Chapitre 13 suite et fin

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— Tu comptes vraiment encore me parler sur ce ton ?

— N'oublie pas qui nous sommes Frenchie, c'est pour ton bien que je te parle comme ça, si tu le prends mal c'est ton problème. Maintenant réponds, tu resteras bien sage ?

Ma main me démangea. Je n'étais pas violente, mais là je n'avais qu'une envie, lui mettre ma main dans sa gueule et claquer la porte. Je me mordis l'intérieur de la joue enfonçant mes ongles encore plus dans mes côtes. Je n'avais pas fait tout ce chemin pour abandonner maintenant, je n'avais pas vécu cet enfer pour abandonner maintenant. Ravalant ma fierté déjà à terre, je redressais un peu mon menton, la fureur partit, la honte et la frustration restèrent.

— Oui.

— Interdiction de sortir ou t'éloigner sans Bear, tu m'entends ?

— Compris.

— Si jamais...

— Pas de menaces Silent Boy, j'en suis malade... Je te promets que je ferai ce que Bear me demandera sans discuter et que je resterai à portée de vue de lui, sans bouger.

— Pas plus de 10 feet de lui.

Je fronçais les sourcils sans comprendre sa demande.

— Ça fait environ trois mètres, précisa-t-il comprenant qu'il m'avait perdue.

— Ah... d'accord.

Il estima ma solennité, puis, satisfait, il se décrispa et hocha de la tête. Je lui rendis son hochement de tête sans rien dire. Il tourna les talons et se dirigea vers la porte en donnant un petit signe de tête à Bear. Il prit un casque sur les clous, celui qu'il attrapa était peint d'un phénix en feu saisissant de détails.

Une fois proche de la porte, il s'arrêta sans l'ouvrir.

— Une dernière chose Frenchie, comment savais-tu que j'avais un endroit où aller ?

Il ne me regarda pas et j'observais son dos sans le voir.

— Depuis le début de l'après-midi, tu regardes la route toutes les cinq minutes et tu m'as emmenée dans l'endroit où il y avait du monde pour me surveiller et ta moto pour partir, repris-je doucement.

— Putain d'intelligente, marmonna-t-il presque comme une injure avant de me clouer sur la place avec ses yeux marrons, presque noirs.

Et il partit en nous laissant dans un silence pesant alors que je me rappelais enfin comment faire pour respirer.

— Ça va Frenchie ? Me demanda l'ours en me désignant ma main que je ne contrôlais plus.

Je la masquais à sa vue en détournant le regard. Je pus l'apercevoir prendre la route et le suivre des yeux jusqu'à ce que le phénix sur son casque devienne un point flou.

— C'était quelque chose, marqua Bear avec un petit sourire.

— En effet, reconnus-je pas vraiment certaine de parler du même sujet qui me compressait la poitrine. Tu n'aurais pas du chocolat noir par hasard ?

Ma question le prit au dépourvu et il eut un petit sourire compatissant.

— Il n'a pas été tendre, mais il ne pensait pas à mal, c'est compliqué en ce moment...

— N'essaie pas de le justifier Bear, ça... ça n'en vaut pas la peine.

— Si Frenchie, mais je comprends que tu ne veuilles pas l'entendre maintenant. Enfin, tu as eu à boire ? Je n'ai que des bières à proposer ici.

Je me forçais à détendre mes lèvres en une esquisse de sourire pour me redonner du courage.

— Je crois que Rookie avait trop peur de revenir pour me donner à boire. Une bière serait parfait merci, c'est un jour à bière aujourd'hui.

Cette fois, il ne cacha pas son amusement en me tendant une bière, il en prit une pour lui avant de s'installer sur le canapé et je me tournais pour lui faire face. Suivant son exemple, je tournais la capsule à vis pour boire une gorgée, savourant sa rondeur qui enveloppa ma langue.

— C'est un brave petit, il sait respecter ses aînés.

Il garda le silence après ça. Son visage était fermé aujourd'hui grave et sinistre, je retournais mon attention vers l'ensemble de l'équipe dans le garage. Un sentiment d'oppression et de lourdeur m'envahit car leurs regards portaient tous la même expression morne que je ne connaissais que trop bien.

— Ça semble être un jour difficile pour tout le monde aujourd'hui, commentais-je malgré moi.

Bear suivit mon regard à travers la vitre pour observer son équipe, il ne pût que m'approuver d'un signe de tête.

— Oui, ça l'est. C'est l'anniversaire de Penny, reprit-il. C'est la première fois en vingt ans qu'on ne le célèbre pas et les gars en ont gros sur la patate à cause de ça.

Je hochais la tête, comprenant très bien ce qu'ils disaient. J'avais acheté mon billet d'avion pour venir, le jour de l'anniversaire de mon père et dans un sens, ça avait apaisé mon chagrin.

— Vous devriez le fêter.

Son regard se porta sur les bleus de mon visage, se demandant sûrement si ma commotion ne m'avait pas dérangé pour de bon.

— Tu as de drôle d'idées Frenchie. On ne fête pas l'anniversaire des morts chez nous, on passe à autre chose, la vie continue, ça a toujours été ainsi.

Son ton claqua sèchement à mes oreilles et son regard était un défi de le contredire. Un défi que je ne souhaitais pas relever, alors je pris une nouvelle gorgée de bière sans rien dire en soufflant, regardant le cœur serré les hommes travaillaient, désapprouvant leur choix.

— Tu as quelque chose à dire à ce sujet ? Il avait été un peu plus doux dans sa question, comprenant que je ne parlerai pas face à son agressivité.

— Ce n'est pas mes affaires Bear, lui accordais-je en prenant le soin de choisir mes mots. On ne réagit pas à la perte des personnes qu'on aime de la même façon. Ma famille n'est pas d'accord sur mes choix à ce sujet, mais elle les respecte. Je ne peux que faire la même chose pour vous.

— Mais ? Demanda-t-il simplement.

— Vous n'êtes pas passés à autre chose et ma présence parmi vous n'en est qu'un cruel rappel.

— Ne t'en fais pas, malgré les circonstances, on est content que tu sois là. Tu les sors de leur chagrin en les bousculant, il n'y a pas de mal à ça.

— Si tu le dis Bear, mais ils ne sont pas seuls à être en deuil, vous l'êtes tous.

Il pesa mes paroles, observant ses hommes avant de poser sa bière sur la console à côté de la table, une ferme résolution inscrite sur le visage.

— C'est vrai Frenchie, ça ne ferait pas de mal de nous bousculer un peu nous aussi. Il se dressa et ouvrit la porte de l'atelier, il porta ses doigts à la bouche et réclama le silence et l'attention de tous à l'aide d'un grand sifflement strident. Tous se stoppèrent pour l'observer.

— Les gars, dans deux heures, vous rangez tous votre matériel, réunissez tout le monde, on va faire un barbecue, on en a tous besoin.

Ce petit discours fut accueilli par un net silence. L'incompréhension se lit sur les visages, certains échangèrent des regards, à la fois soulagé et inquiet.

— Bear, tu sais qu'on voudrait bien, mais Sharp a dit qu'il ne voulait rien, intervient un homme de petite taille.

— Oui, c'est vrai, Sharp nous a demandé de ne rien faire pour eux, alors on fera pour nous, parce que Penny était notre première dame.

Ils approuvèrent en un hochement de tête et unbrouhaha remplaça le calme original de l'atelier, faisant tous des projets pourla soirée.

What a shitty American Trip.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant