Chapitre 7 : Libre de voler

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Je marchais à vive allure vers le camp des garçons perdus guidé par Chris, à cinq mètres derrière-moi. Trop fatigué pour prendre les devants, il m'indiquait à vive-voix le chemin à prendre lorsqu'il ne se plaignait pas, évidemment.

« On aurait pu y aller en volant... Reprenait-il pour la cinquième fois, justement.

-Toujours vers l'Est ?

-Oui... »

Je le sentais souffler, taper dans un caillou et traîner des pieds tellement il cherchait à attirer mon attention. Il ne suffisait pas d'une seule minute pour qu'il reprit sur un ton qui m'était indirectement adressé :

« Pour une fois dans ma vie où j'ai la chance de rencontrer une personne qui sache voler, je tombe sur la seule au monde qui n'aime pas voler ! Comment ça a pu arriver ?! Il s'est passé quoi ? T'es tombé lors de ton baptême ?

-Non... Soupirais-je, agacée.

-Ça te demande trop d'énergie ? Tu penches trop à gauche ? Ou bien peut-être que tu n'as jamais appris ?

-Mais siii !

-Alors quoi ? Qu'est-ce qui peut bien t'empêcher de voler ? »

Il est plus têtu qu'une mule, ce n'est pas possible ! Je me retournai vivement vers lui même si les mots n'osaient sortir de ma bouche tout de suite. En vérité, je ne savais même pas comment répondre à sa question. J'ai déjà volé auparavant et ce ne fût pas de mon plein gré ! Ce jour-là, je pensais surtout qu'Henry et moi nous faisions poursuivre par les garçons perdus et seul la poudre de fées figurait notre issu. Lorsque j'ai appris que Peter était en réalité derrière tout ça, ce souvenir s'est rangé dans les nombreux qui n'ont été construits que par sa faute et qui ne résolvaient aucunement d'un de mes choix. De plus, la dernière fois qu'on me proposa de voler, c'était Pan lui-même qui avait pour ambition de m'apprendre... Il se gardait bien pour lui que j'allais - plus tard - devenir maîtresse de l'île et que voler serait donc un quotidien. Et bien voilà, j'y suis aujourd'hui ! Et je prends moi-même la décision d'être la première maîtresse du Pays Imaginaire à ne pas souhaiter voler.

Après m'être fait cette brève récapitulation dans ma tête, je rassemblai tout ça et m'expliquai avec tact et simplicité :

« Je n'en vois pas l'intérêt ! »

Il me fixa comme si je demeurais la personne la plus incompréhensible au monde. Finalement, roulant des yeux en soufflant, il reprit sa marche.

« Ton problème, c'est que tu n'arrives pas à profiter des bonnes choses. »

Je sentais un choc électrique parcourir ma colonne vertébrale. Je jurerais avoir déjà entendu cette phrase quelque part. Peter m'avait sorti la même réponse lorsque j'avais refusé de me rendre à la grotte en forme de crâne en volant (NDA : Chapitre 39).

« C... C'est faux ! » Défendais-je, comme je pouvais.

Je sais très bien profiter des bonnes choses... Il se trouve juste qu'elles ne s'ouvrent pas à moi comme je le voudrais. À chaque fois, j'ai plutôt l'impression d'avoir le ciel qui me tombe sur la tête et que rien ne pourra jamais me réussir... Ma vie n'a pas de sens et je -

« Tu as raison. Lança soudainement Chris en s'arrêtant face à moi. Ce n'est pas que tu ne profites pas des bonnes choses... »

Ah. Merci.

« Tu es juste pessimiste.

-Pardon ?

