Chapitre 62 : Lake Shore Drive (Partie 4)

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Après la fin du récit, le silence s'installa dans la pièce. Les quatre cadres où reposaient, endormies, des fleurs séchées étaient le dernier rappel sinistre au passé de la vieille dame. Malgré la douleur de ces souvenirs, Mathusalem gardait son sourire rassurant dessiné dans ses traits ridés.

Mathusalem : Toute cette histoire, c'était il y a presque soixante-dix ans... c'est fou à quel point le temps est passé vite. On aimerait qu'il puisse s'arrêter parfois...

La vieillarde marchait en s'aidant de sa canne pour rejoindre la chambre de l'autre côté de l'ancienne ferme. Après son départ, les coups de fourchette d'Adam et Shizuka reprirent, d'abord timides mais bientôt bien plus enjoués, motivés par le goût délicieux des crêpes. Après avoir fini leur assiette, le grand enfant et la petite adulte se levèrent de table mais Job resta assis.

Shizuka : Tu ne vas pas te coucher, Job ?

Job : Non, Signorina... j'ai besoin d'un peu de temps pour réfléchir. Ça ne devrait pas prendre trop de temps.

Les yeux habituellement si brillants de la fillette s'étaient emplis de tristesse à la vue de la mine sombre de Job. Visiblement, il semblait avoir du mal à se sentir à sa place aussi bien dans ce manoir que dans sa nouvelle équipe. Pour la rassurer, l'italien sourit avec bienveillance et Adam lui tira la main pour l'emmener dormir.

Adam : Allons-y, il faut que tu te reposes, sœurette.

L'esprit de Job était trop perturbé pour percevoir tout ce que disaient Adam et Shizuka. Ils montèrent à l'étage. Une fois disparus, le Chef d'Orchestre se leva et se tint à la table de la salle à manger pour ne pas tomber. Sa vision se troublait et son corps semblait lui commander de quitter cet hôtel le plus vite possible. Les murmures s'intensifiaient et semblaient venir des quatre coins du manoir. Le contenu du verre à vin posé sur le buffet était devenu d'un noir opaque. Job se pencha vers le fond de jus de fruit que Shizuka avait laissé dans son verre qui n'était maintenant qu'un puits noir sans fond à travers la table. Tous les liquides de la pièce devinrent des ciels nocturnes sans lune et même les poissons de l'aquarium se noyèrent bientôt dans une marée noire.

Job : Qu'est-ce qui se passe ? Je suis en train d'halluciner...?

Par réflexe, le colosse acculé tendit sa main vers le couteau qui restait dans son assiette mais le couvert se retourna en un instant, coupant sans se retourner la chair le long de son doigt. Job laissa échapper de sa plaie une encre noire ébène en même temps qu'un râle de douleur. Au bout du couloir, il entrevit une ombre légère se déplacer et il fut assourdi par le fracas qu'elle provoqua en frôlant le buffet. Il courut jusqu'au bout du couloir et ouvrit la porte proche de l'escalier où il pensait que l'ombre s'était engouffrée. Ce n'était qu'un vulgaire placard à balai.

Job : Quelque chose ne tourne pas rond ici... Il faut vite que je prévienne la Signo-

Une vive douleur lui traversait la poitrine. La même que celle lorsqu'une goutte de sang avait été posée sur le "HOPE". Il était à demi-conscient. Il tituba vers la douche où la chaleur de l'eau lui permit de retrouver un peu ses esprits. Cependant, la tête de fer commença à s'étouffer et refusa de cracher la moindre goutte d'eau supplémentaire. Il donna un coup de poing dans sa gorge comme lorsqu'on veut faire fonctionner un vieux téléviseur. Sous l'effet du coup, le long tuyau métallique se mit de nouveau à cracher mais, cette fois-ci, du sang noir. D'abord la quantité d'une petite entaille, puis d'une griffure, plus d'une coupure, puis d'une plaie béante et bientôt ce fut une véritable hémorragie noire qui se déversait sur les épaules de Job. La masse noire arrivait déjà à ses chevilles. Non. Elle arrivait déjà à ses genoux et rien ne semblait pouvoir l'arrêter. Ses hanches. Il tournait la manette du mitigeur mais sans pouvoir empêcher l'eau trouble de monter. Sa poitrine. Il se retourna vers la porte de bois et donna de grands coups d'épaule mais rien n'y faisait. Sa gorge commençait à se remplir d'ombre, l'oxygène commençait à manquer et, petit à peu, sa conscience commençait à vaciller jusqu'à lentement s'éteindre.

JoJo's Bizarre Adventure : Lost BabyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant