Fiction In Suspension

Menteur.

Chapitre 1 :

Comme toujours. La même routine. Je m'assois devant l'ordinateur, ma tasse de café à la main. Si seulement, ah oui, si seulement mon boss m'avait laissé cette journée de congé. Ces journées, qui sont mon quotidien, s'enchainent et je manque atrocement de sommeil.

Un mouvement attire mon regard sur l'un des nombreux écrans et je vois l'étudiant jeter avec énervement son sac dans l'entrée. L'angle de la caméra m'empêche de voir les émotions sur son visage et je concentre toute mon attention sur la suite des évènements. il change de pièce et se retrouve dans la salle de bain. Mon ventre se tord et ma main se place automatiquement au-dessus du bouton d'urgence rouge, ancré dans le bureau. Je plisse mes yeux et soupire de soulagement quand il passe devant sa boîte de rasoirs posée sur l'évier sans même lui prêter attention. Il va tout droit dans sa cabine de douche et allume l'eau.

Je me laisse tomber sur le dossier de ma chaise et soupire. Luka est un ado probablement dépressif. Ses soirées, depuis un peu plus de deux mois, il les passes à pleurer, seul, la plupart du temps posé dans son lit. Il arrive à un point où c'est rare qu'il se rende dans sa cuisine. Cependant, il doit probablement manger à l'université, étant donné qu'aucun changement physique trop important a été remarqué. Il m'est arrivé deux fois que Luka attrape ses lames dans sa salle de bain pour les faire glisser sur ses bras et sectionner ses veines mettant sa vie en danger. J'ai dû envoyer l'équipe spéciale de mon agence pour soigner ses blessures et assurer sa survie. Depuis, ces deux fois, qui datent d'il y a pas longtemps, je me suis mis à m'inquiéter dès qu'il franchi la porte de la salle de bain.

J'en ai évidemment parlé à mes supérieurs ! Seulement, aucun d'entre eux ne considère cela comme quelque chose de grave. "Simplement une crise d'ado" disaient-ils, ou encore "C'est juste une phase". Je secoue ma tête, de désespoir. On dirait les excuses de mes parents homophobes quand je leur ait avoué mon homosexualité ! Je te jure. Je reporte ensuite mon attention sur ma tasse, que je porte à mes lèvres; pas de chance, le liquide est à présent froid.

J'observe d'un œil Luka s'installer dans son lit, étrangement plus tôt que d'habitude, avant de revenir à mes mouton. Je me trouve à nouveau devant cette douzaine d'écrans rapportant les moindres mouvements que filme les caméras planquées dans 'appartement d'un inconnu que j'ai appris à connaître, à travers ses nombreuses habitudes. Je ne lui ai jamais parlé et pourtant, Luka est devenu une des personnes que je vois le plus dans ma vie. Etrange n'est-ce pas ? Plus rien ne m'étonne dans ma vie de merde de toute façon!

Après plusieurs heures à lutter contre la fatigue et observer le jeune homme dormir, je sursaute en entendant mon collègue rentrer. Matthew me remplace à 3h du matin et je me lève rapidement de mon siège pour lui laisser ma place. Je le salue sans commentaire et sors de la base souterraine en direction de chez moi. Ma maison, très petite mais qui me convient parfaitement, se trouve dans un tout petit quartier. Elle est celle qui est à l'entrée du groupe de toutes ses jumelles et juste derrière se trouve un très long et très haut pont. J'arrive devant ma porte d'entrée, plante ma clef et la tourne dans ma serrure avant de me diriger instinctivement vers ma pièce préférée, ma chambre. Je me glisse dans mon lit après avoir enfilé mon pyjama et lance un regard à la fenêtre entrouverte.

La température fait des siennes depuis quelques semaines et ouvrir ma fenêtre la nuit est devenu une nécessité. Mes yeux se ferment et j'écoute avec attention l'eau qui coule à l'extérieur. Habiter à côté d'un pont surplombant une rivière n'a pas d'avantages, surtout quand votre fenêtre se doit d'être ouverte pour vous permettre de ne pas étouffer en pleine nuit !

Ma respiration ralentit, mes paupières se ferment lentement et je me plonge dans un sommeil profond et, espérons le, réparateur.

Bip Bip Bip.