Chapitre 44

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Ariane

 Nous nous embrassons. Nous nous embrassons et le monde disparaît autour de nous. Je laisse mes doigts se perdre dans ses cheveux. La fièvre me gagne et la chaleur embrase chaque fibre de mon être. Ses lèvres sont douces et ses gestes lents. Je m'abandonne à son étreinte laissant la timidité qui m'avait d'abord envahie s'envoler.

Cela fait maintenant plusieurs semaines que nous nous tournions autour, et même si ma raison me crie de fuir, mon corps, est inexorablement attiré par lui. Je le veux et la force de mon désir me fait peur. C'est la première fois que je désire quelqu'un et la première fois que quelqu'un me touche depuis Chad. Ce baiser, il est différent de tout ce que j'ai pu connaître jusqu'à maintenant. La douceur que Daemon met dans ses gestes, la possibilité de fuir qu'il m'offre, je n'ai jamais connu ça. Pour la première fois, je réalise que tout ce que j'avais toujours cru normal, ne l'était vraiment pas. La prévenance dont fait preuve Daemon est tellement aux antipodes de la brutalité de Chad que s'en est déstabilisant.

Il me pousse doucement et m'allonge avec délicatesse sur le matelas avant de se placer au-dessus de moi. Seul le bruit de nos respirations haletantes résonne autour de nous. Les yeux de Daemon s'assombrissent sous l'effet du désir et paraissent maintenant presque noir. Il caresse ma joue du bout des doigts et dépose un baiser léger sur ma bouche avant de descendre avec lenteur dans mon cou. Un gémissement m'échappe et je tire légèrement sur ses cheveux ce qui a pour effet de le faire grogner. Il se redresse et sans réfléchir, je l'attire à moi et l'embrasse. Ses mains descendent le long de mes côtes et se glissent avec délicatesse sous mon haut, me ramenant instantanément à la raison. Mon corps se crispe et ma respiration se coupe. Je tente de repousser aussi loin que possible la voix de Chad qui résonne dans ma tête, mais sans succès, la panique me gagne petit à petit. Il faut croire que le corps a meilleur mémoire que le cœur... Des larmes roulent sur mes joues sans que je ne puisse les arrêter et Daemon, surpris, se redresse immédiatement avant de s'écarter.

- Pardon...murmure-t-il d'une voix empreinte de culpabilité.

Il se lève, la main sur le visage et je veux le retenir, lui dire que ce n'est pas de sa faute. Lui dire que la culpabilité dans ses yeux me déchire le cœur. Mais les mots sont là, bloqués dans ma gorge. Faute de pouvoir parler, je me redresse tant bien que mal et j'attrape sa main. Il me regarde d'un œil surpris et je le tire à moi. Il résiste un peu, mais finit par revenir s'asseoir sur le lit. Il me fixe et me regarde sans comprendre. Il est facile de voir qu'il attend des explications, malheureusement pour lui, je suis incapable d'en donner. Je secoue doucement la tête et pleure un peu plus sous le coup de l'impuissance.

- Ariane...murmure-t-il.

Il hésite un instant puis pose ses mains en coupe autour de mon visage, essuyant du bout du pouce mes traîtresses de larmes. Nos yeux s'accrochent et il semble comprendre que je ne veux pas en parler. Il acquiesce et s'allonge en m'attirant dans ses bras. Il m'embrasse le haut du crâne et me sert contre lui jusqu'à ce que je me calme. Bercer par sa respiration et envelopper de sa chaleur, je glisse doucement dans le sommeil.

***

La chaleur des rayons de soleil qui inondent mon visage me tire lentement des bras de Morphée, je pousse un grognement et tente de me retourner pour continuer ma nuit, mais quelque chose m'en empêche. J'ouvre précautionneusement les yeux et me retrouve nez à nez avec un Daemon dormant à point fermer. Les souvenirs de la nuit passée me reviennent et je pique immédiatement un fard. Bon sang, mais qu'est-ce qui m'a pris de l'embrasser, me lamentai-je intérieurement. Le pire dans tout ça, c'est que maintenant, il va forcément se douter, grâce à ma petite crise d'angoisse d'hier, que quelque chose ne va pas. Certes, je vais mal, mais je n'ai pas besoin que tout le monde le sache, je suis toujours incapable d'en parler et pas besoin d'être devin pour savoir qu'il va me poser des questions ! Embarassée, je jette un œil vers lui. Ses cheveux noirs sont ébouriffés et certaines mèches lui retombe sur les yeux formant un contraste avec sa peau pâle. Mes yeux descendent jusqu'à ses lèvres et je ne peux m'empêcher de caresser les miennes en frissonnant. C'est sûrement mal mais je ne regrette pas vraiment ce qu'il s'est passé même si je n'aurais jamais cru que c'est ce mystérieux garçon qui semblait tant me détester le premier jour, qui me ferait découvrir la magie d'un véritable baiser consentit. Le souvenir de ses lèvres contre les miennes me fait frissonner et c'est lorsqu'un sourire se forme sur sa bouche que je comprends qu'il m'observe. Il rigole doucement et je rougis comme une idiote. Je ne peux même pas fuir, il me tient dans ses bras !

- On recommence quand tu veux, me taquine-t-il.

- Chut, assènai-je en me cachant tant bien que mal sous la couette.

Il rit un peu plus et son rire envahi ma chambre telle une mélodie. Il m'attire contre lui et pose sa tête sur la mienne. Nous ne disons plus rien et je me doute qu'il réfléchit à ce qu'il s'est passé hier.

- Daemon...commençai-je.

- On n'est pas obligés d'en parler princesse. Pas si tu n'en as pas envie.

J'acquiesce et le serre à mon tour dans mes bras.

- Et maintenant ? On fait quoi ? demandai-je hésitante.

- Aucune idée, tu veux faire quoi ? me demande-t-il en faisant semblant de ne pas comprendre ma question.

Je soupire et me dégage de ses bras pour me lever. Je sais bien que pour lui, je ne suis qu'une fille à ajouter à son palmarès de conquêtes, et de mon côté, je ne suis pas amoureuse, simplement attirée, mais j'ai du mal à imaginer qu'on va se croiser lundi au lycée comme si de rien n'était. Je me dirige vers la salle de bain sentant son regard glisser sur moi. Je me mets face au miroir et pour la première fois depuis des mois, j'ose détailler mon reflet. Ma peau est pâle et mes yeux verts brillent me rappelant ceux de mon jumeau. Mes cheveux châtain-roux ondulent légèrement et tombent en cascade jusqu'au milieu de mon dos. Eden et moi étions peut-être de faux jumeaux, mais la ressemblance était frappante. J'effleure du bout de mon index la petite cicatrice sur ma tempe droite, vestige de cette nuit de cauchemars. Mon cœur se sert et je finis par détourner les yeux ne pouvant supporter ma propre image plus longtemps.

Je prends le temps de calmer ma respiration sentant l'angoisse remonter par vagues en moi quand mon téléphone sonne. Je regarde mes messages et une nouvelle vague de stresse s'abat sur moi. Cameron me demande à quelle heure il doit venir pour l'exposé. Je lui réponds et jette un œil discret dans ma chambre où Daemon semble s'être rendormi. Je ne suis vraiment pas rassurée à l'idée de me retrouver seule dans la même pièce que ces deux-là. Cameron s'est excusé un milliard de fois pour ce qu'il a fait pendant la soirée et j'ai fini par accepter ses excuses. Après tout, il était bourré et ce n'est un secret pour personne qu'il déteste Daemon. Si on additionne ces faits à la théorie d'Ondine comme quoi, je ne le laisserai pas indifférent – sujet que je mets un point d'honneur à éviter, au passage – alors je peux éventuellement concevoir que ça a pu l'énerver. Je l'ai fait attendre des jours avant de lui répondre alors j'ai tout de même fini par mettre fin à son supplice vendredi. Enfin tout ça pour dire que ça ne me dérange pas de le voir, mais je suis presque sûre que lui et Daemon ne se sont pas adressé un mot depuis cette fameuse bagarre. J'hésite un instant à appeler Ayline pour qu'elle me sorte de là, mais fini par réfuter l'idée en me rappelant qu'elle m'a dit ne pas être là ce week-end. Et comme appeler Ondine serait comme jeter de l'huile sur le feu, j'accepte mon sort. Je me douche rapidement, m'habille et vais réveiller Daemon. Je sens que la journée ne va pas être de tout repos.

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