Chapitre 21 : De rouge et de blanc

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Aaron achevait à peine sa brillante discussion avec mademoiselle Angélique de Courtavel quand il crut apercevoir un éclair de cheveux noirs et le bout d'un habit de la même couleur disparaitre au coin du couloir. Probablement un mirage. Il frotta ses yeux fatigués et se tourna pour pénétrer dans ses appartements. Les gardes, qu'il avait fait rapatriés à l'intérieur afin qu'il puisse profiter de sa conversation privée, ressortirent prendre leur poste, fermant la porte derrière eux, et le prince se dirigea d'un pas résolu dans son bureau.

Des piles de dossiers d'importance mineure trônaient en maître sur le meuble qui avait donné son nom à cette grande pièce naturellement sombre, même malgré la lumière qu'il venait d'allumer en entrant. Il soupira et s'assit avec résignation sur son siège. Il allait en avoir pour des heures à traiter tout cela.

Depuis l'arrivée d'Angélique, il en était venu progressivement à délaisser les tâches moyennes qui lui incombaient d'ordinaire, et qu'en général il expédiait assez rapidement, du moment qu'il ne les laissait pas s'empiler comme des tas de déchets. Au début méfiant envers Angélique, il avait été fort surpris de découvrir en elle, passé le physique d'ange tombé du Ciel, une intelligence des plus vives, une langue acérée et sincère, un œil observateur et critique, le tout enrobé de la grâce et de la noblesse de sa naissance. C'était la première fois qu'il découvrait, après tant d'infructueuses recherches, tout ce qui lui convenait chez une femme de son âge et de son rang. Et l'ironie du sort le faisait quelque peu sourire.

Enfin, presque. Parce qu'en voyant la masse de travail qui l'attendait, il avait envie d'enfouir son visage dans son oreiller comme un enfant pour hurler tranquille.

Rien n'était vraiment urgent au moment où ça lui était tombé dessus, mais ça commençait à le devenir ; tout aurait dû être effectué en temps et en heure, mais la compagnie d'Angélique lui avait semblé une bien meilleure occupation, et il n'avait pas voulu tout déléguer sur les épaules de Katarina qui, malgré sa remise en forme récente, lui paraissait encore trop fragile pour tout assumer seule.

Il s'était dit naïvement, au début, qu'ils pourraient travailler dessus de concert, avant de s'endormir l'un contre l'autre, mais la jeune femme ne venait plus dans sa chambre la nuit, préférant sans doute les passer avec son palefrenier.

Un élan de colère le prit et il abattit son poing sur le bois de l'imposant bureau. Il respira profondément et s'intima de se reprendre. Son cousin Cyril et son ami Philio n'allaient plus tarder à arriver, comme ils le lui avaient annoncé à peine deux heures plus tôt. Si cette visite surprise lui faisait certes...plaisir, elle ne pouvait pas cependant tomber plus mal.

Décidant qu'il ne pouvait résoudre seul toute cette paperasse avant leur arrivée, il envoya un texto sur le téléphone professionnel de Katarina. Un texto qui demeura sans réponse, comme tous ceux qui s'ensuivirent. Le prince patienta une bonne vingtaine de minutes, mais aucune réponse n'arriva, et aucune servante impertinente ne déboula sans prévenir dans ses appartements. Cette dernière avait beau être têtue et emportée, elle ne faillissait jamais à son travail.

Du moins jusque-là.

L'imaginer éperdue dans les bras du laquais, comme l'autre fois dans la bibliothèque, le téléphone vibrant dans la poche de son uniforme jeté au sol, acheva de l'énerver, et il envoya un message à un numéro différent.

Quelques minutes plus tard à peine, on frappa à la porte de ses appartements puis de son bureau, où Anna, la gouvernante du palace, pénétra après y avoir été invitée. L'Héritier composa son habituel masque d'une neutralité impénétrable, avant de la questionner d'une voix lente et un peu froide :

Le Prince et la PanthèreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant