Chapitre 11

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— Eh bien, toujours aussi charmant. Ne le prends pas toi, il est toujours comme ça, commenta le nouvel arrivant.

— Apparemment il en a déjà marre de moi. J'ai souvent cet effet-là sur mon entourage. J'observais enfin mon interlocuteur, un homme d'une quarantaine d'années à l'allure soignée, malgré son nez cassé, il posa sa mallette au sol. Il ne portait pas de cuir lui et son visage me sembla familier. Est-ce qu'on s'est déjà vu ?, lui demandais-je.

— Je m'appelle Denis, je suis volontaire à l'hôpital, se présenta-t-il en me tendant la main.

— Mel, répondis-je en lui serrant la main. Volontaire ? Lui demandais-je sans savoir où il voulait en venir, mais je me doutais que c'était à l'hôpital que j'avais dû l'apercevoir, bien que je ne me rappelais plus de quand.

— Je peux ? Demanda-t-il en désignant la chaise qu'avait quitté Silent Boy quelques instants auparavant. Je hochais la tête et il s'installa comme une personne normale, le dossier dans le dos. Tout le contraire des autres membres du MC.

— C'est compliqué, reprit-il. J'ai reçu une formation médicale dans l'armée mais je ne peux pas pratiquer dans le civil. Je fais du bénévolat à l'hôpital, donc pas vraiment d'horaire et aucun droit de pratique mais je me tiens informé là-bas et pratique ici.

Sa réponse me fit sourire, c'était agréable de parler de la vie de tous les jours sans rentrer dans les drames qui l'accompagnent.

— C'est pas trop dur de voir des personnes blessées et de ne pas intervenir auprès d'elles ? Lui demandais-je curieuse.

— Tu as vu juste petite, répondit-il dans un petit rire et sa réponse fit écho en moi, même avec le temps, ça reste difficile de ne pas intervenir quand on sait aider, mais le personnel de l'hôpital est compétent. Il me pousse à passer une équivalence de diplôme pour m'embaucher, mais ça fait trop longtemps que j'ai quitté l'école et ne pas avoir de garde permet de me libérer au plus vite pour intervenir au MC en cas de besoin. J'ai suivi une formation de secouriste chez les pompiers, c'est juste assez pour ne pas être accusé de pratique illégale de la médecine. Mon CV te rassure-t-il assez pour me laisser t'examiner ou tu as encore des questions ? Finit-il par me demander dans un sourire bienveillant.

— Je ne suis pas inquiète au sujet de tes compétences Doc, mais... je n'arrivais pas à finir ma phrase ne sachant pas vraiment comment je pouvais la terminer.

— Je ne vais pas te mentir Mel, j'ai pu voir ton dossier médical, avoua-t-il de but en blanc ce qui me noua la gorge. Je ne suis pas là pour ce qu'il s'est passé cette nuit-là, mais pour ce qu'il s'est passé aujourd'hui. Tu peux me raconter ?

Je le regardais presque reconnaissante de ne pas me forcer à revivre cette nuit-là. Et me raclais la gorge pour répondre.

— C'est ridicule comme les choses du quotidien deviennent compliquées dans mon état. J'ai eu... comment dire... une dispute ? avec Atlas. Bear et Silent Boy l'ont mis dehors, puis Petit Chef m'a serré dans ses bras, avec beaucoup de force. J'ai pris un cachet pour la douleur, ça va mieux.

— Et qui sont Atlas, Silent Boy et Petit Chef ? Demanda-t-il un peu perdu, ce qui me provoqua un bref petit rire. Je fermais les yeux pour maîtriser la douleur. Il ne bougea pas mais je l'entendis se tendre sur sa chaise. Je finis par ouvrir les yeux doucement.

— Sharp, Phénix et Dyclan, lui répondis-je au bout d'un moment alors qu'il se détendit en m'observant gravement.

— Sur une échelle de un à dix, Comment est la douleur au quotidien ? Il arborait un visage un peu plus fermé, plus professionnel.

— Entre cinq et sept. Quand j'ai de la chance, elle descend à trois, lui avouais-je franchement.

— Et avec ce qu'il s'est passé ?

— Onze, elle est redescendue à huit.

— Tes cachets ne te soulagent pas ? demanda-t-il en fronçant les sourcils.

— Si, mais j'ai fini par jeter les antidouleurs forts et les antipsychotiques aux toilettes. J'avais d'autres médicaments dans mes valises, ma mère m'a confirmé que les autres médicaments sont compatibles avec.

— Tu as quoi ? Demanda-t-il abasourdi.

— Ne me le fait pas répéter, lui demandais-je sans un regard de culpabilité.

— Je ne comprends pas, m'avoua-t-il. Que tu sortes de l'hôpital contre l'avis des docteurs c'est une chose, mais tu dois te soigner.

Il était plus que mécontent et je le savais rien qu'à la manière dont il serrait le poing.

— Je me soigne, lui affirmais-je avec lassitude, mais pas avec des médicaments qui me tuent l'esprit. Pas d'addiction, pas de shoot.

Il me jaugea de regard et souffla résigner.

— Il te faudrait de la morphine pour soulager tes douleurs.

Il avait raison et je le savais, mais j'étais bien plus qu'obstinée.

— Pas d'addiction, répétais-je. Je tendis ma main valide vers lui. Elle tremblait et ce n'était pas que d'émotions.

>> Je sais ce qu'il m'en coûte, lui affirmais-je dans un pâle sourire.

— Tu es une addicte ? Me demanda-t-il presque surpris. 

— J'aurai pu, mais j'ai surtout eu une mauvaise expérience avec une personne addict. Je sais les dégâts que peuvent causer ces médicaments.

— Tu veux parler de Blade ? S'étonna-t-il surpris.

Je niais simplement de la tête sans rien ajouter. Il souffla, mais resta professionnel sans rien ajouter pour le moment.

— Tu as dit que la douleur était montée à onze, est-ce que tu as entendu un os craquer ?

Rien que cette question me donna un frisson. Dans la ruelle, je les avais entendus craquer et d'y repenser me fit monter la bile dans la gorge. Je repris Teddy que j'avais repoussé tout à l'heure et je le serrais contre moi en respirant l'odeur de lessive qui n'était pas à moi dans ce même geste. Malgré moi, ça calma mon angoisse et je pus répondre.

— Non, pas cette fois, lui répondis-je assez mécaniquement.

Il hocha la tête en me regardant interloqué de ma réaction.

— Il faudrait que je t'examine, finit-il par m'annoncer. Je tournais mon regard vers lui et il dût y lire la panique.

— Je vais commencer par prendre ta tension, m'informa-t-il en sortant son tensiomètre et son stéthoscope. Est-ce que je peux ? Finit-il par me demander.

Je finis par hocher la tête sans conviction. Il se déplaça et vient me prendre la tension.

— Est-ce que je peux te poser une question ? Lui demandais-je incertaine.

— J'ai lu ton dossier médical, je te dois bien ça, m'affirma-t-il sans me regarder.

— Pourquoi tu n'as pas de cuir à ton nom ?

Ma question le fit ricaner, mais je décelais une pointe de tristesse dans ses yeux marrons.

— C'est légitime. Je ne suis pas vraiment un docteur, ni un membre officiel du MC. Pour pouvoir vivre avec les deux, j'ai dû faire des concessions. Il remonta sa manche et je découvris sur son biceps le corbeau du club. C'est ce que je peux porter partout, mais pas le cuire. Sharp me l'a offert quand je lui ai expliqué les raisons de refuser le cuir. Il me reconnaît ainsi comme membre des Crows et je peux être présent à l'hôpital, tout le monde y gagne.

— Même toi ? Lui demandais-je.

— Surtout moi, m'affirma-t-il avec un grand sourire. Comment va ta tête ? Pas de nausée, de mal de tête ?

Il tira doucement son sac et en sortit une petite lumière qu'il me projeta dans les yeux.

— Vertige quand j'ai le ventre vide, mal à la tête quand ça devient trop...

— Trop ? Demanda-t-il en attendant la suite qui tardait à venir.

— Trop comme ces derniers jours, finis-je par dire incapable de trouver le bon mot. 

What a shitty American Trip.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant