Chapitre 17 : Souvenirs et angoisses (1)

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— Non mais c'est une blague ! couinai-je. C'est une putain de blague de merde !

Dehors le duc continuait de s'échiner sur la malheureuse porte. Aaron semblait ennuyé, pas plus paniqué que cela. Comment ça se faisait ?! On était coincé, dans un endroit humide et sans fenêtres, avec des ampoules flippantes et des moisissures, et on allait mourir ici comme des cons, c'était sûr, et lui, qu'est-ce qu'il faisait ? Il fixait sa montre comme un demeuré en grommelant qu'on n'était pas près de rentrer au palais ! Ce con ne saisissait pas la gravité de la situation ou quoi ? C'est sûr qu'on n'était pas près de rentrer, puisqu'on allait crever ici, seuls. Au moins, l'humidité des lieux ralentirait la décomposition de nos cadavres.

Le prince sortit son téléphone et grimaça en constatant l'absence totale de réseau.

— Vérifiez le votre, m'ordonna-t-il sans me regarder. J'ai un rendez-vous en fin de matinée, juste avant le déjeuner. J'aimerais autant qu'on puisse le reporter parce que j'ai comme l'impression qu'on va mettre du temps à revenir.

J'émis un rire sarcastique en posant une main sur ma gorge pour sentir mon pouls filant, et ne fis pas un geste pour sortir mon téléphone.

— On s'en fiche de votre rendez-vous, on va crever ici.

Ma phrase le surprit et il rit en secouant la tête. Il se tourna vers moi mais ce qu'il voulait répliquer mourut sur ses lèvres quand il avisa mon teint pâle et la réelle panique que je n'arrivais pas à dissimuler. Il comprit que ma phrase précédente n'était absolument pas une plaisanterie.

— Calmez-vous, Katarina. Personne ne va mourir ici, d'accord ?

Je soufflai pour ensuite essayer d'inspirer le plus d'air possible et secouai énergiquement les mains en dansant d'un pied sur l'autre.

— C'est ça, ouais, répondis-je d'une voix distraite en fixant la porte.

Des bruits étranges provenaient de derrière, mais rien de ce qui était tenté n'amadouait la vieille et lourde porte, qui demeurait obstinément close. J'eus encore plus de mal à respirer et me mis à faire les cent pas d'une allure rapide pour tromper ma peur. Mes oreilles bourdonnaient et j'entendais à peine le prince répéter mon nom. J'étais littéralement un lion en cage, sans moyen de sortir, piégé.

En tournant de long en large, je me pris le coin d'une étagère. Le meuble vibra, des bouteilles bougèrent dangereusement. Aaron me prit le bras et me ramena fermement contre lui : les bouteilles dégringolèrent de leur support et s'écrasèrent à l'endroit où je me tenais une seconde plus tôt.

— Arrêtez, m'intima-t-il, vous allez finir par vous blesser.

Je ne l'écoutai pas, ne le regardai même pas. Je voulus me remettre à marcher, mais il ne lâcha pas mon bras. Son étreinte se fit même plus assurée.

— Calmez-vous, Katarina. Je sais que vous avez peur, mais faites-moi confiance. Il ne va rien vous arriver. Les hommes derrière la porte vont la démonter, et nous pourrons sortir. Vous n'avez rien à craindre, d'accord ?

Je hochai vaguement la tête sans réussir à apaiser ma respiration. Les murs étaient en train de se refermer sur moi, tout comme ma cage thoracique. J'allais finir par imploser.

Soudain, les lumières vacillèrent, crépitèrent puis s'éteignirent tout simplement. La cave fut plongée dans le noir total. Je gémis et sentis mes yeux s'humidifier. Mon souffle s'accéléra davantage et je secouai la tête en fermant les yeux. Je plissai les paupières avec force.

— Katarina, du calme.

Je secouai la tête même s'il ne pouvait pas me voir et me débattis, cédant complètement à la panique. Surpris, il me lâcha et je reculai au hasard. Je fis tomber plusieurs bouteilles et poussai un cri en pleurant de plus en plus fort, le corps secoué de tremblements incontrôlables. Finalement, je butai contre un mur mais ne m'immobilisai pas. Je commençai à le griffer, à donner des coups de poings, de pieds, de genoux, ignorant la morsure du béton. Des bras ceinturèrent ma taille pour m'éloigner du mur. Je me débattis vainement, inconsciente du monde extérieur, le sang battant à mes tempes. Il me sembla malgré tout entendre plusieurs bruits mais je n'ouvris pas les yeux et continuai à m'agiter. Je sentis mes pieds quitter le sol un long moment et je ne me gênai pas pour donner des coups dans le vide, puis j'eus l'impression qu'on avait changé d'endroit.

— Tout va bien, Katarina, murmura la voix d'Aaron à mon oreille. Cessez de vous débattre, on est dehors, tout va bien. Ouvrez les yeux. Tout va bien.

J'obéis et fus éblouie un bref instant par la lumière du soleil. Je pris lentement conscience de mon environnement en essayent de calmer mon souffle. Aaron me serrait contre lui, ses bras étaient autour de ma taille et mes pieds touchaient à peine le sol. Je sentais son corps chaud collé à mon dos. Je me rendis compte que mes mains étaient crispées sur ses bras très fort, jusqu'à laisser des marques rougeâtres dessus.

— Tout va bien, répétait le prince. Tout va bien.

Ma respiration se ralentit lentement, et mon corps se détendit d'un seul coup. Je lâchai prise et m'affaissai, mes jambes flageolantes ne pouvant supporter mon poids pour le moment. Le prince réagit aussitôt, stoppant mon début de chute : il mit un bras dans mon dos et l'autre sous mes genoux pour me soulever et me porter contre lui. Mes bras entourèrent instinctivement sa nuque et j'enfouis mon visage dans son cou. J'inspirai profondément son odeur mentholée et fondis en larmes, toute la pression retombant instantanément.

— Chut, chuchota-t-il en se mettant à marcher. Je suis là.

J'entendis le bruit d'une portière et devinai qu'il s'agissait de notre voiture. Sans me lâcher, Aaron nous emmena à l'intérieur puis me fit m'asseoir juste à côté de lui. Je n'ôtai pas mes bras de son cou et posai ma tête sous son menton. Je pouvais entendre son cœur battre sous mon oreille, ça m'aidait à me calmer. Il conserva un bras autour de ma taille, esquissant de petits cercles sur ma hanche avec sa main en répétant que tout était fini et que j'étais en sécurité, comme un mantra destiné à me rassurer. La voiture ronronna et s'élança sur le gravier. Avant de m'en rendre compte, mes paupières fatiguées se mirent à papillonner et je m'endormis.

Le Prince et la PanthèreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant