11. Alice

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Je détournai les yeux du visage de l'Oracle dès qu'il ferma les yeux. C'était plus simple ainsi. Son regard était comme un aimant, comme deux phares lumineux pour une biche. C'était une tentation. Il était comme le fruit défendu, celui qu'il ne fallait surtout pas consumer, mais qui nous tentait, qui nous tentait, qui nous tentait.

Je baissai les yeux vers Nohlan qui souriait doucement à Peython après lui avoir dit quelque chose qu'elle semblait être la seule à avoir entendu. Autour de la table, tout le monde riait et l'ambiance était assez légère. Il était rare de voir si peu de monde ici, mais Nohlan avait préféré fermer pour être tranquille. On ne recevait pas tous les jours un Oracle. On ne recevait pas tous les jours le fils de Liam.

Marina était pensive. Son index traçait le contour de son verre quand son autre main était posée sur son ventre. Le bébé n'était encore qu'un embryon. Il lui était impossible de le sentir. Moi je le pouvais, ma magie le pouvait. Il faudrait quelques semaines, voire même plusieurs mois pour que Marina prenne réellement conscience de cette vie en elle.

De cette petite fille.

Basile l'avait vu. Il avait vu le futur de cet enfant, de Marina et de Liam en tant que parents. C'était-il alors vu lui aussi dedans ? Pouvais-je réellement souhaité qu'il ne reste pas ici simplement sur la base qu'il était... dangereux pour moi ?

— Tu as mangé ? me demanda Nohlan en effleurant mon poignet.

Je secouai la tête et ouvris la bouche pour lui dire que je n'avais pas faim de toute façon, mais il était déjà debout, avec son air sévère. Il agissait parfois encore comme si j'étais une enfant, une très jeune sorcière.

— Assis-toi, dit-il avant de disparaitre derrière le comptoir.

Je ne bougeai pas et Peython gloussa :

— Quelle chance nous avons d'être les femmes qui arrivent à le faire tourner en bourrique, n'est-ce pas ?

Je penchai légèrement la tête. Peython était une louve incroyable et une femme exceptionnelle. Depuis le début elle avait accepté mon lien avec son compagnon, depuis le début elle avait accepté ma présence.

Les choses auraient pu être autrement.

D'autre louve n'aurait pas aimé, n'aurait pas appréciée que je sois entre leur compagnon et elle. Mais Peython n'était pas ainsi et elle ne le serait jamais. Elle avait compris que j'avais besoin de Nohlan et qu'il avait besoin de moi.

Je n'étais pas simplement sa sorcière.

— Alice est certainement la plus gentille d'entre vous, dit Aaron, sa joue contre l'épaule d'Aubrie.

Cette dernière rit doucement. Aubrie faisait partie des femmes qui arrivaient à faire sortir Nohlan de ses gongs. Il fallait dire que quand elle le voulait, c'était une louve très agaçante. Mais tout ce qu'elle faisait, c'était pour les enfants avant tout.

— Je supporte cette sorcière depuis tellement de siècles que j'ai arrêté de compter il y a longtemps, dit Nohlan en revenant avec une assiette fumante.

— Menteur, souffla Peython avec douceur.

Il se pencha au-dessus de moi et posa l'assiette. Ses mains sur mes épaules :

— Assis j'ai dit.

Ses mains étaient chaudes et puissantes.

Apaisantes et protectrices aussi.

Je connaissais Nohlan mieux que moi-même.

Je connaissais Nohlan mieux que ma propre magie.

Pendant tellement longtemps il avait été mon seul point de repère, le centre tout entier de mon univers. Nous avions erré seuls pendant des décennies. Nous avions été le pilier de l'autre, nous avions été une meute à nous deux.

DE SANG ET D'ARGENT T2 Symbiosis [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant