Chapitre 7 : Une mauvaise journée (5)

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A moi toute seule, je mis environ une heure et demie à faire le lit et nettoyer le salon. Pendant tout ce temps, le prince resta assis, immobile et le nez plongé dans son journal puis dans un dossier. Il ne m'adressa pas un seul regard, m'ignorant froidement comme il savait si bien le faire. Le seul moment où il darda son regard de glace sur moi fut quand je passai un coup de chiffon sous le canapé, à quatre pattes sur le sol. Je ne le voyais pas, mais je sentais ses yeux brûler mon dos.

Quand j'eus fini, il se leva, consulta sa montre et me dit :

- Nous partirons dans dix minutes. Allez vous changer et appelez une voiture.

- Me changer ? bloquai-je.

Enfin, il me regarda, neutre.

- L'uniforme n'est pas obligatoire en-dehors de l'enceinte du palais, et c'est mal vu de le porter lors de rendez-vous.

Bien que ne comprenant pas en quoi porter un uniforme soit irrespectueux, je hochai la tête. Je n'allais pas cracher sur une occasion de m'en débarrasser.

- Bien, conclut-il. Retrouvez-moi à la porte principale.

Je sortis. Une fois descendue dans ma chambre, je me dévêtis et enfilai un jean bleu foncé et un chemisier rouge. Je défis avec bonheur mon chignon - coiffure que j'avais en horreur - et me passai un coup de brosse dans les cheveux avant de les nouer en une queue de cheval haute. Je sortis le portable noir et envoyai un message à l'un des portiers pour lui demander de nous envoyer un chauffeur libre. Il me répondit presque aussitôt, confirmant la disponibilité d'un d'entre eux. Au moment de quitter la pièce, je reçus un message de « Son altesse royale le prince Aaron Aiden Mathieu de Léonidor Oloragdus » (sans rien inventer : c'était le nom du contact). Il me demandait d'aller chercher sa veste dans ses appartements). Je soupirai lourdement et remontai. Sa veste était posée sur la chaise de son bureau encombré. Je m'en saisis et mon regard tomba sur les papiers disséminés sur son bureau. Le titre d'un dossier attira mon attention : « Projet de construction - Terrain 10 392 - Rouen ». Une prison pour détenus rebelles était justement en cours de construction à Rouen, ce ne pouvait être une coïncidence. Je levai la tête et regardai partout dans la pièce pour vérifier que j'étais bien seule. Réflexe stupide et totalement cliché vu que j'aurais entendu si quelqu'un était entré. Je secouai la tête et ouvris le dossier, qui contenait des plans de la future prison. Je sortis mon téléphone - le mien, et non celui de fonction - et les pris en photo. Même si on ne m'avait rien ordonné, ces plans seraient bien utiles lorsque la prison entrerait en activité, et j'allais même sûrement m'éviter une future mission. Je remis le dossier à sa place initiale, me saisis de la veste et redescendis au rez-de-chaussée. Le prince était déjà là. Quand il me vit... il eut un bug. Son regard resta fixé sur moi sans ciller. Je me sentis rougir ; ce type avait un truc dans le regard, c'était physiologiquement impossible de ne pas rougir. Il me détailla de la tête aux pieds et s'arrêta sur ma coiffure. J'avais entendu dire qu'il adorait les cheveux longs. Quand j'avais mon chignon, il n'en savait pas la longueur. Maintenant il pouvait voir que, même avec la queue de cheval haute, mes cheveux cascadaient jusque sous mes épaules. Je ne savais pas trop ce que je ressentais par rapport à ça.

Je m'éclaircis la gorge et lui tendis sa veste. Il fronça les sourcils comme pour se ressaisir, puis me tourna le dos et écarta les bras. Je levai les yeux au ciel. Quel bébé ! Il n'était pas capable d'enfiler une veste tout seul ?! Je m'avançai et lui enfilai manche par manche, en lissant le tissu à chaque passage, ce qui m'obligea bien évidemment à effleurer sans cesse son corps. Ensuite je me mis face à lui pour dégager son col et le mettre correctement. Il ne bougea pas, mais je sentais son regard sur le haut de mon crâne. Il était vraiment grand. Je déglutis et finis d'ajuster sa veste. Il frémit lorsque ma main effleura la peau nue de sa clavicule. Je m'éloignai rapidement. Mon cœur battait beaucoup trop vite. Un ange passa. Puis il inspira profondément et se détourna pour sortir. Je le suivis. La voiture, un gros 4 x 4 noir, était garé juste en bas des marches. Lorsque nous arrivâmes, le chauffeur ouvrit la portière. Le prince s'engouffra à l'intérieur de l'habitacle et je fis de même après avoir remercié l'homme. Je m'installai donc et bouclai ma ceinture, sans que le prince ait cessé de m'observer, ce qui me mettait hautement mal à l'aise. Il me tendit un dossier.

Le Prince et la PanthèreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant