Je montai donc au dernier étage pour le retrouver, et, Dieu merci, il était habillé. Il y avait du progrès... Mouais. Il ne dit rien. En fait, il fit comme si je n'existais pas. Sérieux, ce mec avait un grain. Ou il était bipolaire... A débattre. Il ajustait les manches et les boutonnières de sa chemise, alors que je faisais la plante verte près de la porte. Si ça continuait comme ça, un des serviteurs viendrait m'arroser. Arrête la drogue, ça te réussis pas... Ah. Ah. Ah. Je suis pliée.
Enfin, il se leva de son bureau et mit son téléphone dans sa poche. Puis il se dirigea vers l'extérieur sans un regard pour moi. Crétin. Au dernier moment, il me fit un signe de tête pour me signifier que je devais le suivre. Il aurait sifflé que ça aurait fait le même effet. J'avais l'impression d'être un petit toutou docile. Je lui emboîtai le pas avec un train de retard.
- Ouaf, ouaf... grognai-je en essayant de le rattraper (puisque, bien sûr, il ne m'avait pas attendu).
Le salon d'été était une pièce bien éclairée par d'immenses baies vitrées donnant sur le jardin. La pièce était décorée avec goût dans des tons clairs et harmonieux, mélange de bleu et de vert. La table trônait au centre. Elle était mise, sans surprise, et l'argenterie affrontait le cristal et la porcelaine.
En entrant, je remarquai la présence des deux souverains et je me crispai, me plaçant d'office en retrait. La reine, une grande femme brune et élégante dans sa longue robe bleue, avait l'air fatigué, ou peut-être triste. Le roi, quant à lui, portait des habits similaires à ceux de son fils, même si celui-ci ne portait pas de veste de costard. Le souverain était martial, comme toujours. Je serrai les dents et baissai les yeux en m'inclinant devant eux. Ils n'accordèrent pas un seul regard à la petite larve qui s'abaissait devant leur royale grandeur. Aaron s'inclina aussi, mais plus légèrement.
- Père, mère, déclara sobrement Aaron.
Ouah, quelle démonstration d'affection ! Ceci dit, au vu de ce que Loti m'avait révélé, ce n'était pas si étonnant.
- Mon fils, dit le roi, neutre. Où est ta soeur?
- Elle ne devrait plus tarder.
Un lourd silence s'ensuivit et je dus retenir un rire gêné. La vision de ma tête décapitée m'en coupa (sans mauvais jeu de mots !) l'envie. Heureusement, le silence fut rompu par un bruit de petits pas. Quelques secondes plus tard, Loti fit son entrée, suivie d'une vieille peau - sûrement la gouvernante dont elle s'était plaint à notre rencontre - au chignon strict et à l'air austère. Loti, magnifique dans sa petite robe verte, fit quelques pas et s'inclina devant ses parents.
- Père, mère.
Ben dis donc...
Sa mère lui adressa un sourire et voulut s'approcher, mais le roi la coupa dans son élan :
- La ponctualité est une vertu qu'on est en mesure d'exiger de la part d'une princesse, Laëtitia. Tu comprends ? (Elle hocha la tête, triste). Bien. Ne sois plus en retard.
La mine abattue de Loti me donna envie de casser la sale gueule du roi. La reine sourit à sa fille et celle-ci, les yeux brillants, s'élança vers elle et se précipita dans ses bras. Aaron esquissa un geste pour la retenir mais n'en eut pas le temps. Quand le roi darda un regard désapprobateur vers sa fille, je surpris une étincelle de regret et de colère dans les yeux d'Aaron.
- Voyons, Laëtitia, un peu de tenue, dit le roi dans un ton formel et solennel qui n'aurait pas dû avoir sa place dans une réunion de famille.
La reine prit enfin la parole :
- Ce n'est qu'un câlin, et Loti est mon enfant. Je...
- T'ai-je demandé ton avis ? gronda son mari.
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Le Prince et la Panthère
RomanceLui, Aaron, se prépare à devenir roi d'un pays déchiré par des conflits de plus en plus violents. Le peuple se révolte, les rebelles se font de plus en plus nombreux et organisés. Aaron, coureur de jupons invétéré et arrogant, mais très bon combatta...