Je reculai et nous nous fixâmes quelques secondes dans le plus parfait des silences. Il passa une main dans ses cheveux pour se ressaisir, puis souffla profondément, perturbé.
- Plus sérieusement, déclara-t-il, non. Je n'ai pas pour habitude d'emmener mes proies ici. A vrai dire, c'est la première fois que je rouvre le jardin - et que j'y reviens - depuis qu'il a fermé.
- Alors pourquoi y revenir avec moi? l'interrogeai-je.
Il ne me regarda pas, les yeux braqués sur un bosquet de ronces touffues.
- Je ne sais pas. Après tout ce que vous m'avez dit tout à l'heure, j'ai pensé que je devais vous emmener ici. Vous êtes différente de toutes les femmes que je cotoie. Vous n'avez pas peur d'exposer le fond de votre pensée, au risqur de vous attirer des ennuis, et surtout, en me disant la vérité, vous vous intéressez à mon histoire, et à ce que je ressens. De plus vous aimez ma soeur, vous voulez qu'elle aille bien, et elle vous adore. J'ai pensé que c'était la bonne chose à faire.
Émue par cet élan de sincérité, je sentis les larmes monter, mais les refoulai et le suivis un peu plus loin, à travers un chemin faiblement discernable car envahi de mauvaises herbes. Nous débouchâmes devant un vieux chêne imposant. Une balançoire en corde et avec un large siège en bois, était suspendue à l'une des branches.
- J'avais l'habitude de venir ici, avec ma mère. Je m'asseyais sur ses genoux et on se balançait pendant des heures en parlant de tout et de rien. C'est un des plus beaux souvenirs que je conserve de cette époque.
Il sourit, le regard lointain. Mon téléphone bipa, rompant la beauté du moment. Je pestai et regardai le message.
- Un problème? me demanda le prince.
- Non, mais je me suis absentée longtemps et j'ai encore pas mal de boulot.
Il hocha la tête.
- Alors vous pouvez y aller... Merci de m'avoir écouté.
- Merci de vous être confié, votre Altesse.
J'inclinai la tête et me détournai. Il me saisit le bras alors que je m'apprêtais à partir. Sans me regarder, il me dit:
- Une dernière chose.
- Oui?
Il me regarda enfin; ses yeux étaient redevenus froids.
- Ne vous avisez pas de répéter la moindre des choses que je vous ai confié. Je sais que vous n'êtes pas portée sur les commérages, à l'inverse de la plupart de vos collègues, mais si ces informations venaient à se répandre... je ne sais pas ce que je serais capable de faire. Me suis-je bien fait comprendre?
- C'est une menace ?
- Oui.
Je souris tristement.
- A ce que je vois l'autre prince est de retour... Dommage. Rassurez-vous votre Altesse je n'ai pas l'intention de divulguer quoi que ce soit. Maintenant lâchez-moi.
Il soupira et lâcha mon bras. Je partis, déçue qu'il ait tout gâché par son comportement, encore une fois. J'avais vraiment apprécié ce moment avec lui, et je le croyais quand il disait n'avoir jamais parlé de ce qu'il me confiait à d'autres. Sur ce point je ne me trompais pas. Mais tout le reste restait un mystère, exceptées certaines zones d'ombres qu'il éclairait progressivement, mais ça restait minime. Il soufflait le chaud et le froid avec moi, si bien que je ne savais jamais comment réagir, c'était l'impro totale... Et ça commençait à m'agacer sérieusement.
A part si mon agacement provenait du fait que je me sentais de plus en plus attirée par lui à mesure que je le cotoyais, lui et son incroyable complexité. Le truc légèrement dérangeant, c'est que j'allais finir par me brûler les ailes, car je jouais avec le feu, comme il s'était plu à me le faire remarquer.
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Le Prince et la Panthère
Storie d'amoreLui, Aaron, se prépare à devenir roi d'un pays déchiré par des conflits de plus en plus violents. Le peuple se révolte, les rebelles se font de plus en plus nombreux et organisés. Aaron, coureur de jupons invétéré et arrogant, mais très bon combatta...