Je n'avais pas tout de suite compris le sens de sa question. Est-ce qu'il voulait en venir à quelque chose de précis ? Ça me paraissait évident que tout ce que je faisais jusqu'ici était dans l'intention de permettre la paix aux garçons perdus par la suite. Je protégeais l'île de l'emprise de Peter. Tout le monde l'avait compris... Alors pourquoi lui en doutait ? Pensait-il que c'était un acte égoïste de ma part que de vouloir me tuer pour laisser vivre d'autres ? Je ne comprenais pas et laissant paraître cet état dans mon regard, Pan sourit avant de reprendre solennellement :
"Tu ne t'en rends donc même pas compte, hein ?
-Explique-toi. Ce que tu dis n'a aucun sens.
-Si ça en a. Plus que tu ne veux le penser. Il marqua une pause pour me laisser un instant y réfléchir avant de donner sa propre réponse. Gwendoline, tu détestais cette île autrefois, n'est-ce pas ? Tu voulais la fuir, la laisser à son sort, ne plus jamais la revoir... Et voilà qu'aujourd'hui, tu sacrifierais ta vie pour la sauver ? Il grimaça. Tu ne trouves pas ça un peu étrange ?
-Les choses ont évolué... Je -... Je ne suis plus la même personne.
-C'est une bonne excuse. Railla-t-il alors. Tu vas me dire que c'est Christopher qui t'a changé ? Que c'est lui qui t'a convaincu que vous pourriez vivre sur cette île tous ensemble, main dans la main, en la transformant en un paradis sur terre. Celui que, moi aussi, je t'avais promis une fois ?"
C'était peut-être l'idée, oui. Du moins, c'était la réponse que je lui aurais donné s'il était venu à me poser la question. Mais il se chargeait lui-même de poursuivre sur des hypothèses que je pouvais déjà confirmer.
"Mh, nan. Reprenait-il en haussant les épaules d'un air lasse. Tu ne fonctionne pas comme ça. La Gwendoline d'autrefois, la fervente croyante qui vivait pour ses rêves - qui rêvait plus qu'elle ne vivait, d'ailleurs - est morte. C'est moi qui l'ait tué. Et tu ne peux pas la ramener à la vie aussi facilement."
Ses paroles me firent frissonner tant elles étaient prononcées avec calme. Comme une évidence. Il semblait mieux me connaître que je ne me connaîtrais moi-même et ça, je savais que c'était de ma faute. Je l'avais laissé entrer dans ma vie.
"Non, poursuivait-il, toujours aussi sûr de ce qu'il avançait. Moi je te vais te dire exactement ce qu'il en est : Tu dis vouloir sauver et protéger l'île mais la vérité c'est que mourir est un moyen pour toi de la fuir comme tu as toujours souhaité le faire. Puisque pour me tuer, il faille que tu disparaisses à ton tour, tu dis c'est donnant-donnant pour tous. Ils récupèrent un Pays Imaginaire à reconstruire et toi, tu la fuis comme tu as toujours voulu le faire depuis petite et cela en m'éliminant par la même occasion. Que demander de mieux ?"
Je commençais moi-même à douter, ça y est. Était-ce le cas ? Avais-je envie de mourir mais par peur de blesser qui que ce soit, je mentais aux autres et à moi-même pour éviter le poids de ces questions ? Jouais-je donc sur la facilité ? C'était si difficile à dire, ces derniers temps. Je ne savais plus ce que je faisais.
"Ta mort est égoïste, Gwen."
Comment était-ce possible de répondre à ça ?
"Je... Hésitais-je, longuement. J- Je ne sais pas... Je ne sais pas trop ce que je fais... Aspirant une grande bouffée d'air, il fallut que je me reprenne pour serrer les poings et répliquer face à l'ennemi. Oui, je ne devais pas oublier qui était l'ennemi dans l'histoire. Mais qu'importe ! Qu'importe le motif de ma mort, ce qui compte c'est qu'eux s'en sortent !
-Vraiment ? Il ne semblait pas me prendre au sérieux. Tu ne veux pas voir la vérité en face, n'est-ce pas ?
-Laquelle... ?
-Et bien, que tu ne veux pas vraiment mourir ! Tu fais la fille forte devant les autres mais tu ne me la feras pas à moi, Gwen. Tu as peur."
Mon silence était impactant. Il voulait tout dire : plus je réfléchissais à cette idée, plus je la trouvais juste. J'avais évité la mort, je l'avais prise comme une évidence, comme un destin, et je m'y étais pliée. Désormais - maintenant qu'on me laisse le choix - je réalise que j'ai peut-être peur. Je réalise que je n'ai peut-être pas envie de... mourir. En même temps que le mien, le regard de Peter s'assombrit.
"Moi aussi." Avait-il simplement ajouté.
On pouvait dire ce qu'on voulait de nous deux, il y avait bien une chose qui ne nous différencierait pas : nous nous voulions pas mourir tous les deux. Nous en avions peur. Quand je revenais sur tout ce qu'il avait fait pour éviter la vieillesse et l'impact du temps sur lui, je réalisais à quel point il devait avoir peur à l'heure qu'il est. J'étais son seul espoir de vie. Vie qui ne tenait qu'à un fil désormais.
"C'est trop tard, Peter... Je secouai la tête de droite à gauche. On ne peut pas revenir en arrière. Les choses doivent changer.
-Pas si on s'y oppose ! Il s'avança d'un pas qui m'incitait à me méfier. Gwen, réfléchis. Nous pourrions régner ensemble - toi et moi. On pourrait redorer cette île et la rendre meilleure ! Je serais plus à l'écoute. J'ai compris ce que vous vouliez faire et je m'y plierais, je ne veux plus dominer cette île comme un tyran. Silence mesuré. Je ne veux pas que tu me vois comme ça."
Il jouait. Il jouait la comédie, ça ne pouvait en être autrement. Voyons, Peter Pan... Tu me penses donc aussi stupide et naïve ? Tu m'as joué cette scène tant de fois et tu penses que je serais prête à retomber dans le piège ?
"Tu mens, Peter. Encore."
Il rit.
"Tu me penses donc si hypocrite que ça ?"
Sans souhaiter en entendre plus, je baissai le regard. C'était la fin de toute manière. Parler ne servirait à rien... Je savais qu'on aurait le temps de le faire, dans l'au-delà.
"Donne le contrat, Gwen."
Je redressai le bout de papier que je tenais dans les mains, dévoilant sa page vierge.
"Ce n'est pas le contrat. Et alors qu'il réalisait peu à peu le piège se refermer sur lui, je souriais vaguement - apeurée, moi aussi. C'est trop tard."
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Ne vous en faites pas, un chapitre va suivre ~
Ready or not ^^ ?
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♦ Le Pays Imaginaire ♦ «Let's play»
Hayran Kurgu« Si dans votre maudit livre de conte de fées le pays Imaginaire est un endroit paradisiaque où tous vos rêves prennent vie, je vous arrête tout de suite, ce n'est pas la réalité. » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ...