Chapitre 51 : Le karma

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Le restaurant était spacieux, lumineux et chaleureux, je m'y sentais bien dès mon arrivée ! Il y avait des néons un peu partout, une tapisserie représentant une forêt, un sol carrelé marron, des tables avec des chaises et des fauteuils disposés dans tout l'espace et, à notre droite, un bar gris ouvert seulement aux employés. Mais en dehors de ce décor, ce qui me plaisait le plus et qui me fît me sentir bien, c'était les personnes présentes lors de cette soirée. Ils se connaissaient tous et s'entendaient parfaitement. Ensemble, ils riaient, s'amusaient et discutaient comme une vraie famille. Sans aucun doute, je savais faire la différence entre l'île et ce lieu. Storybrooke est ma seconde chance -enfin, troisième- et elle méritera toute mon attention désormais. Je ne me ferais plus avoir...

Par où commencer ? Je pourrais demander un verre à la dame qui discutait avec le monsieur au bonnet marron, ou bien rejoindre Henry et Emma qui lisaient un grand livre illustré. Je peux aussi aborder Neal et Crochet qui buvaient au bar ou tenir compagnie à Regina qui semblait bien seule dans un coin du restaurant. Je n'aime pas quand un personne est seule. J'ai l'impression de moi aussi être touchée par cette sensation de vide, ce ressenti pesant que le monde tourne sans nous et que nous avons été comme... oublié. La regarder me suffit pour la comprendre. J'ai l'impression de vivre la même chose, au même moment, mais c'est surtout qu'au Pays Imaginaire, c'était un peu le cas. Peut-être plus tôt dans mon enfance, aussi ? Je ne m'en souviens plus très bien.

Tout d'abord décidée, je m'avance vers elle, mais mes pas deviennent bien vite plus lents et hésitants... Et si elle me rejetait ? Je ne la connais pas si bien que ça, après tout. Seul Henry permettait à nos chemins de se croiser et je n'ai pas l'impression qu'elle souhaite qu'ils se recroisent. Je ne peux plus reculer, si ? Tant pis si elle me renvoie sur les roses, je ne saurais jamais ce qu'elle pense de moi tant que je ne l'aurais pas abordé. Ainsi, je m'assieds sur le tabouret d'à côté et attendit qu'elle me remarque, silencieuse.

"Qu'est-ce que tu veux ?" Lança-t-elle sèchement lorsqu'elle m'aperçut du coin de l'œil.

Je déglutis.

"Je me disais que vous préféreriez peut-être avoir de la compagnie ?

-Et qu'est-ce qui te fait dire ça ?"

Elle releva son regard glacial sur moi en arquant un de ses sourcils noirs, avant de reprendre sarcastiquement :

"Suis-je donc tant à plaindre que ça ?"

Elle est encore plus hostile lorsque le danger est évacué, à croire qu'elle le voit partout. Je ne souhaite être que son amie, même moins s'il le faut ! Une personne à qui parler et passer le temps jusqu'à ce que son cauchemar se termine et qu'elle puisse rentrer chez elle et souffler un peu. Je ne demande qu'à l'aider, mais elle ne semble voir l'aide nul part...

Ne me voyant pas répondre, elle souffle en roulant ses yeux jusqu'à son verre.

"Si tu cherches des personnes avec qui passer une bonne soirée, va donc voir la famille parfaite pour jouer aux fléchettes avec eux. Je ne suis pas d'humeur..."

Je tourne la tête vers la dite famille parfaite. Charmant, Blanche-neige, Emma et Henry discutaient tranquillement devant un chocolat chaud à la cannelle. Je comprenais où voulait en venir Regina... Comment se sentir comme étant une bonne personne de compagnie lorsqu'on ne lui laisse même pas sa chance de le montrer ? Henry est tout autant son fils, à ce que j'ai compris, et pourtant... elle est plus seule que jamais. Je serre les poings et persévère :

"Vous vous êtes battu pour Henry. Je vous ai vu et c'était vraiment très courageux et brave de défier Pan comme vous l'avez fait.

-Ne va pas la jouer "bonne conscience" et laisse-moi tranquille. Si ce sont tes points de karma qui t'inquiètes, ne t'en fais pas, ça ne compte jamais d'aider une méchante.

-Je ne me souviens pas avoir dit que vous étiez... méchante.

-C'est ainsi que tout le monde me voit, ici. Je peux les aider à vaincre Peter Pan, apprendre la magie à une Sauveuse ou prendre la peine de faire la cuisine pour venir jusqu'ici, je reste... la méchante reine.

-Les bonnes actions que vous avez entreprises ne pourront que compenser les mauvaises. Un jour, vous aurez votre rédemption."

Elle rit, comme étonnée, et vînt à nouveau se tourner vers moi.

"Tu es réellement en train de me parler de karma, où je rêve ?"

J'esquisse un léger sourire à mon tour.

"Je ne sais pas comment on peut appeler ça mais je sais que ça marche. Qu'est-ce que vous avez à perdre ?"

Je crois avoir touché un bon point. Elle ne prenait plus mes conseils à la rigolade et semblait presque réfléchir à cette idée, le regard perdu dans le mien. Je pourrais presque la penser inoffensive lorsque ses sourcils ne sont pas froncés ou bien qu'elle ne nous dévisage pas de haut en bas. Peut-être pourrions nous partir sur de bonne base ? Pas le temps d'imaginer cette possibilité qu'une jeune fée blonde aux vêtements usés vînt se joindre à nous.

"Vous semblez bien livides pour des personnes qui viennent de gagner. Nous sommes libres et sans danger, désormais, c'est cela ?

-Et bien, répondis-je dans une courte réflexion, je dirais que oui.

-Génial. Alors pourquoi ne pas en profiter ? Je pense qu'après une telle bataille, nous méritons cette soirée."

Elle prit un verre et nous en servit deux avant de lever le sien vers le ciel.

"À la liberté."

Regina saisit avec hésitation le verre et, dans un dernier souffle où elle abandonna ses mauvaises manières froides et distantes, elle trinqua avec Clochette. Je suivis.

"À la liberté."

Liberté... ça sonne bien, non ? Je commence à comprendre sa véritable définition alors qu'étant petite, je me disais encore que me rendre dans un endroit magique et sans règles, c'était être libre. Peut-être que dans un sens, cette expérience m'a fait mûrir. Je pourrais presque en rire. Mûrir au Pays Imaginaire... Décidément, les contes, quoiqu'existants, sont bien différents de la réalité. Regina ce n'est pas la liberté qu'elle cherche mais le pardon et, peut-être, un nouveau départ après de longues années d'obscurité. Justement, je crois qu'une nouvelle idée vînt de germer en elle. Elle se redressa après une gorgée pour se mettre au côtés de la fée verte.

"Tu m'excuseras. Dit-elle en s'adressant à moi. Mais mon karma m'attend, et je suppose bien que mes erreurs ne se répareront pas d'elles-mêmes."

J'hoche la tête même si j'avoue ne pas trop comprendre ce qu'elle compte faire. En tout cas, Clochette semble être impliquée.

"Clochette, reprit la Reine, nous allons récupérer tes ailes.

-Ah oui ? Comment ? Répond cette dernière, perplexe.

-En demandant à celle qui te les a retiré."

Sans aucun mot de plus pour m'aider à comprendre de quoi il retournait, elles partirent barrer le passage à une jeune femme rousse en col blanc qui connaissait tout aussi bien l'une que l'autre. Je vais faire confiance à Regina et me dire que c'est une bonne action qu'elle tente de faire... De toute façon, je ne connais pas le passé de tout le monde, ici. Clochette l'a peut-être connu avant son arrivée sur l'île. Elle était donc... gentille, avant ? J'ai vraiment du mal à la visualiser autrement que lorsqu'elle m'a kidnappé, menacé de me tuer ou de me remettre à Peter... Longue histoire.

Ils sont tous heureux d'être rentrés chez eux pour retrouver les leurs, et je me remémore brusquement que moi aussi, j'aurais voulu retrouver les miens... Qu'est-ce qui est le pire ? Le fait que je ne me souvienne plus de ma famille ou bien que je n'arrive plus à pleurer et à m'en vouloir de les avoir oublié ? Une simple pensée vient de gâcher ma soirée... Je crois que j'ai besoin de réfléchir. De toute façon, Henry doit partir se coucher et je me sentirais bien seule s'il n'était pas à mes côtés dans sa ville, comme j'ai été aux siens sur l'île. Je vais sortir prendre l'air...

♦ Le Pays Imaginaire ♦ «Let's play»Où les histoires vivent. Découvrez maintenant