Alors que j'étais entre gueule de bois et panique, un frisson de courage me parcourut. Qui que ce soit, je préférais attaquer la première que de mourir. Le dernier cri de désespoir. Je me levai d'un coup et marcha à grands pas jusqu'à ma porte qui donnait sur le hall d'entrée. Pendant que j'avançais, j'entendis quelqu'un hoqueter. Mon cœur se serra, mais je continuai ma course avant que la porte ne s'ouvre d'un coup et me fasse bondir comme si j'avais vu la mort. Tombant sur le sol, je crus voir ma sœur dans un dernier regard.
En me réveillant, j'étais dans mon lit. J'entendais du bruit dans le salon, mais cette fois-ci c'était des voix, des voix familières. Je me levai en regardant l'heure. Il était seize heures. Je sortis de ma chambre en pyjama et pu voir Laureline et Nathan en pleine forme en train de regarder la télé. Nath' en me voyant me lança un regard étrange avant de me demander si ça allait.
« Oui, je vais bien, répondis-je. Que s'est-il passé ?
— Mon ex est venue me voir, mais je n'étais pas là, elle m'a dit qu'elle a entendu du bruit dans la chambre et pensait que c'était mon autre ex. Et quand elle a ouvert la porte, tu t'es évanouie.
— Pardon ?
— Je confirme, lança Laureline. Elle a pris soin de te mettre dans ton lit, pleine de panique. Puis au moment de s'enfuir, elle tomba sur nous qui venions de rentrer.
— Ma fameuse autre ex, précisa Nath' en pointant Laureline du doigt sans quitter la télévision.
— Donc, commençais-je. C'était qui cette folle ? Il y a des chances qu'elle revienne ou tu comptes changer la serrure ? »
Suite à ça Nathanaël souffla et alla changer la serrure. Le matériel était déjà là, il avait déjà pensé à le faire, mais avait eu la flemme de l'installer. Laureline se mit à rire avant de me demander de m'asseoir à côté d'elle. Une fois assise, elle me prit dans ses bras et plaça ma tête contre son torse avant de s'excuser pour m'avoir laissée seule hier soir. Elle me disait qu'elle savait pour mes sentiments envers Nathanaël et qu'elle comprenait que je pouvais le prendre mal qu'il préférait parfois rester avec elle. Je lui disais qu'elle se leurrait que ce n'était rien de tout ça. Elle décida alors de me prendre par les joues et de mettre mon visage en face du sien. Puis, elle me dit : « La vie nous offre ce que nous voulons vraiment, où que tu ailles, tu obtiendras ce qui te revient de droit. Mais la vie ne fait pas de cadeaux, et ce que tu ne désires pas avec ton cœur, tu ne l'obtiendras pas. À toi de vouloir. Personne ne pourra faire opposition à ce que ton âme génère. ». Elle me faisait souvent penser à Nath' dans sa manière de voir le monde, mais c'était si peu convaincant quand cela sortait de sa bouche à elle.
Nathanaël avait fini et avait envie de faire de la musique, il vint alors nous interdire de toquer à sa chambre ou d'y pénétrer si ce n'est pas avec l'envie d'enregistrer quelque chose. Ce à quoi Laureline répondit qu'il pourrait être amusant de faire un son tous ensemble. Angoisse et stress. Nathanaël me jugea du regard avant de dire : « Laureline, tu remplaces Kvmo à l'instru, Mika' s'occupe de l'écriture, je m'occupe de crier dans le micro. Let's go. ».
Une fois dans le studio, Nath' me tendit son ordinateur portable pour que je puisse écrire en étant dans son lit. Laureline avait le sien et branchait son casque pour s'occuper de l'instrumentale, Nathanaël était en train de rouler un joint. Il tourna son regard vers moi et avec un sourire me lança : « C'est la partie cool, tant qu'on n'a pas un morceau de l'instru' on n'a rien à faire. On va fumer pépouze. », cela me fit rire. Laureline retira son casque et nous lança un regard noir avant de dire « Cherchez des prod' un peu cyberpunk, ça vous donnera une idée de départ pour le texte. » En se retenant de rire. Nathanaël fit les gros yeux avant de mimer un suicide par balle en disant : « Aaaah on peut pô fumer ! », il faisait le clown pour me détendre, ça me donnait le sourire.
D'ailleurs, c'était la première fois que je pénétrais dans sa chambre. Une grande chambre bleue, couverte de dessins et de peintures n'ayant aucun rapport les uns aux autres. Du matériel vidéo, du matériel audio, divers instruments dont certains plutôt exotiques, énormément de tas de feuilles gribouillées, des clopes un peu partout, du linge sale. On sentait qu'il travaillait énormément dans sa chambre, malgré le désordre, tout était soigneusement entretenu comme s'il faisait le ménage tous les jours.
Au lycée on disait souvent que la chambre révèle la moitié d'une personne, les yeux font le reste. Nathanaël avait une chambre qui faisait penser à énormément de genre de personnes. On ne pouvait mettre une image fixe, comme si tout était en perpétuel mouvement. Ses yeux aussi. Ils exprimaient tellement de choses différentes. Et toujours avec une facilité énorme, son regard était expressif, bien plus expressif que le commun des mortels. Tout son visage l'était, mais ses yeux, eux, récitaient des discours clairs et développés. Il n'avait pas besoin de mots. C'était superficiel pour lui. C'était sûrement pour cela qu'il était si aisé avec. Les mots, pour lui, n'avaient qu'un but, celui de le divertir. Il les aimait pour ce qu'ils étaient, rien de plus. En aucun cas il ne pouvait tomber dans une situation où l'usage des mots était nécessaire. La surdité d'un interlocuteur ne le gênait pas. On ne pouvait lui couper la parole, si ce n'est en lui jetant une poignée de sable au visage.
Son regard à ce moment-là d'ailleurs, m'indiquait que nous allions commencer à travailler, tout en me tendant le joint qu'il venait d'allumer. Il lança une instru' avec son portable et je me mis à réfléchir. Cela me faisait bizarre de travailler en collaboration avec lui, même si ce n'était qu'un jeu pour lui, je voyais bien que ça lui faisait plaisir. Et c'était ça qui me touchait vraiment. Je crois bien que je l'aimais, que je l'aimais à en mourir. Mais lui n'avait pas l'air aussi motivé que moi. Il me semblait encore distant, sentimentalement parlant, et très lunatique par-dessus ça. Il m'était impossible de prédire comment allait se passer une conversation avec lui. Parfois il ne me parlait que depuis son regard. Parfois il me parlait à la manière d'un poète. Parfois il me parlait froidement. Sans que j'eusse trouvé de lien logique entre le déroulement de nos journées et ces changements d'interactions.
Nous allions travailler jusqu'à la tombée de la nuit, ça me faisait du bien d'être avec eux, ça me faisait du bien d'être avec lui.
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Odeur de clope
General FictionJe n'ai jamais cessé d'être celle que vous attendiez que je sois. C'était ma seule condition pour accepter de me croire exister. Voilà comment se dépeint Mikaël, jeune fille d'un milieu aisé qui rêve d'art et de passion mais délaisse rapidement le c...