Vert Kaki

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Je me sentais ridicule d'être ma dernière à savoir que Sinclair avait Instagram. Mais à vrai dire, il l'avait seulement depuis un ou deux mois, ce qui à son échelle n'est quasiment rien. Après avoir commencé à follow son compte, nous avons repris notre enquête. Je n'avais pas son nom donc impossible de le taper sur la barre de recherche en espérant tomber sur lui, mais par contre j'avais les comptes des autres étant donné qu'ils étaient identifiés sur les photos. Le premier compte que nous avons fouillé était celui de Kumo, mais il ne suivait que le compte de LG2D ainsi que celui de Laureline, Timer, et deux autres personnes que je ne connaissais pas. À part ces cinq comptes-là, il ne suivait personne d'autre et ses followers étaient composés de tellement de fans que ça aurait été une perte de temps de fouiller. Le compte de Kumo, soit dit en passant, était extrêmement cryptique et, d'une certaine manière, dangereux. Sans tarder nous sommes allés sur celui de Timer, mais tout comme Kumo, rien d'intéressant, bien que son compte à lui soit vraiment moins sombre que notre précédent suspect et beaucoup plus « hip-hop ». Le dernier était celui de Laureline, comme je m'y attendais. Très axé « modèle photo », on y voit aussi des photos de repas entre amis, des photos de panoramas et c'est à ce moment que Sinclair émit un son. Il glissa son doigt sur le téléphone avant d'agrandir l'image grâce à son pouce et son majeur en disant : « Regarde ici. » Et effectivement on y voyait Anna. Il était flou et dans un coin, discret. Et nous nous sommes alors rendu compte qu'il apparaissait sur toutes les photos de panorama, et toujours floues. Mais ce sont trois photos qui interpellèrent notre enquête. Trois photos où il faisait un signe différent. Sur la plus récente, il faisait les cornes du diable, le pouce relevé. Sur la seconde il avait le bras droit plié et l'index pointant vers le ciel. Et sur la dernière, la plus ancienne, il est extrêmement flou, mais on a l'impression qui fait les cornes du diable contre son front, le pouce plié. C'est à ce moment-là que Sinclair, dans toute sa blondeur ordonna : « 312 ! 312 c'est sûr ! » avant de me regarder avec les yeux grands ouverts.

« Attends, commençais-je. Si on suit l'ordre des photos, ce serait 213 normalement. Et puis ce serait dans l'optique que ces signes ont vraiment ce but-là.

— Mikaël, je t'assure que c'est ça. J'ai entendu un garçon parler de ça il n'y a pas longtemps. Un artiste de rue qui s'appelle 312 et qui laisse énormément de messages codés dans ses œuvres.

— Attends, t'es sérieux ? T'as entendu ça où ?

— C'est Éva qui discutait avec la petite protégée d'Ikumi, Medrawt, tu te souviens de nos conversations à son sujet ?

— La petite brune anglaise ?

— Exactement, Medrawt adore les jeux de pistes, de ce fait elle ne put s'empêcher d'enquêter sur ce fameux 312. Il s'est avéré qu'il accepta de lui parler via Internet.

— Laisse-moi deviner, souriais-je, Medrawt, grande informaticienne qu'elle est, a piraté la caméra de 312 pour voir son visage ?

— Elle est certes spécialisée dans l'informatique, mais elle n'est pas allée jusque là, haha ! Mais elle discutât longuement avec lui et si je me souviens bien, il avait un petit avatar sur leur fenêtre de chat et c'était une veste vert kaki.

— Comme la...

— Oui ! Comme la parka de ton ami !

— T'es incroyable Sinclair ! Tu connais vraiment tout le monde et t'as vraiment des infos sur tout !

— Mais ça ne nous avance pas pour autant, il faudrait que je demande des informations à Éva en rentrant. Mais au moins tu peux toujours regarder le Instagram de 312, il y a de grandes chances que ce soit lui, et s'il voit que tu le follow, ça pourrait peut-être le faire réagir !

— Je t'aime, t'es le meilleur ! »

J'étais époustouflée par le génial Sinclair, c'était un surhomme. Il était la personnification du Deus Ex Machina. Grâce à lui j'avais une piste, il y avait de fortes chances que si je découvre l'identité de 312, je découvre par la même occasion l'identité de ce fameux Anna. Il me tardait de comprendre qui il était.

Suite à ce passionnant rendez-vous, je me suis empressée de rentrer à l'appartement pour rejoindre ma belle et tendre. Dans les transports se trouvaient toutes sortes de personnes, cela me fascinait à chaque fois. Tous ces visages sont différents, tous ces visages ont leurs particularités, dans le métro, dans le tramway, j'ai beau regarder chaque visage en détail, m'en souvenir, je ne revois jamais le même visage sur un même corps. Parfois, cela me faisait penser que le visage était l'équivalent de toute notre personne. Que chaque particularité de notre visage est un trait de personnalité. Que tels yeux veuillent dire telle chose, je pense que mes lecteurs comprendront le principe. Cela simplifierait grandement les choses si cette théorie s'avérait juste. Alors des jumeaux seraient quasiment les mêmes ? Chaque jumeau à une spécificité, et si cela se trouve, chaque jumeau a aussi une spécificité physique qui n'est pas forcément visible au premier regard et qui explique sa différence avec sa sœur ou son frère. Dans ce cas-là, se rapprocher des gens qui nous ressemblent physiquement serait une manière de trouver l'âme sœur à coup sûr. Après tout ne dit-on pas : « qui se ressemble s'assemble. » ?

Je pourrais flâner pendant des heures à regarder ces milliers de visages, à théoriser dessus, mais au bout d'une trentaine de minutes, j'étais arrivée. En sortant du tramway, je pus voir Mélodie qui sortait en même temps que moi, pourtant je ne l'avais pas vu dans les transports, j'ai pourtant observé chaque visage. Où pouvait-elle se trouver ?

Je lui ai sauté dessus avant de l'embrasser et de lui poser la question. Elle me répondit qu'elle était sûrement dos à moi, et qu'elle avait mis sa capuche. Et effectivement, c'était une nouvelle veste qu'elle avait, je n'aurais pas pu deviner que c'était elle, je l'embrassai à nouveau et la complimenta. Elle avait toujours autant de goût pour les vêtements.

En rentrant, je sentis la fatigue me mettre un coup derrière la nuque. J'eus alors un flash de ma soirée de la veille et un sentiment de malaise me prit d'un coup, la culpabilité revenait, elle et ses gigantesques tentacules. Cependant, la douceur de ma rousse était plus forte que tout ça. Sa voix m'était agréable, et elle le fut encore plus quand elle se proposa à faire à manger pour ce soir. Mais avant ça, elle ouvrit deux bières et vint me rejoindre près de la fenêtre où je venais d'allumer une clope. Elle se collait contre moi avec amour, elle était si aimante chaque jour que j'avais l'impression que tout n'était que mascarade parfois. Elle m'embrassa et me dit : « Ce soir, ne t'envole pas s'il te plaît, quand tu pars la nuit je me retrouve à faire des cauchemars. ». Je l'ai alors regardé et je me sentais m'éloigner, je me sentais m'envoler, loin, à des années-lumière. J'étais si loin, si loin de son amour. Elle était légendaire, et sans le savoir, de par ces mots, elle venait de lancer une incantation libérant toute sa force d'âme, m'écrasant comme un vulgaire insecte face à sa magnificence.

Je ne la méritais pas. Pas du tout.

Odeur de clopeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant