Concert

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Vendredi, presque une semaine depuis ce songe étrange. Je n'ai pas revu ce garçon, ni par hasard dans la rue ou la résidence ni en rêve. Comme si mon tourment s'était évaporé. Et c'était bien ainsi, j'avais toujours son briquet noir, mais il ne m'évoquait plus rien, je l'utilisais comme un simple briquet, car son essence n'était plus que ça.

« — Mika', t'as pas une séance de dédicace demain ?

Elle a raison, j'avais oublié.

— La librairie où tu vas se trouve en face d'une boîte. Et demain il y a un concert de Kolumb. La première partie est faite par des gars de chez nous, pas très connus. C'est une séance organisée par une équipe évènementielle super connue en plus. Ça peut être cool ! » elle savait très bien que je ne raterais jamais une soirée avec Kolumb.

Le lendemain, la séance de dédicace passa très vite. Métro était un maigre succès par rapport à mes rêves, mais c'était une réussite, et je commençais à m'habituer à la vraie vie. Cependant, aujourd'hui Oliver m'avait annoncé qu'il y aurait du monde. Et l'instinct d'Oliver a toujours juste. Cet homme est le fruit de la passion entre un chauffeur routier russe et une cadre ivoirienne. Malgré ses origines surprenantes, il n'a rien de très intrigant au premier regard. Une peau d'ébène, une taille moyenne, svelte, chauve... même s'il faut avouer que son visage possède un je-ne-sais-quoi de très esthétique. Il fut mon agent littéraire bien avant la sortie de Métro, grand ami de mon père il sauta sur l'occasion de me rendre service dès que mon chef de famille lui parla de mes ambitions. Bien que physiquement il est très commun, Oliver est d'une gentillesse très pure et d'un sérieux quasiment irréel. Il choisit toujours le chemin qui rend tout le monde heureux sans pour autant être utopiste, et c'est quelque chose que j'aime chez lui, je hais les idéalistes. Comme je l'ai expliquée, l'instinct qu'à cet homme est une vérité et pour autant, je fus surprise de voir le nombre de personnes venues à la séance. Beaucoup ne me connaissaient pas avant de tomber devant la librairie, il fallait s'y attendre. Mais cela restait impressionnant. Mon ego ressentait un équivalent de baiser enflammé à chaque fois que l'on me disait « merci » en repartant avec mon livre entre les doigts. Qu'importe s'ils l'ont lu, qu'ils aillent le faire où qu'ils m'oublient, ce « merci » était amplement suffisant pour que je me sente autrice.

Fin de séance, j'aborde un sourire niais en me préparant à me retirer, un « Excuse-moi... » brise mon mouvement, je me retourne. De grands yeux noirs, de courtes dreadlocks brunes, un ton de rappeur. Un pull chaud avec un symbole de sablier blanc. Un bas de survêtement jaune à bande opaque. Il avait plus l'air d'être venu pour le concert en face que pour ma séance de dédicace. D'ailleurs je n'avais plus vraiment le temps de faire des signatures si je voulais aller au concert, je devais me dépêcher pour aller me changer et rejoindre ma chevelure de flammes. Je me suis excusée de ne pas pouvoir l'ouïr et j'ai repris mon chemin vers les casiers de l'arrière-boutique.

« — Je suis pressé moi aussi, j'ai un concert juste en face !

Il savait comment insister, j'ai accepté de l'écouter.
— Bon, c'est pour une dédicace ?

Je déduisis simplement.
— Ouais, mais pas seulement. C'est l'anniversaire de notre pote, elle adore votre bouquin. Mais le concert l'empêchait de venir. Du coup on s'est dit que ça lui ferait plaisir si vous assistiez au concert, on fait la première partie.
— Et bien, ça tombe bien, j'ai déjà ma place.
— Mais nah, questionna-t-il avec une surprise pleine de désinvolture, bah tiens, prends ça ! »

Il inspecta ses poches, celle de son pull à capuche, avant de le rehausser, il avait une veste en dessous plutôt épaisse, pourtant il ne faisait pas froid. En explorant les poches de sa veste, rien non plus. Il releva celle-ci et il me fit découvrir un deuxième pull sous sa veste. Dans la poche de celui-ci, il n'y avait toujours rien. Il fouilla alors son survêtement, puis celui qu'il avait en dessous du premier, je ne m'attarde pas sur le fait que j'étais presque angoissée par autant de vêtements. Le résultat de cette minute de recherche, qui fut sans aucun doute la plus longue de ma vie, était un badge V.I.P., il rajouta que je pouvais venir avec quelqu'un. Il fallait que je prévienne Mélodie de vendre nos places. J'allais faire une dédicace à une artiste. J'étais géniale.

Arrivée devant la résidence, je la voyais qui m'attendait.

« Cinq minutes de retard, ce n'est pas chouette ça, elle avait un sourire rempli de joie. Elle était heureuse de sortir avec moi, comme aux premiers jours.
— Ouais, mais regarde ce que j'ai ! », je me suis mise à rire en lui présentant fièrement mon badge. Elle avait des étoiles dans les yeux.

La soirée s'annonçait incroyable.

Odeur de clopeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant