Chapitre 20

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"La vérité est rarement pure et jamais simple."
Oscar Wilde


Lamine

Je marchais sans but dans les rues de la ville, les pensées tournant en boucle dans ma tête.

Le soleil déclinait lentement à l'horizon, peignant le ciel de teintes orangées et pourpres, mais je ne voyais rien de tout cela. Je n'avais plus la notion du temps. Je ne savais même pas depuis combien d'heures j'étais parti de l'hôpital, mes pieds me portant d'un endroit à l'autre sans destination précise.

Chaque pas semblait plus lourd que le précédent, comme si mon corps portait le poids de la révélation qui venait de me frapper en plein visage.

Bintou, enceinte. Enceinte. Le mot résonnait dans mon esprit, un écho cruel et incessant. Comment était-ce possible ? Comment pouvais-je être le père de cet enfant quand je savais, depuis tant d'années déjà, que c'était impossible ? La réalité s'imposait à moi avec une brutalité inouïe : je n'étais pas le père. Je ne pouvais pas l'être. Et pourtant... elle attendait un enfant. Notre enfant, avait dit le docteur sans le moindre doute dans sa voix, sans l'ombre d'une hésitation.

Je m'étais arrêté brusquement, sentant une vague de nausée monter. Mon cœur battait à tout rompre, un tambourinement sourd et douloureux contre ma cage thoracique. Mes mains tremblaient et je les avais enfoncées dans mes poches, essayant de me donner une contenance, un semblant de contrôle. Mais il n'y avait pas de contrôle possible. La situation m'échappait complètement, et je me sentais pris au piège, comme un animal acculé.

Le poids de cette vérité m'avait broyé de l'intérieur depuis si longtemps. J'avais été lâche, je l'avoue. J'avais cru que l'amour pouvait tout résoudre, tout cacher, tout pardonner. Mais je m'étais trompé. Mon amour pour Bintou, aussi sincère soit-il, ne pouvait effacer la dure réalité de ma stérilité. Et maintenant, la trahison venait de frapper à ma porte, et j'étais impuissant face à cette marée de douleur qui déferlait sur moi.

J'avais pris une grande inspiration, tentant de calmer les pensées tumultueuses qui s'entrechoquaient dans mon esprit.

Mon téléphone n'arrêtait pas de vibrer. C'était Bintou. Ses appels incessants étaient comme des coups de poignard qui me rappelaient que je ne pouvais plus reculer, que l'heure de la confrontation approchait.

Mais je ne voulais pas lui parler maintenant. Pas dans cet état. Comment pourrais-je formuler les mots que je taisais depuis si longtemps?

Comment lui dire que je savais que cet enfant n'était pas de moi parce que je ne pouvais pas être le père?

Je sentais ma gorge se serrer à chaque pensée. Je n'étais pas prêt à affronter la vérité, ni la sienne, ni la mienne. Mais je savais qu'il le fallait, je ne serais jamais assez prêt pour ça si j'en tenais à moi même.

Je m'étais assis sur un banc, la tête entre les mains, et j'avais fermé les yeux. Tout ce que je voulais, c'était me réveiller de ce cauchemar. Tout redeviendrait normal, et Bintou et moi pourrions continuer à vivre comme avant, comme si rien ne s'était passé. Mais la réalité était implacable. Il n'y aurait pas de retour en arrière.

La nuit s'était bien avancée lorsque j'avais enfin pris le chemin de la maison. Il faisait nuit noire. Les rues étaient désertes, le silence de la ville endormie n'était troublé que par le bruit de mes pas et le murmure lointain de quelques voitures. Je me sentais vidé, épuisé mais il fallait que je parle à Bintou. Il n'y avait plus de place pour le mensonge ou l'évasion.

Je savais qu'elle m'attendait. Je pouvais presque ressentir son inquiétude se propager à travers l'air froid de la nuit.

En franchissant la porte de la chambre d'hôtel, je l'avais vu immédiatement, assise sur le canapé, les yeux rougis par les larmes, le visage marqué par l'angoisse. Dès que nos regards se sont croisés, une vague de douleur m'avait traversé. Je savais que cette soirée allait changer nos vies à jamais.

Sous un autre angleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant