Chapitre 6 : Le cauchemar (3)

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Trop occupée à lire avec émotion les chants de désespoirs d'Orphée à la mort de sa bien-aimée, j'avais loupée le dîner et j'étais présentement en train de courir pour atteindre le salon, étant donnée que j'avais déjà dix minutes de retard. Il était vide, à l'exception d'Anna qui notait quelque chose sur sa tablette. Je soufflai en m'arrêtant devant elle.

— Madame, je suis vraiment désolée, j'étais en train de lire et je n'ai pas vu le temps passer, ça ne se reproduira plus, je vous le promets !

— Calme-toi ma belle, me sourit-elle avec bienveillance, ce n'est pas la fin du monde. Et fais comme tous ici, appelle-moi Anna, tu veux ?

Je souris à mon tour en reprenant mon souffle.

— Sans problème. Que dois-je faire ?

— Tu vas aller aider à faire la vaisselle, puis à nettoyer la grande salle à manger royale, où le prince et sa sœur ont dînés.

Je fronçai les sourcils.

— Pas leurs parents ?

— Le roi a préféré manger dans sa suite et la reine n'est pas là.

Je hochai la tête et la remerciai avant de me rendre en cuisine, où deux servantes, une petite brune et la blonde qui m'avait dévisagée ce matin-même, étaient occupées à nettoyer des assiettes.

— C'est gentil de te joindre à nous ! siffla la blonde.

Je serrai les dents et répliquai, tout sourire :

— Oui, j'avais un peu de temps, alors...

Elle me fusilla du regard et la brune étouffa un rire en me passant une assiette, que j'essuyai consciencieusement.

— Tu te crois drôle, la nouvelle ? vociféra la pétasse.

— Sûrement comme toi tu te crois belle !

Rouge de colère, elle me fixa longuement. Mais, voyant que je ne baissai pas le regard et que je la fixai sans aucune crainte, elle leva la tête, hautaine, et partit après m'avoir donné – non, balancé ! – l'assiette qu'elle venait de laver. Je l'attrapai de justesse, et furibonde, lâchai :

— Non mais c'est quoi son problème ! Et pourquoi elle s'en va ?

La brune haussa les épaules.

— Laurine se prend pour la huitième merveille du monde depuis que le prince a couché avec elle. De même, elle est persuadée que ce n'est pas grave si elle déserte son poste, vu qu'il l'aime bien, elle ne risque pas d'avoir des ennuis.

Je rangeai une pile d'assiettes, tout en me disant que Laurine était un vrai prénom de pétasse, avant de demander :

— Et son nez en plastoc, elle se l'est offert comment ? Il ne me semble pas que notre salaire nous permette ce genre d'ajustements.

— Le prince est généreux... murmura-t-elle.

Je fronçai les sourcils, perdue.

— Comment cela ?

Elle me regarda de ses beaux yeux gris.

— Quand il prend une maîtresse, comme à peu près tous les nobles, il la couvre de cadeaux tous plus chers les uns que les autres. Des bijoux, des parfums, des vêtements. Il l'entretient en quelque sorte... du moins jusqu'à ce qu'il en change, ce qui ne l'empêche pas de recommencer s'ils couchent encore quelques fois ensemble. C'est un peu une marque d'honneur, une récompense pour leurs ébats... et plus ils sont bons, plus les cadeaux sont splendides. C'est une sorte de remerciement.

Le Prince et la PanthèreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant