Supernova

Chapitre 34

Ariane

Assise sur une chaise de la salle d'attente de l'infirmerie, j'attends depuis dix minutes à côté de Daemon qui lui se marre justement depuis quinze minutes.

- Ce n'est pas bientôt fini oui ? m'énervai-je.

- Désolé, mais je revois ta chute encore et encore. Celle-là, je risque de te la ressortir souvent, s'esclaffe-t-il.

Je m'enfonce un peu plus loin dans le siège la mine boudeuse. Ok, j'ai merdé, mais pas la peine d'en faire toute une histoire. J'étais à mon poste, en plein match, quand la balle s'est dirigée droit sur moi. Et devinez quoi ? J'ai réussi à taper dedans ! J'étais super fière de moi jusqu'au moment où j'ai vu la balle s'envoler au-dessus du filet et du terrain pour atterrir en plein dans la tête de Liam qui jouait tranquillement son match dans le terrain d'à côté. Un peu sonné, il a fini sur les fesses à chercher autour de lui qui lui avait envoyé cette balle. Inquiète, je me suis précipitée vers lui sauf qu'en voulant passer sous le filet mes cheveux se sont emmêlés aux mailles. Je me suis cassé la figure en entraînant tous les filets voisins dans ma chute. Bien sûr, non seulement, je vais avoir un bleu ou deux, mais en plus, je me suis ouvert le bras sur le poteau qui soutenait ledit filet. Le prof n'a même pas eu besoin de se retourner pour savoir que c'était moi qui étais tombé. Il a simplement demandé un volontaire pour m'emmener à l'infirmerie. Il faut dire qu'entre mon évanouissement de la première fois, la balle que j'ai prise dans la figure la deuxième fois et ma glissade sur le ballon de la fois d'avant il commence à être habitué. Il n'y a qu'une fois où je suis ressortie du terrain indemne et je me suis cassé la figure sur le sol mouillé — il avait plu — du couloir. Voilà comment je me suis retrouvée à l'infirmerie avec un Daemon qui a seulement pris la peine de vérifier si j'étais vivante et que nous soyons seuls avant de se tordre de rire.

- Tu devrais définitivement arrêter le sport ma belle, tu aurais peut-être une chance de rester entière, conseille-t-il en me taquinant.

- Chut.

- Il va falloir qu'on vienne au tournoi avec des protège-dents et un casque aussi, ajoute-t-il en riant.

J'allais répliquer quand la porte du bureau s'ouvrit laissant s'échapper une gamine larmoyante et une femme aux cheveux blonds presque blanc sur ses talons. Madame Sten, ou plutôt Emma, comme elle m'a demandé de l'appeler, m'accueille avec un grand sourire et nous fait signe d'entrer.

- Je me disais bien que je ne t'avais pas encore vu Ariane, se moque-t-elle gentiment.

Je soupire et Daemon ricane en s'asseyant de façon désinvolte sur la chaise face au bureau d'Emma. Je m'assois sur la table de consultation et l'infirmière approche avec du désinfectant et des bandes.

- Dit donc tu ne t'es pas loupé, me dit-elle en fronçant les sourcils.

- Je sais, ça pique, répondis-je en regardant la plaie qui s'ouvre sur un peu plus de cinq centimètres.

- Glissade dans le vestiaire ? m'interroge-t-elle.

- Non, duel avec le filet, rétorque Daemon en se mordant la lèvre pour ne pas rire.

- Avec le filet ? demande-t-elle interloquée.

- Rien d'important, bougonnai-je en fusillant Daemon des yeux, lequel m'ignore royalement en se lançant dans le récit de l'éprouvante bataille que j'ai perdue contre le poteau et les mailles de ce foutu filet.

Emma a sûrement dû déployer des trésors d'effort pour ne pas éclater de rire. Elle tenait bon jusqu'au moment où Daemon lui fait part de son intention d'équiper son équipe de basket en conséquence de ma venue sur le terrain.

Une fois sortis de l'infirmerie, nous retournons nous changer dans le vestiaire. Les autres sont déjà partis manger et Ayline et Ondine ne font pas exception, constatai-je en lisant mes messages. Super ! J'hésite un instant à sauter le repas n'ayant pas faim, mais étrangement, Cameron me revient en mémoire. Je soupire et attrape mes affaires. Quand je sors, Daemon est adossé au mur et me sourit.

- Qu'est-ce que tu fais encore là ? lui demandai-je.

- Je comptais manger avec toi puisque nous avons été abandonnés de nos amis, m'annonce-t-il avec une moue dramatique.

- Pauvre chéri, tu devrais demander à cette fille, Zoé, rétorquai-je.

- Mmh, ça sent la jalousie.

- N'importe quoi.

Nous sortons et nous nous dirigeons vers le self en discutant. L'épisode du piano chez moi ne semble pas refaire surface. Nous nous installons à une table et je fixe mon assiette comme si je regrettai qu'elle ne puisse s'échapper. Je souffle et avale une première bouchée sans même me rendre compte que je grimace. Je suis dans un de ces jours où rien ne passe et la purée ne semble pas faire exception, je repousse mon assiette et observe Daemon. Nos regards se croisent et il me dévisage avant de repousser l'assiette vers moi.

- Mange.

- Je n'ai pas faim, me lamentai-je.

- Peut-être, mais pour vivre, il faut manger, réplique-t-il.

Première grimace et il soupire.

- Ariane, je peux te jurer que t'affamer ne réglera aucun de tes problèmes.

Deuxième grimace.

- Ce n'est pas que je ne veux pas manger, c'est que je n'y arrive pas. Ça ne passe pas et je n'ai aucune envie de vomir, lui expliquai-je en murmurant, cachée derrière mes cheveux.

- Il n'y a rien qui te fais un peu envie ? me demande-t-il soucieux.

Je réfléchis un instant avant de lui répondre.

- Si, les cookies.

- Bien alors allons-nous goinfrer de gâteau ! s'exclame-t-il en attrapant mon plateau et le sien.

- Quoi ?

- Ne fais pas cette tête. De toute façon, ce truc est dégueu, rétorque-t-il en m'attrapant la main pour me tirer dehors.

Une fois dehors, nous courrons jusqu'à la pâtisserie la plus proche et en ressortons avec un stock impressionnant de cookies aux trois chocolats. Nous nous dirigeons vers un parc et dégustons notre butin face à un lac. Le vent nous fouette le visage faisant voler mes cheveux au passage. Mes joues et mes mains sont rougies par le froid, mais tant pis, qu'est-ce que c'est bon ! Nous rions et nous nous disputons le dernier biscuit avant qu'il n'accepte de me le céder en guise de récompense pour avoir touché le ballon même si cela s'est soldé en catastrophe.

- Ariane ? me demande-t-il hésitant.

- Oui ?

- J'aimerais te demander quelque chose et sache que je ne t'en voudrais pas de refuser.

- Qu'est-ce qu'il y a, demandai-je la bouche pleine.

- Le morceau que je t'ai joué samedi...

- Oui ?

- C'est le seul que je connais. Quelqu'un me l'a appris il y a quelques années, mais je ne sais pas en jouer d'autres. J'aimerais que tu m'en apprennes un nouveau...m'explique-t-il les yeux perdus au loin.

- Je-je ne suis pas sûre d'être un bon professeur, tu sais...contestai-je embarrassée. Tu sais, c'était la première fois que je jouais devant quelqu'un depuis longtemps...

- Tant pis, alors, répond-il un peu triste.

- Pourquoi tu veux jouer ?

- Ça, je me garde le droit de ne le dire à personne, me répond-il avec un sourire contrit.

Je ne sais pas ce qui m'a fait changer d'avis, mais il y a quelque chose dans sa façon de me le demander qui m'émeut. Ça semble réellement compter pour lui...

- J'accepte, lui dis-je en lui adressant un sourire sincère.