Chapitre 16 : Les fantômes du passé (3)

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J'étais en train d'accrocher le linge, perdue dans toutes mes réflexions, complètement inconsciente du monde extérieur, lorsque je sentis deux mains effleurer ma taille pour m'encercler dans l'étreinte de deux bras puissants ; un torse se colla contre mon dos, et un souffle chaud s'abattit dans mon cou. Mon premier réflexe fut de sursauter, mais je me détendis en reconnaissant le parfum de Logan.

— Je suis désolé pour tout à l'heure, murmura ce dernier contre mon oreille. J'aurais pas dû pousser comme ça, tu mérites d'avoir ton espace, et je n'ai pas à l'envahir. C'est juste que j'aime pas te voir comme ça.

Je me retournai doucement sans quitter ses bras et me hissai sur la pointe des pieds pour déposer un chaste baiser sur ses lèvres.

— C'est rien, je t'en veux pas. Ton inquiétude montre que tu t'en soucie et que tu es un garçon sensible, et c'est ça qui me plaît chez toi.

Je lui souris en posant mes mains sur son torse. Il me rapprocha davantage de lui et nous nous fîmes un long câlin. Je soupirai de contentement ; je me sentais en sécurité dans ses bras. Un sentiment bien illusoire considérant le fait que je devais être cent fois mieux capable de me protéger, de nous protéger, que lui, mais c'était un sentiment que j'appréciais, et qui me permettait de souffler un petit peu et d'oublier l'angoisse qui ne me quittait pas depuis ce matin. Logan fit des petits cercles avec ses mains dans mon dos et je le sentis sourire quand il me fit frissonner. Je finis néanmoins par me détacher de lui, à regret.

— J'ai du travail, grognai-je, malheureusement. Je serais bien restée toute la journée dans tes bras.

Il rit avec légèreté en caressant ma joue.

— Voilà un aveu qui est loin de me déplaire, se moqua-t-il. Moi aussi j'aimerais bien passer les quelques prochaines heures collé à toi.

Je rosis doucement et me détournai pour continuer d'étendre le linge. Comme il était en pause, il décida de m'aider malgré mes faibles protestations (déjà qu'on n'avait pas beaucoup de pauses, je ne voulais pas qu'il gaspille son temps en faisant mes tâches), qu'il balaya d'un geste de la main. Nous travaillâmes quelques minutes en discutant gaiement, avant qu'un petit silence se répande entre nous, que je rompis pour aborder le sujet qui occupait mes pensées :

— Le serviteur du prince a été renvoyé, tu le savais ? lui demandai-je.

— Yahn ?

— Oui.

Il haussa les épaules en prenant une épingle pour attacher un drap rose sur le fil tendu.

— Ouais, mais le prince l'a pas vraiment viré, il a seulement été rétrogradé et il a repris un poste de serviteur général. Pourquoi tu me demandes ça ?

Je hochai la tête pensivement, hésitant à répondre. Ces dernières semaines, je lui avais beaucoup parlé du prince, et de toute la pression qu'il me mettait pour que je lui cède. J'avais l'impression que son opinion du futur souverain avait dégringolé en flèche depuis qu'il me connaissait et je ne savais pas bien comment il allait réagir.

— Le prince m'a proposé son poste, lui expliquai-je. Il m'a proposé de m'engager de façon permanente et cette fois-ci j'assumerai toutes les charges de servante personnelle, je ne serai plus une servante générale.

— Et tu as dit quoi ? demanda-t-il d'un ton neutre.

Je lissai pensivement une chemise et accrochai des épingles.

— J'ai dit que j'allais y réfléchir.

Logan laissa planer un petit silence.

— Tu devrais accepter, déclara-t-il finalement.

Surprise, j'abandonnai ma tâche pour me tourner vers lui.

— Vraiment ?

Il sourit devant ma mine ébahie.

— Oui, vraiment. Je l'aime pas ce type, mais une proposition telle que celle-là ne se refuse pas réellement. On parle d'un salaire plus élevé, et en plus tu feras plein d'autres trucs nettement plus variés et intéressants que passer ton temps à nettoyer les escaliers. Après c'est à toi de peser le pour ou le contre et de décider si ça vaut la peine de supporter le caractère du prince ; même si, vu ta personnalité, je me fais pas trop de souci pour toi, tu sauras le gérer mieux que quiconque. Et puis il t'a quasiment avoué qu'il te voulait toi pour ce poste, ça veut dire que t'es en position de force. Il va falloir que tu signes un nouveau contrat, et tu seras en mesure d'en négocier certains aspects s'ils te dérangent. Selon moi c'est une bonne opportunité, et un moyen d'évoluer dans ton statut de servante : ce genre d'occasions se présente bien trop rarement.

Il s'interrompit enfin après sa tirade enflammée pour respirer. Je ne le quittai pas du regard, un sourire en coin. Et moi qui pensais qu'il allait s'offusquer de cette proposition, au contraire il me poussait à accepter, et il fallait bien avouer que ses arguments étaient on ne peut plus raisonnables. Il allait falloir que je mène une petite négociation, comme Logan l'avait suggéré. Ce dernier me laissa cogiter et nous continuâmes d'étendre le linge. Nous venions de finir quand il regarda sa montre.

— Ma pause se finit bientôt. Je vais retourner aux écuries.

— Merci pour tes conseils, lui souris-je.

Je l'embrassai une nouvelle fois, mais avec plus de passion, et il passa une main dans mon dos pour me coller contre lui alors que je tirais doucement ses cheveux. Puis je me détachai de lui à regret, fébrile, et le regardai partir, les joues rouges. Je secouai la tête et récupérai le panier vide pour le ramener à l'intérieur.

Je venais à peine de rentrer quand une petite tornade blonde se jeta dans mes bras.

— Kat !

Surprise, je laisser échapper le panier, qui tomba sur le sol dans un grand bruit, attirant des regards désapprobateurs de plusieurs serviteurs. Je me contentai de hausser un sourcil et enserrai la fillette dans mes bras. Dieu qu'elle m'avait manqué !

— Salut ma poupée, murmurai-je.

Je m'agenouillai à sa hauteur et contemplai le magnifique sourire qui ornait son visage. Ses longs cheveux étaient libres et elle portait une chemise bariolée et un jean blanc. Elle était tout simplement adorable.

— Je suis trop contente de te voir, Kat, tu m'as trop manqué ! s'exclama-t-elle.

— Toi aussi tu m'as manqué. Je suis désolée si on s'est pas trop vues cette semaine, j'ai eu beaucoup de travail.

Elle haussa ses petites épaules et je ramassai le panier pour le ranger à sa place.

— C'est pas grave, je comprends. Tu dois faire quoi là ?

Je réfléchis un moment, me remémorant mon emploi du temps.

— Il faut que j'aille m'occuper de nettoyer une suite du premier étage.

— J'ai rien à faire jusqu'à midi, je peux venir avec toi ? me demanda-t-elle timidement.

— Bien sûr ma puce, lui souris-je, mais tu risques de t'ennuyer.

Elle secoua la tête.

— Je m'ennuie jamais quand je suis avec toi, Kat !

Le Prince et la PanthèreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant