Le Prince et la Panthère

Chapitre 8 : Le bal (3)

Je fus l'une des dernières à arriver dans le salon du rez-de-chaussée. Laurine me fusilla du regard et je l'ignorai superbement pour rejoindre Lola. Celle-ci lorgna curieusement sur mes cheveux.

- Pourquoi t'as une queue de cheval ?

- Ah, euh, j'étais en pause et j'ai oublié de refaire mon chignon, mentis-je.

Je ne tenais pas à ce qu'on sache que le prince m'avait pliée à l'un de ses caprices stupides. Depuis deux semaines, tous les serviteurs savaient que j'avais été temporairement nommée servante personnelle du prince et, bien sûr, des rumeurs s'étaient rapidement propagées, à propos de lui et moi. Mieux valait faire profil bas quant à ma coiffure. Je la refis correctement sous l'œil suspicieux de Lola. Si elle se douta de mon mensonge, elle ne dit cependant rien. Anna entra, échevelée et le souffle court. J'avais fini par comprendre que, quelles que soient les circonstances, elle était toujours passablement stressée. Personnalité ou caractéristique du job ? Le mystère restait entier.

- Bonsoir, s'exclama-t-elle en nous détaillant les uns après les autres. Aujourd'hui 'est le grand soir, et heureusement nous sommes dans les temps au niveau de toute l'organisation, ce qui est loin d'être toujours le cas ! Nous allons donc en profiter pour effectuer un petit rappel du comportement que vous devrez avoir, vu que nous avons eu pas mal de nouveaux ces temps-ci, qui assistent donc à leur première soirée. Laurine, s'il-te-plaît ?

La pétasse se grandit en croisant les bras, nous jaugeant tous de son infernal regard.

- Elle ne se sent pas pisser parce que c'est une des plus anciennes servantes et qu'elle connait toutes les subtilités du métier, me glissa Lola dans un chuchotement mi-moqueur mi-agacé.

- Dont l'une d'entre elles consiste à batifoler dans un lit King Size, renchéris-je.

Elle pouffa, s'attirant un regard malveillant de Laurine, qui prit la parole quelques secondes plus tard :

- Bien. Les invités commenceront à arriver vers vingt heures trente. Nous serons tous bien évidemment déjà à notre place, que ce soit en salle, en cuisine ou aux portes - pour quatre d'entre nous qui se chargeront de prendre, d'étiqueter et d'accrocher les manteaux et autres affaires des invités. Ceux en cuisine restent aux cuisines et aident les cuisiniers à tout bien préparer et dresser dans les temps. C'est pour les serviteurs en salle que le travail est le plus compliqué et éreintant.

Elle fit une courte pause pour nous laisser le temps d'assimiler ce qu'elle venait de dire. Attentive, j'écoutais soigneusement ce qu'elle disait pour bien me préparer. Elle reprit :

- Il faut être attentif aux moindres désirs des invités, et les exaucer le plus rapidement et correctement possible. Quand ils seront à table, il faut veiller à ce que leurs verres soient toujours remplis, exceptés s'ils souhaitent le contraire. Comme tous les repas, on doit se tenir debout et en retrait ; il ne faut rien faire qui puisse attirer l'attention. On ne coure pas, on ne parle pas sauf dans les circonstances autorisées ou quand c'est nécessaire, et surtout on ne parle pas fort. On n'interrompt pas les conversations. Pour le reste de la réception, c'es-à-dire quand les invités sont debout et dans la salle de bal, on circule lentement entre eux avec les plateaux pour leur permettre de se servir ; on peut éventuellement leur demander s'ils veulent quelque chose s'ils ne nous ont pas vus et bien sûr sans les interrompre. En aucun cas on ne traverse la piste de danse. Si vous n'avez pas de plateau, restez en retrait et attentifs à la moindre demande. C'est clair ?

Je me retins de rouler les yeux et acquiesçai silencieusement comme les autres.

- Une dernière chose : si vous vous salissez, enfilez un des uniformes de rechange, qui se trouveront dans le placard de rangement avant les cuisines. Aucune absence de plus de quinze minutes ne sera toléré alors vous devrez vous nettoyer et vous changer au plus vite. Et bien sûr, restez correct quelle que soit la situation, même si on vous provoque. Rappelez-vous que les invités, comme tous ceux que nous servons, ont toujours raison et ont quasiment tous les droits.