-Oui, c'est ça ! Tu broies du noir à cause de Peter Pan et tant qu'il sera dans les parages, tu penses que rien de bien ne t'arrivera. »

J'avais beau essayer de contredire, la vérité venait de sortir de sa bouche aussi aisément qu'Henry lorsqu'il m'avait engagé à sauter d'une falaise. Depuis que Peter est présent dans ma vie, j'ai l'impression de vouloir me méfier de tout et chaque petit détail peut me rendre paranoïaque. Tout ce temps, je ne faisais que me voiler la face par cette idée constante de vengeance. Je me disais que peut-être - en réglant son compte à celui qui ruinait ma vie - je réussirait à tout effacer et reprendre à zéro. Jamais je n'ai cherché à réparer une faille précise... Je me disais que détruire pour tout recommencer était la meilleure chose à faire. J'avais peut-être tort, alors... La jeune Gwendoline rêveuse qui n'espérait que voler, jouer et rire est enterrée sous ces terres et le principal désormais est que je la récupère. C'est cette Gwendoline-là que je souhaite devenir.

Je baissai la tête en direction du sol, pivotant nonchalamment ma tête de droite à gauche. Chris allait reprendre la parole pour s'excuser - je supposais - mais je relevai le visage avant, un sourire au coin des lèvres.

« Allons voler. »

Il grimaça d'incompréhension.

« Quoi ? Tu veux voler, maintenant ? On aurait pu le faire là-bas, avec de l'élan et de l'altitude... Ici, je ne sais pas si c'est poss

Je lui ordonnai de se taire en plaquant ma main contre sa bouche.

« Chut. Le taquinais-je d'un clin d'œil. Tout est possible. »

Retirant doucement ma main, j'esquissai un immense sourire de joie lorsqu'il baissa les yeux vers le sol qui se trouvait déjà à plusieurs mètres de distance de nous. Il bougea vivement ses jambes en poussant un cri de joie.

« On vole ! Bon sang ! Gwendoline, on vole ! »

Je ris de joie avec lui et suivais ses mouvements vifs qui s'approchaient plutôt d'une brasse dans les airs. Il tenta d'imiter une pirouette puis s'allongea sur le dos pour regarder le ciel avant de revenir à moi et de me prendre la main pour que nous survolions la jungle. Je découvrais comme lui le plaisir de voler. C'était encore mieux que dans les souvenirs que je m'étais noircis... Voler est réellement la meilleure chose qui me soit arrivée et je regrette presque de ne pas l'avoir su plus tôt. Je n'ai plus envie de redescendre. Seul l'air décide de mon chemin, désormais. Je me sens légère...

« Viens, Gwen ! Le camp se trouve là-bas. Si on arrive en volant, ça leur fera à coup sûr de l'effet et ils devineront que tu es leur nouveau chef ! »

Mon sourire s'effaça doucement et je voyais les arbres reprendre de leur grandeur. Chris s'approcha de moi pour croiser mon regard perdu.

« Eh, Qu'est-ce qu'il se passe ? Tu ne dois pas t'inquiéter. Ils vont t'adorer comme moi je t'adore, c'est sûr. »

Mon cœur rata un battement. Comprenant ce qu'il venait tout juste de prononcer à voix haute et le regard que je lui adressais, il se racla la gorge et reprit d'un sourire gêné :

« Enfin, tu sais... Je t'admire beaucoup. Tu es celle qui va combattre le "méchant Peter Pan" et sauver son île pour le bien de son peuple. Tu es un peu mon héroïne, tu vois... »

Je le voyais bien rougir alors qu'il ne semblait plus savoir où se mettre avec toutes ses paroles. Pourtant, ce sont ses mêmes paroles qui me font encore reprendre confiance en moi et je ne lui en remercierais jamais assez. Je venais donc prendre son poignet pour le conduire à nouveau au-dessus de l'île et  nous reprenions le chemin vers le camp. Je tentais de maintenir une certaine altitude mais il m'est difficile de cacher la boule au ventre qui s'agrandissait en moi. Je ne suis pas une héroïne et malheureusement je ne le sais que trop bien. J'ai menti à Chris et ça... je ne vais pas me le pardonner facilement.

♦ Le Pays Imaginaire ♦ «Let's play»Où les histoires vivent. Découvrez maintenant