Chapitre 20 : Angélique (2)

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Il y eut un moment où le temps était comme arrêté, figé sur cette image. Moi, redressée sur mes coudes mais le reste du corps paresseusement étendu sur le sofa, mon pull gisant je ne sais où au sol, à moitié nue ou presque, ma poitrine se soulevant à chacune de mes respirations rapides, mes longs cheveux en désordre répandus au hasard sur mes épaules. Logan, sur moi, une main sur le dossier du canapé et l'autre sur ma hanche, chemise toujours en place mais totalement déboutonnée, la ceinture quelque part par terre. Et puis le prince, juste en haut des escaliers, au bord de la mezzanine, le regard vibrant d'une rage profonde, dans lequel se devinait, du moins pour moi, la jalousie.

Puis l'arrêt sur image s'estompa, à mesure que la réalisation de sa présence nous frappait Logan et moi. Il balbutia quelque chose d'incompréhensible et recula, se levant en reboutonnant sa chemise. Il ramassa sa ceinture, la renfila. Un peu moins réactive, je me mordis la lèvre et m'assis une seconde avant de me lever, cherchant mon pull, pour le moment introuvable. Je passai une main nerveuse dans ma chevelure et contournai le meuble pour voir si elle n'était pas derrière. Le silence était pesant, à tel point que je sentais sa chape peser sur mon estomac, à moins que ce ne soit la honte d'avoir été surprise en train, enfin presque en train de...faire l'amour avec Logan.

Mais il est où ce fichu pull, bordel de merde ?

— Votre Altesse, je...

Je relevai les yeux et observai mon petit-ami chercher les mots pour...se justifier ? Justifier notre batifolage dans la bibliothèque du palais ? Il inspira profondément en se grattant l'arrière de la tête, probablement aussi rouge et gêné que je l'étais en cet instant précis. Le prince, lui, ne le regardait même pas, les yeux rivés aux miens, les suivant à chacun de mes mouvements.

— Votre Altesse, je suis...enfin, nous sommes, vraiment... retenta Logan.

— Partez.

Sa voix glaciale résonna dans toute la pièce sans qu'il l'ait pourtant élevée plus qu'à l'accoutumée. Il adressa un bref regard si froid et méprisant envers Logan que ce dernier déglutit et acquiesça en se dirigeant vers les escaliers. Je préférai penser que l'injonction valait aussi pour moi et repérai justement mon pull à ce moment, vers la lampe, derrière la table basse. Je le récupérai et ne pris même pas le temps de l'enfiler, suivant le chemin emprunté une seconde plus tôt par mon copain, qui en était au milieu de l'escalier, m'attendant visiblement. Je gardai les yeux baissés et passai rapidement à côté du prince, espérant vainement pouvoir tirer un trait sur cet épisode on ne peut plus honteux.

Vainement.

Je l'avais à peine dépassé, posant ma main sur la rambarde de l'escalier pour soutenir mes jambes tremblantes, qu'il s'empara de mon bras libre pour me retenir, me faisant pivoter de force. Je gardai la tête baissée, et entendis Logan remonter une marche pour « venir à mon secours », mais s'immobiliser presque aussitôt. A en juger par la prise raffermie sur mon membre et le profond soupir qui s'échappa de la cage thoracique de l'Héritier, il devait être en train de gratifier mon petit-ami d'un nouveau regard, si hargneux et réfrigérant qu'il devait être capable de statufier Méduse elle-même. J'osai un coup d'œil en arrière, pour y trouver celui de Logan me fixant d'une question muette. Je déglutis à mon tour et hochai la tête, lui signifiant qu'il ferait mieux de partir, ce qu'il fit après une seconde supplémentaire d'hésitation. Je le regardai sortir, la gorge nouée, et reportai mon attention sur le prince, osant enfin le regarder.

Lui fixait la porte en contrebas, par laquelle Logan venait de partir. Son regard était indéchiffrable, du moins en partie, parce qu'il y brillait encore une profonde colère, et de façon très nette. Je ne dis rien, me demandant seulement ce qui l'avait poussé à me retenir. J'attendais qu'il parle, mais il ne le fit pas, me déconcertant au passage. Je pris mon mal en patience, mais j'avais l'impression que là, c'était lui la statue, comme m'en assurait la poigne froide et inébranlable qui soutenait mon bras. Enfin, n'y tenant plus, je laissai ma lèvre que je m'échinais à déchiqueter depuis tout à l'heure, et pris la parole, trouant le calme restauré des lieux :

Le Prince et la PanthèreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant