What a shitty American Trip.

Chapitre 24 suite et fin

J'entendais sa frustration dans sa voix alors qu'elle n'essayait même plus de me regarder, son visage résolument tourné vers ce parc sans beauté et sa fontaine.

— J'ai tué son frère, lâchais-je sans trop faire attention aux mots qui venaient de sortir de ma bouche, certainement pas la meilleure manière de remonter dans son estime. Incapable d'affronter l'horreur présente dans son regard, j'arrachais quelques brins d'herbes.

>> Quand on était gamin avec Penny, on s'est enfuit peu après la mort de notre mère. Une overdose, elle n'avait jamais été capable de s'occuper de nous et notre père ne valait pas forcément mieux. Un junkie, alcoolique et violent. Il s'en était toujours pris à moi, mais le jour où il avait levé la main sur ma sœur, j'ai fait nos sacs et on s'est enfui.

>> On a vécu dans la rue un petit moment. Je volais principalement pour survivre, mais ça suffisait pas, alors j'ai appris à me battre, je faisais le guet pour un gang local quand il me payait pour le faire. Ce n'était pas facile, mais j'ai toujours réussi à la protéger de la rue, sauf ce jour-là. Ce jour-là c'est Devon qui l'a sauvée quand elle s'était faite coincer par un groupe de mecs en rut dans une impasse.

>> Quand je suis rentré à notre cachette et que je ne l'ai pas trouvé, j'étais en panique total. Quand j'ai retrouvé les mecs qui l'avaient coincée, je les ai cognés jusqu'à ce qu'un m'informe que c'était un motard et son fils qui l'avaient récupérée. J'avais quoi ? Elle devait avoir onze ans à peu près, j'en avais treize. Ça ne m'a pas arrêté. Je suis parti à l'assaut du MC à moi tout seul. On ne va pas se mentir, je me suis fait éclater la gueule.

>> C'est Janice, la mère de Devon qui les a arrêtés. Elle avait recueilli Penny, l'avait nourrie, lavée et elle dormait dans une chambre au chaud pour la première fois depuis longtemps. Elle a fait la même chose avec moi. Au début, ça a été dur de me débarrasser de mes habitudes de la rue, mais Suffer m'a appris à gérer tout ça. Il n'a jamais été violent avec moi et il était en admiration totale pour Penny qu'il traitait comme sa deuxième fille, alors on est resté et puis, ils sont devenus notre nouvelle famille.

Mon récit fut coupé par le bruit de mon estomac. J'avisais un marchand de hot dog devant la fontaine.

— Ça ne te dérange pas si je vais nous prendre quelque chose à manger ?

Elle eut juste un mouvement de tête et je couvris la distance qui me séparait du marchand en courant. Je passais ma commande sans la lâcher du regard, ce qui fit rire le marchand. Je pris deux hot-dogs complets et deux sodas, il m'offrit un brownie en me souhaitant bonne chance pour mon rancard. Non, on ne pouvait définitivement pas qualifier cette sortie de rancard, et puis de toute façon, fallait pas se faire d'illusion, après ce que je venais de lui dire, elle me fuirait encore plus, mais maintenant que je l'avais goûtée, j'étais incapable de m'en séparer.

Je lui remis sa part sans un mot pour elle. Elle me remercia et commença à manger alors que je me réinstallais de mon côté de l'arbre. Elle prenait le temps de manger, en silence et j'en profitais aussi, mon récit m'ayant replongé dans mon enfance. Elle ne dit rien, ne me forçant pas à continuer. Quand mon estomac fut un peu calmé, je repris.

— Vers mes dix-sept ans, avec Booker et son frère, on s'était fait choper pour une bagarre qui avait un peu dégénéré. Au vu de mon passé, le juge m'avait laissé deux choix, la prison pour adulte ou l'armée. Comme c'était déjà une tradition au sein du MC de faire son service, Devon s'était engagé deux ans plus tôt, le choix fut vite fait.

>> Quand je suis rentrée pour une perm', les choses avaient changé, Devon et Penny s'étaient rapprochés. Je lui ai mis la branlée du siècle le jour où je les ai choppé ensemble. Ma sœur était folle de rage, elle m'a fait la gueule pendant presque toute ma permission. Quand on y pense, j'aurai dû le voir arriver plus tôt, mais je ne crois pas à ces conneries sur le destin.