Chapitre 21 - Coupée du monde

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Je la fixai de mes yeux emplis de larmes que je refusais de laisser sortir. Cela fait maintenant 2 ans, mais je ne peux encore m'y faire. Un accident de voiture des plus banals pour une personne qui ne connaîtrait pas le conducteur... Mais quand celui-ci se trouve être un membre de sa famille, tout un monde s'écroule autour de lui. C'est mon cas.

Je ne le connaissais pas si bien que ça, ce père, quand j'y repense. Des sourires un peu chaque jour, un bonjour attendrissant et des cadeaux pour chacune de ses fêtes. Une relation père-fille comme on en voit tous les jours. Je n'avais rien de spécial avec lui... Mais je l'aimais tout de même. L'amour était la seule chose qui me permettait de garder les pieds sur Terre, dans cette réalité qui m'échappe aujourd'hui complètement. Depuis cet accident, tout a changé : je me suis totalement renfermée dans ma bulle et mon obsession pour le Pays Imaginaire. Je voulais y aller et partir y vivre, plus que tout. Mais il restait Maman. La seule personne que j'aime encore dans ce triste monde sans intérêt... Du moins, c'est ce que je crois...

"Quel pourrait être le problème si ce n'est pas l'accident de Papa ?" finis-je par questionner à ma mère après un long moment à la fixer.

Elle soupire un instant, cherchant ses mots.

"Depuis plusieurs années, même avant la mort de ton père..."

Je frissonne en entendant ce mot et me retiens d'éclater en sanglots.

"Tu n'es plus la même. continua-t-elle. Tu passes ton temps dans ta chambre, accro à ces... bêtises.

-Ce ne sont pas des bêtises !

-C'est un conte de fées, Gwendoline. Tu sais ce que c'est un conte de fées ?! Quelque chose qui n'est pas réel. Tu crois en quelque chose qui n'existe pas !"

Je ne réponds pas, prête à tout moment d'exploser. J'avais envie de tout casser. Les mots ne suffisaient plus pour exprimer ma colère. Je me sens totalement seule, mais cela fait déjà bien longtemps que c'est comme ça. Depuis déjà longtemps... Je n'ai plus de famille...

"Je sais que ce n'est logiquement pas comme ça que l'on doit annoncer une vérité pareil... Mais...

- Arrête - de - me - prendre - pour - ta - patiente !"

Ma réplique s'accompagna d'un mouvement brusque renversant une des chaises au sol. Ce n'était pas intentionnel mais je ne le regrette finalement pas. Il fallait qu'elle comprenne à quel point je lui en voulais. Ce n'est pas un, mais deux deuils auxquels j'ai dû faire face. Tout d'abord celui de papa... violent et destructeur. Il m'a renfermé sur moi-même et isolé dans mon propre monde imaginaire. J'étouffais toute ma colère dans le dessin et la peinture en laissant ma vie de côté. Je m'étais moi-même retirée du monde réel mais cela ne voulait pas dire que je ne souhaitais pas en sortir.
Il me fallait juste de l'aide. Non, pas l'aide d'un professionnel payé pour cela. J'avais juste besoin d'une mère. Mais celle-ci ne le comprit pas. Ce fût mon deuxième deuil. J'avais perdu ma mère qui ne voyait en moi que des problèmes psychologiques dus à la perte d'un proche et d'une déformation de la réalité, ainsi son travail prit le dessus et chaque soir, avec un stylo et un bloc-note, elle me demanda de lui raconter mes problèmes. Je n'ai compris que tard après, qu'elle faisait cela pour m'analyser et non pour essayer de me comprendre. Comment chercher à résoudre quelque chose sans chercher à le comprendre ?  Je ne lui aie pas menti sur mon voyage au Pays Imaginaire et la promesse faite par Peter Pan. Elle ne m'a juste jamais cru et je ne m'attends plus à ce qu'elle le fasse. Nous n'avons plus aucun lien qui nous unis...

La porte s'ouvrit lentement, laissant entendre un grincement s'étendre dans toute la pièce et stopper la discussion. Je me tournai vers celle-ci pour apercevoir l'individu tenant la poignée. Je n'ai même pas besoin de me poser la question sur son identité. Après avoir replacé la chaise correctement, Je m'éclaircis la gorge et commence à partir.

♦ Le Pays Imaginaire ♦ «Let's play»Où les histoires vivent. Découvrez maintenant