer par la fenêtre un mec comme Daemon, qui fait deux fois ta taille et trois fois ton poids, est assez comique, pouffe-t-il.

Je le fusille du regard et m'apprête à lui lancer une réplique acerbe quand je vois Daemon le rejoindre dans son fou rire. Je soupire et décide de laisser couler, au moins ils ne se disputent plus.

***

Cameron vient de partir et Daemon a pris ma salle de bain en otage. Je me laisse tomber sur mon lit et pousse un soupir de soulagement. Enfin fini ! Ce fut la matinée la plus longue de ma vie. Après une accalmie de dix minutes, ils se sont de nouveau chamaillés toutes les trois secondes, et pour rien du tout en plus ! Cameron reprochait à Daemon de ne faire aucun effort pour écrire puis il se plaignait toutes les trois minutes de ne pas réussir à le relire. Ensuite, c'est Daemon qui râlait parce qu'il n'aimait pas les couleurs vives que mon ami avait choisies pour le diaporama. Bref, j'ai l'impression de sortir d'une épuisante session de baby-sitting. Les deux garçons ont dix-huit ans et pourtant, c'est moi la plus mature. Je ferme les yeux et commence à glisser dans le sommeil quand je sens quelqu'un se laisser tomber sur le matelas. L'odeur de mon gel douche atteint mes narines et un sourire narquois se forment sur mes lèvres.

- Tu m'aimes tellement que tu veux sentir comme moi ? le taquinai-je.

Pas besoin d'ouvrir les yeux, je sais déjà qu'il a les yeux levés au ciel. Je me tourne vers lui et lève le voile de mes paupières. À sa vue, je rougis immédiatement. Allongé sur le côté, son visage n'est qu'à quelques centimètres de moi. À travers le rideau que forment ses cheveux mouillés, je le vois détailler mon visage descendant de mes yeux jusqu'à mes lèvres. Je baisse le regard et constate qu'il n'a pas pris le soin de remettre un tee-shirt. Je rougis et je vois ses lèvres s'étirer en un sourire provocateur.

- Tu admires le paysage princesse ? me lance-t-il narquoisement.

- Quel paysage ? répliquai-je.

- Tu sais très bien de quoi je parle. Profite, tu n'en verras pas de plus beaux, me souffle-t-il en se rapprochant encore un peu plus de moi.

- Tu passes encore les portes avec une grosse tête pareille ? rétorquai-je, un air faussement inquiet sur le visage.

- Mais oui ne t'inquiètes pas.

Je rigole en secouant la tête et sursaute au contact de ses doigts qui viennent effleurer ma joue. Il suit chaque courbe de mon visage et je le vois tiquer légèrement à la vue de la petite cicatrice sur ma tempe droite, mais à mon grand soulagement, il ne pose pas de question.

- Tu vas rester longtemps ? demandai-je d'une petite voix.

- Tu veux que je reste ? m'interroge-t-il à son tour.

- Je ne sais pas...

Il me sourit doucement et mon cœur rate un battement. Mais qu'est-ce qu'il m'arrive ?

- Ton père va s'inquiéter non ?

Il se contente d'un haussement d'épaules pour me répondre.

- Aria ?

- Oui ?

- Et si tu tenais ta promesse ? questionne-t-il doucement.

- Ma promesse ?

- Tu sais...m'apprendre un morceau au piano..., hésite-t-il.

- Oh...

Je me relève et lui tends ma main un sourire aux lèvres.

- Viens, mais rhabille-toi avant, je ne veux pas donner d'explication si mes frères rentrent, rigolai-je un peu gênée.

Il me rendit mon sourire et s'exécuta avant de venir s'asseoir à côté de moi sur le banc.

- Bon, tu sais ce que tu veux jouer ? lui demandai-je.

- Pas vraiment, je te fais confiance pour le choix du morceau.

Après un moment de réflexion, je commence à jouer. Mes doigts glissent sur les notes et commencent leur valse enchantée sur l'ivoire. Je me sens glissé, au fil des notes, jusque dans ma bulle, portée par la ribambelle de sons colorés qui émanent du piano. Mon esprit vole et tourbillonne au milieu des couleurs, il s'enfuit et je me laisse aller. Mes muscles se détendent et ma tête se libère de toute mauvaise pensée et je file, libre comme l'air, au milieu de cette pluie ensorcelée sauf que cette fois, je ne suis pas seule...

Le morceau prend fin et il flotte dans l'air un de ces silences apaisant et complices. Daemon Straus est entré dans ma bulle et c'est la première personne à avoir réussi à franchir ce mur magique qui protège ce qu'il reste de mon cœur brisé.

- Qu'est-ce que c'est ? souffle-t-il l'air ému.

- Hijo de la luna.

- C'est magnifique...murmure-t-il.

Je souris tristement et le contemple. Il a l'air tellement vulnérable à cet instant que ça en est déroutant. Je n'ai pas l'habitude de voir le Daemon qui a enlevé son masque de fierté, mais, les rares fois où c'est arrivé, j'ai senti que lui aussi était brisé et que peut-être, nous nous ressemblions plus que je ne le pensais. Alors, je décide de lui offrir à lui aussi, un moyen de s'échapper, de s'évader de la prison formée par ses pensées. Doucement, j'attrape sa main et positionne ses doigts sur les touches prenant soin de lui expliquer les premières mesures. Les premières notes s'envolent et je réalise à quel point je me suis ouverte à Daemon, mais aussi à quel point il pourrait être dangereux pour moi. Pourtant, je ne veux pas m'éloigner de ce piège mortel, au fin fond de mon cœur, une voix me souffle d'y plonger et de ne pas reculer...

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