Chapitre 4 : Laëtitia

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L'esprit vide, je me hâtai et déposai le linge - à peine froissé - dans les appartements d'une certaine lady Célina, invitée du roi pour X raison. Puis, le cœur battant à tout rompre, je descendis aux cuisines, espérant pouvoir m'y calmer un peu avant de retourner travailler. Par chance, j'avisai, en entrant, un commis avec un panier sous le bras qui s'apprêtait à aller le remplir de fraises, une tâche qui n'avait pas l'air de le ravir. Aussitôt, je lui proposai de prendre sa place et il accepta volontiers. Je sortis donc.

La porte de la cuisine donnait sur un grand potager suivi d'un aussi grand champ d'arbres fruitiers. Plusieurs allées découpaient le potager et il y avait quelques bancs de pierres. Je m'assis sur l'un d'entre eux, posai le panier à côté de moi et me prit la tête dans les mains. Je m'octroyai quelques minutes pour repenser à ce qui venait de m'arriver. Je m'étais bien foutue dans les embrouilles. Quant à espérer qu'il oublie cette petite altercation et oublie la petite servante banale qui l'avait défié... impossible. De un, le prince avait un ego de la taille du Kilimandjaro et il ne passerait pas l'éponge sur un tel affront ; de deux, impossible qu'il ne me reconnaisse plus, avec ma cicatrice si particulière qu'il n'avait pas pu manquer. J'aurais vraiment dû la cacher, mais le mal était fait, et rien ne servait de regretter.

Je frissonnai en me remémorant l'humiliante scène et l'arrogant protagoniste. Ses yeux aussi froids et clairs que la glace, ses cheveux d'or, son visage dur et fermé, sa mâchoire carrée, sa posture stricte et... royale, merde! Merde, merde et encore merde, tiens. Rien à faire, mon esprit refusait d'assimiler la bourde que je venais de commettre.

J'ai. insulté. et. crié. sur. le. prince. héritier. de. la. couronne.

Je soupirai. Ma mission commençait vraiment bien. Comment allais-je bien pouvoir me rattraper après cela?... Et si jamais Aaron s'était plaint à la gouvernante et que je me faisais virer? Me renvoyer signait l'échec d'une mission capitale pour l'avenir des rebelles. Je préférerais encore être emprisonnée, au moins je resterais dans l'enceinte du château... Cette mission était bien trop importante. Je devais trouver le moyen de rattraper le coup, quitte à me soumettre et m'aplatir devant les puissants de ce monde.

Quelle idée détestable!

- Vous êtes sensée travailler, dit soudain une voix sérieuse mais enfantine.

Je sursautai et me redressai. Une petite fille au visage d'ange, qui devait avoir huit ou neuf ans, se tenait devant moi. Elle avait des cheveux mi-longs blonds comme le blé, et de beaux yeux chocolats. Elle portait un jean bleu nuit et un simple tee-shirt blanc . Je souris, ayant toujours adoré les enfants.

- Je faisais une petite pause. Qui es-tu?

Elle fronça les sourcils brièvement, le regard dans le vide, puis me fixa la tête haute.

- Laëtitia.

Je me crispai. Ah bah oui, tant qu'à faire, après le prince, la princesse. J'espérais qu'elle n'était pas comme son frère. Avec un respect forcé (je trouvais franchement débile de se comporter comme ça face à une gosse) j'inclinai la tête.

- Votre Altesse. Que faites-vous toute seule dehors?

Elle haussa des sourcils dédaigneux, puis m'avoua, sur un ton de confidence:

- J'essaye de semer ma gouvernante.

Je souris.

- Pourquoi cela?

- Ce soir, il y a un grand dîner avec papa et maman et Aaron. Elle voulait à tout prix me faire essayer plein de robes. Je m'ennuyais. Je m'ennuie toujours.

Je me levai et pris mon panier.

- Dans ce cas, pourquoi ne viendrais-tu pas m'aider à cueillir des fraises ? lui demandai-je en adoptant naturellement le tutoiement.

Le Prince et la PanthèreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant