La route vers le bonheur est étrange, elle n'est pas composée d'un chemin défini, mais d'une vaste plaine jonchée de fleurs rayonnantes et de sombres tombes. Chacun est lancé dans cette plaine, à chercher où se trouve le début, où se trouve la fin, tournant entre eux comme dans une valse de minuit. Ma vie m'ennuie. Le sens des mots est tout ce qu'il me restera au bout de ce chemin. Quand les violons annonceront la fin, dans une mélodie vibratoire. Mais à peine je voudrais poser le point, que les violons recommenceront. Et après quelques pas s'éteindront. À nouveau.
La lune est morne ce soir, et cela fait quelques semaines que lui et moi discutons. Je montre toujours autant d'amour à ma coquette princesse rubis. J'écris plus, l'inspiration me revient petit à petit, détail qui redonna le sourire à Oliver. Sinclair avait pu se présenter à une petite soirée organisée dans l'appartement de Laureline et Nathanaël, avec Timer, Mélodie, Laureline et moi-même. Nathan' et Kumo n'avaient apparemment pas pu se libérer. Sinclair allait d'ailleurs partir de Dubstown bientôt pour rejoindre Charlatown, nous disant qu'il y marquerait le monde du roman-photo et de la musique, deux objectifs bien précis dignes de mon meilleur ami. Sa petite fille allait naître ailleurs qu'à Dubstown, elle n'allait pas connaître la sensation de faire partie d'un monde bien trop étrange pour que l'on ne le décrive.
Dubstown était une ville tentaculaire, parfois effrayante, parfois lumineuse, parfois horrible, parfois magnifique. Beaucoup des politiciens de la ville s'amusaient à parler de Dubstown comme « Le Panthéon des Dieux des Arts ». Sinclair lui-même disait : « Dubstown pourrait être totalement résumée en un tableau, comme la totalité des tableaux du monde pourrait être résumée en Dubstown. Il y a dans cette ville, une énergie mystique qui pousse les gens à ouvrir leur esprit, à être sensible à l'esthétique sous toutes ses formes. Il reste à savoir si ce n'est pas à force de croire en cette légende que les gens ont rendu ce souhait réel. » Et j'étais totalement d'accord avec lui. Dubstown, je ne sais si c'est ma rencontre avec Nathanaël où tout simplement le temps qui m'a rendue si amoureuse de cette ville. J'y ai vécu des choses qui me feront saigner à vie, j'y ai aussi des souvenirs que je chérirais toute ma vie. Cette ville, à la foi Eden et Styx, les gens y plongent, bravant les pires absurdités pour obtenir le bonheur. Cette grande plaine, où l'on y danse la valse de minuit. Dubstown fut Mélodie, Sinclair, Timer, ma mère, Oliver, mes potes de guilde sur The Scolls of Elders. Dubstown fut aussi Laureline, Kumo, mon père, ma sœur, Lisa-Marie. Dubstown fut Nathanaël.
Nathanaël, lui, était plutôt l'inverse. C'était lui Dubstown. Il n'y avait pas meilleur personnage pour représenter cette ville. Beau malgré de nombreux défauts physiques, cicatrisé, malade, mais d'une élégance sauvage malgré l'urbanisation de son regard, de ses mouvements. Sombre et pourtant si rayonnant quand il fait bon, d'une pureté enivrante malgré ses ruelles malsaines. Il était la ville de bien des manières. Il était les passants, les habitants, les gens plus généralement. Pressé, avachi sur le canapé, plein de drogue, combattant l'addiction. Il était les écoles primaires, les adultes désireux d'éduquer les enfants, et les enfants, eux, cherchant à s'amuser tout simplement. Il était mon cursus scolaire, semé d'embuche, mais passionnant. Il était ce professeur bienveillant, et cette mégère qui ne pensait qu'à me contredire. Voire pire, cette élève bizarre qui se prenait pour un vampire. Il était le groupe de fumeuses que j'avais quand j'étais plus jeune. Il était tout, et sans rien cacher. Il avait tellement d'aspects. Je n'avais jamais connu un tel spécimen, et je n'en ai jamais rencontré d'autres après. Nathanaël Hawksworth était mon pire cauchemar, mais aussi mon rêve le plus doux. J'aurais adoré ne pas le rencontrer, mais je chéris chaque pensée de lui que j'ai gardée.
Comment un tel être pouvait-il exister ? Comment était-il possible pour moi de le côtoyer ? J'allais de mieux en mieux dans ma vie, mais inconsciemment, mon état se dégradait. Car je n'avais plus aucun bonheur personnel, ma vie ne se contentait que son approbation à lui, Nathanaël. Veste kaki, cheveux noirs, canines blanches, yeux rouges, iris nuit.
Le lecteur s'est peut-être demandé quand j'avouerai complètement que je suis tombée amoureuse de lui. C'est normal, cela se passait après ces quelques semaines d'entre-découvertes. Mais je me permettrais d'attendre encore un peu, j'aimerais d'abord parler de cette soirée avec Mélodie, Sinclair et les deux autres.
Ce soir-là Mélodie me montra le premier signe de tout ce qui allait m'arriver. Je venais de lui proposer d'aller passer la soirée avec Sinclair, Laureline et Timer. Elle me disait qu'elle répondait qu'elle n'avait pas forcément envie d'y aller, chose surprenante chez elle. Elle était couchée dans le lit, sous la lueur des néons mauves, je m'approchais d'elle, mais elle faisait mine de ne pas me voir. Alors que mes pas m'emmenaient jusqu'à elle, mon cœur accélérait dans un dramatisme étrange, comme si je sentais quelque chose de dangereux pour ma survie. En arrivant à son niveau je lui fis signe de me regarder avant de lui demande : « Qu'est-ce qu'il se passe mon ange ? », elle me regarda et me demanda si je la trouvais laide. Je me suis alors mise à rire avant de lui dire que je la trouvais magnifique. Elle me demanda, toujours d'un visage triste, si je l'aimais réellement. Je lui répondis : « Comment ne pourrais-je pas t'aimer autrement ? » ce à quoi elle rétorqua : « Je voudrais, s'il te plaît, une réponse et non une question. » Et j'étais subjuguée par cette colère qui sembla vibrer un instant dans le fond de ses yeux saphir. Le vert des miens s'était assombri depuis quelques jours. Je devenais un être de ténèbres.
J'ai alors souri. Et j'ai menti.
Elle a souri, elle aussi. Elle m'a dit qu'elle aussi.
Je lui ai demandé si cela faisait longtemps qu'elle voulait une réponse.
Elle me répondit qu'elle s'en doutait depuis le début, mais qu'elle avait besoin de savoir.
J'ai alors demandé si l'on pouvait continuer ainsi.
Elle me répondit que vu que rien ne changeait dans la situation, il n'y avait pas de soucis.
Mon cœur se brisait en milliards de morceaux, mais je gardais le sourire.
Elle se sentait soulagée. Nous étions toutes les deux naïves sans vraiment comprendre l'autre.
Enfin, moi j'avais compris. Mais pas Mélodie.
Pourquoi ai-je menti ? Parce que le fait qu'elle puisse poser cette question prouvait qu'elle souffrait. Je préférerais prendre le risque de souffrir maintenant, plutôt qu'elle ne souffre plus tard en lisant mes écrits. Mon pari avait réussi, mais c'était horrible.
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Odeur de clope
General FictionJe n'ai jamais cessé d'être celle que vous attendiez que je sois. C'était ma seule condition pour accepter de me croire exister. Voilà comment se dépeint Mikaël, jeune fille d'un milieu aisé qui rêve d'art et de passion mais délaisse rapidement le c...