Cela faisait peu de temps que je m'étais habituée aux délices de ma petite bande, mais je devais déjà m'en aller. Afin de devenir un véritable protecteur, je devais suivre l'enseignement d'Ikumi elle-même afin de pouvoir suivre au mieux l'éveil du prochain Roi, je devais être un symbole digne de ce nom. Les concerts de Mi-K se faisaient de plus en plus rares en préparation de cet évènement. Je rejoignis Ikumi chez elle. Dans la même villa où habitait Daamgard. La maison était complètement automatisée. Du portail jusqu'aux petites branches mécaniques rangeant mes chaussures une fois déchaussées. Ikumi n'acceptait pas que l'on dépasse le sas d'entrée avec nos chaussures. C'était étonnant venant de la femme la plus noble de Dubstown.
L'intérieur de sa maison était surprenant. La meilleure manière de le décrire serait de décrire ce jeu d'ombres et d'obscurités qui donnait à la demeure une beauté et une ambiance que je n'avais jamais vues auparavant. Les couleurs étaient entre vert et bleu, et pourtant tout semblait très sophistiqué. Il y avait un mélange de cybernétique et de traditionnel dans ce musée des teintes. Je pris place sur un coussin autour de la table basse, face à elle. Il était temps pour moi de débuter mon apprentissage. Mais avant ça je fis la connaissance d'Elisa Daamgard, la fille de Ikumi. Elle était plus jeune que moi et était d'une beauté à couper le souffle. Une Eurasienne au corps parfait et au visage d'un charme divin, elle était une véritable muse dont j'aurais pu m'inspirer si je l'avais rencontrée quelques années plus tôt. Ugajin nous rejoignit et nous avons alors commencé.
Ikumi était un très bon professeur, et Ugajin un très bon élève. Grâce aux deux j'ai très vite compris les enjeux de mon rôle au sein de la galerie, Ikumi n'allait pas vivre éternellement et Dubstown avait besoin d'un Roi ou d'une Reine capable de perpétuer ce que Ikumi avait entrepris. Cependant, les Princes et Princesses étaient tous très satisfaisants, mais aucun de nous n'avait vraiment la mentalité digne d'un Roi. Il fallait quelqu'un que l'on forgerait pour ce rôle, quelqu'un avec énormément de potentiel, mais aucune compétence. Inutile de dire que la Grande Hirano n'eut pas de mal à trouver le parfait spécimen. Elle était encore jeune, mais elle avait toute la ressource pour prendre la place d'Ikumi, ça allait être à moi de protéger son esthétique. Le père de la future Reine allait vouloir me rencontrer aussi. C'était beaucoup d'argent qui était en jeu, le père avait payé une fortune pour que sa fille devienne une personne importante, il était normal qu'il soit sûr de ses collaborateurs.
Ce nouvel univers était étrange, inédit, fantasque, mais bizarrement, il ne sentait pas l'aberration, c'était juste une histoire de riches et d'artistes, c'était rien qui rompait l'ordre des énergies. La prophétie du Roi était moins belle et mystique lorsque les chiffres en jeu sont évoqués, mais c'était ainsi qu'allait la vie pour les gens aisés à Dubstown. Un soir je demandai à Ugajin ce qu'il pensait de ce monde. Il me répondit que tout ceci le dégoûtait. Pour lui, sa mère avait un pouvoir que jamais personne n'égalerait, elle avait transformé l'art en magie, l'humain en Créateur. Il ne voyait pas comment quelqu'un d'autre pouvait réussir à tenir un navire si grand si ce n'est elle. Je lui demandai s'il était jaloux, mais il me répliqua que non, qu'il était même heureux de savoir qu'il n'aurait jamais à faire autre chose que d'inventer. Il imaginait son futur comme une suite de conceptions qui n'arrêteraient pas avant sa mort. Il ne voulait rien faire d'autre. Je respectais son choix, et j'étais contente de me dire qu'il avait la chance de pouvoir se satisfaire de ça.
Après un long mois d'apprentissage, Luna et Lisa vinrent me rendre visite. Luna me sauta dans les bras tant elle était ravie. Lisa-Marie me regarda intensément avant de me lancer : « Tu changes si vite, on ne retrouve vraiment plus la même femme à chaque fois que je te revois. » Qui me fit sourire. J'ai alors pensé dans un coin de ma tête que mon aura devait être beaucoup plus rayonnante qu'à mes débuts dans le monde de l'art. C'était satisfaisant. Je leur effectuai une visite de la villa de Ikumi et jouai longtemps avec Luna. Elles étaient heureuses donc je l'étais aussi. À la fin de la journée, elles allaient devoir partir. J'avais prévu un cadeau pour Luna. J'avais demandé l'avis d'Ikumi, elle ne me le déconseilla pas.
« Tiens, c'est pour toi.
— M-Mais, c'est...
— Alors ouais, j'aime pas trop les chaînes, donc pour te l'attacher j'ai exigé une nanocorde produite par le grand Narcisse, ça évitera de frotter sur ta peau.
— Non, mais, le pendentif...
— Oui, c'est ma corne d'or, ne t'en fais pas, je n'en ai plus besoin maintenant. »
Luna était touchée, elle enfila le collier et me prit dans ses bras. Je me tournai vers Lisa et avant que je ne puisse dire quoi que ce soit elle me prit le visage et m'embrassa. Nos lèvres restèrent longuement l'une contre l'autre. Puis je rouvris les yeux et elle me lança : « Moi aussi, je voulais un cadeau. » Et je lui répondis par un « je t'aime. » Chuchoté à l'oreille. Elle me regarda en me jugeant de ses iris et me demanda si j'avais honte d'elle, alors je me suis mise à ricaner et rugis : « Je suis éprise de toi, Lisa-Marie ! » et l'on put entendre Ugajin me hurler de me taire. Cela provoqua un rire général.
« Tu prendras soin de Luna, hein, je te fais confiance.
— Je te tiens au courant par message, parce que MOI j'en envoie, hein !
— Tu sais que j'ai du mal...
— Ne t'inquiète pas, c'est important pour toi, et puis j'ai parlé un peu avec Ikumi et apparemment dès que la situation du Roi sera en place tu seras libre, pas vrai ?
— Oui, c'est ça.
— On t'attendra avec Luna.
— Merci. »
Après ces mots Lisa-Marie et Luna s'en allèrent dans un dernier adieu.
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Odeur de clope
Genel KurguJe n'ai jamais cessé d'être celle que vous attendiez que je sois. C'était ma seule condition pour accepter de me croire exister. Voilà comment se dépeint Mikaël, jeune fille d'un milieu aisé qui rêve d'art et de passion mais délaisse rapidement le c...