Sous un autre angle

Chapitre 24

''Le pire n'est pas la douleur, c'est de rester avec elle, sans savoir ce qu'elle signifie."
Jean-Paul Sartre

Lamine

Lorsque l'avion a finalement touché le sol, il était presque minuit. Le vol avait été long, et bien que je n'avais pas beaucoup dormi, je me sentais épuisé, surtout mentalement.

Ce voyage m'avait offert une excuse parfaite pour m'éloigner de la réalité, de la tempête qui faisait rage dans ma vie personnelle. Mais maintenant, j'étais de retour, et il n'y avait plus d'échappatoire. J'allais devoir faire face à tout ce que j'avais fui.

La veille de mon départ, alors que je finissais de boucler mes affaires à l'hôtel, je l'avais vue. Cette fille, celle avec qui j'avais failli franchir une limite que je n'aurais jamais dû approcher.

Elle était assise dans le hall, son sourire semblait empreint d'une certaine tristesse. J'avais immédiatement détourné le regard, feignant de ne pas l'avoir vue. À quoi bon, après tout ? Il n'y avait rien à dire, rien à expliquer.

Nous nous étions retrouvés ensemble dans un moment de faiblesse, cherchant chacun à fuir ses propres démons. Heureusement que j'avais eu la présence d'esprit de tout arrêter avant qu'il ne soit trop tard, avant que je ne commette une erreur irréparable. Depuis cet instant, je l'avais évitée. Il était inutile de revenir sur ce qui n'avait pas eu lieu.

Pendant tout ce séjour, Bintou avait tenté de me joindre à plusieurs reprises. Je savais qu'elle devait être inquiète de mon silence. Mais à chaque fois que je voyais son nom apparaître sur l'écran de mon téléphone, je me contentais de lui envoyer un message vocal, une excuse rapide, prétextant le travail et la fatigue pour éviter toute conversation. Je n'avais simplement pas la force de lui parler, de répondre à ses questions. J'étais perdu, confus, et je ne voulais pas ajouter à son fardeau.

Il était près d'une heure du matin lorsque j'avais franchi enfin la porte de notre maison. Le silence régnait, pesant, et j'espérais sincèrement que Bintou serait endormie mais à ma grande surprise, elle m'attendait au salon, le visage à moitié éclairé par la faible lueur de la lampe.

Lorsqu'elle m'avait vu entrer, elle s'était immédiatement levée, comme si elle avait attendu ce moment toute la soirée. Un mélange de soulagement et d'anxiété se lisait dans ses yeux, ces mêmes yeux qui, autrefois, me faisaient fondre de désir à chaque retrouvaille. Mais ce soir, quelque chose était différent, quelque chose s'était irrémédiablement brisé en moi.

Je m'étais rappelé, non sans une certaine nostalgie, de ces soirs où je rentrais de voyage et où nos retrouvailles étaient marquées par une passion dévorante. Nous nous jetions l'un sur l'autre, incapables d'attendre une minute de plus. Cette proximité, cette intimité qui nous liait, semblait appartenir à une autre vie, un passé révolu que je ne pouvais plus atteindre.

En la regardant ce soir-là, je ne voyais plus cette femme qui avait autrefois illuminé ma vie. Je voyais une femme brisée, usée par la douleur, les non-dits, les trahisons. Une femme épuisée, triste, et surtout, une femme que j'avais blessée profondément, autant qu'elle m'avait blessé.

Le désir qui autrefois me consumait s'était éteint, remplacé par une douleur sourde, une blessure que je ne parvenais pas à cicatriser.

Mon regard s'était encore attardé sur son ventre. Ce n'était pas mon enfant, mais un enfant conçu dans l'erreur, dans la tromperie. Ce simple fait était une épine qui me perçait le cœur à chaque fois que j'y pensais. La vision de Bintou avec un autre homme, cet inconnu qui avait pris ce qui, selon moi, aurait dû m'appartenir, me dégoûtait. J'étais rongé par la rage intérieure. Mais en même temps, je ne pouvais ignorer la souffrance de Bintou, la fragilité de son état. Elle portait une vie en elle, et malgré tout ce qui s'était passé, elle ne méritait pas d'endurer plus de douleur.