J'avais beau essayer, je ne comprenais pas le prince. C'était comme s'il y avait deux personnes totalement différentes en lui qui occupaient le devant de la scène à tour de rôle. Des fois, je me trouvais face à un homme gentil, concerné par son peuple et par le bien-être de ses employés ; un homme sincère et altruiste, intègre et d'agréable compagnie. Alors qu'à d'autres moments, il faisait place à un connard égocentrique et hautain, un homme rusé prêt à tout pour parvenir à ses fins ; un être abject qui se fichait du mal qu'il pouvait causer aux autres. Un homme lubrique qui ne pensait qu'à sauter tout ce qui bougeait.
Depuis deux semaines, c'était à cette version-là du prince que j'avais affaire. Il me pourrissait l'existence, comme si les moments que nous avions partagés n'avaient jamais existés. Tous les matins, quand je le réveillais, je réveillais également une femme, différente à chaque fois. Parfois, le prince ignorait ma présence et passait de longues minutes à bécoter la poule qui se trouvait dans son lit. Si je faisais mine de partir, il m'ordonnait de ne pas bouger... une fois la fille partie, il était infect pendant toute la journée, tantôt désagréable au plus haut point, tantôt dragueur. Il se trimballait à moitié à poil, me draguait ouvertement, allant même jusqu'à m'acculer contre un mur. Il jouait avec moi comme un chat avec une souris. Comme l'aurait dit Lola, il était « en plein dans la phase une ». Il me fixait longuement, balançait des allusions sexuelles à tout-va, m'effleurait, et allait jusqu'à essayer de m'offrir de petits cadeaux, que je refusais en étant aussi polie que possible. Pour le moment il n'insistait pas trop mais je sentais que les choses n'allaient pas tarder à dégénérer. Et s'il y avait une seul chose certaine chez lui, c'était qu'il ne supportait pas qu'on lui dise « non »...
Ce matin encore, je me rendis aux appartements du prince à contrecœur. Je pris mon courage à deux mains avant d'entrer. Je me postai au pied du lit sans allumer la lumière. Heureusement je n'eus pas trop de mal à le réveiller. Il grogna et se pencha pour allumer la lampe de chevet, révélant non pas une fille, mais deux ! Deux poupées blondes à la taille de guêpe qui s'empressèrent de se jeter sur lui dés leur réveil.
On aurait dû apporter le pop-corn...
Je soupirai intérieurement.
- Salut mes beautés, murmura Aaron d'une voix suave en les caressant.
Je levai les yeux au ciel. Le bruit de leurs baisers de poulpes me donnait envie de vomir. Je consultai ma montre.
- Votre Altesse ? intervins-je à mi-voix.
Il m'ignora, trop occupé à peloter ses blondes. Je l'interpellai de nouveau, plus fort cette fois-ci. Il grogna :
- Quoi ?
- Vous avez rendez-vous dans vingt minutes avec votre père.
J'espérais sincèrement qu'il n'allait pas me refaire le même coup qu'il y a cinq jours. En effet, dû à ses... activités douteuses, il était arrivé en retard au rendez-vous de son père, malgré mes avertissements. S'il s'était fait légèrement remonter les bretelles, j'avais quant à moi pris vraiment cher. Le roi m'avait hurlé dessus, arguant que j'étais sensée rappeler les heures de rendez-vous à son fils ; et que j'étais vraiment une incompétente, une bonne à rien, etc. Son fils s'était bien marré en douce de me voir dans cette situation.
Il fallut un peu plus de deux minutes à ce dernier pour réussir l'immense effort de se détacher des lèvres des poupées sans cervelle. Il leur ordonna de partir. Ceci fait, il se leva, uniquement vêtu d'un caleçon. Je détournai les yeux. Il me fit un sourire narquois.
- Allez me faire couler un bain, me dit-il.
J'obéis et me dirigeai dans la salle d'eau sous ses yeux insistants. Je l'entendis me suivre. Il se posta à la porte et m'observa faire avec son regard intense et lourd. Je rougis et m'affairai plus vite. Quand j'eus fini, je reculai. Le prince me dépassa et plongea une main dans l'eau pour tester la température.
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Le Prince et la Panthère
RomanceLui, Aaron, se prépare à devenir roi d'un pays déchiré par des conflits de plus en plus violents. Le peuple se révolte, les rebelles se font de plus en plus nombreux et organisés. Aaron, coureur de jupons invétéré et arrogant, mais très bon combatta...