Aube

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 Trois mois plus tard.

Syzof Kole, le nouveau rappeur qui était au top des scores me faisait bouger comme si chacun de mes muscles rebondissait sur les percussions. Un nuage de fumée teinté de rouge par les projecteurs emplissait la boîte. Je sortais d'une longue nuit de deux mois suivie d'une aube d'un mois avant de pouvoir enfin vivre à nouveau. Mon joint à la main je regardais une fille qui me regardait aussi. Je voulais finir la soirée avec cette fille, elle le voulait aussi. Mes jambes me conduisaient vers elle sans problème, comme si la foule attendait que je la rejoigne pour reprendre de la place. Elle portait un masque noir avec des bandes lumineuses mauves. Son haut n'était qu'un gilet aux airs tactiques ne descendant pas en dessous de ses cotes. Elle avait l'air sauvage. Sur son cou « sad bitch ». On dansait et mes bras tournaient autour de son cou comme l'ouroboros. Ses mains soufflaient de l'air autour de mon abdomen et du bas de mon dos. On était synchrones et fluides, on était deux dragons d'eau. Mais une seule de nous deux était le serpent, l'autre était une pauvre souris. Crocs dans le cou et main au cul, j'vois ses dessous et prends le dessus, elle retire le masque et me déçois.

Je n'ai jamais été difficile à ce niveau-là, et j'étais déjà face à elle dans son lit. C'est son corps sous ma constriction, c'est son corps que je dévore. Elle ne peut rien faire, je ne connais ni son nom ni son histoire et je m'en fiche. Je me nourris d'elle, je prends tout ce qu'elle possède, larmes, souvenirs, gémissements, ses yeux vides de sens. Sa chambre ne m'inspirait rien, elle non plus.

Lorsque le soleil se leva, je n'étais plus là.

Je rentre chez-moi, complètement saoul, sans un bruit pour ne pas réveiller mes parents et rejoins Morphée encore habillé.

Le lendemain je fus réveillée à quinze heures par ma mère qui vint ouvrir les volets.

« Ah ! Bordel, il se passe quoi ? demandais-je agressivement.

— Tu as rendez-vous à seize heures avec M.Petrovitch, tu vas arriver en retard, répondit ma mère d'une voix douce dissimulant son agacement.

— Mam', c'est Oliver qui vient me chercher à seize, pas moi.

— Et tu comptes te présenter à l'ami de ton père dans cet état ? Que va-t-il penser après ?

— Mais ! C'est mon pote aussi, je le connais, il me connaît, c'est bon !

— Va prendre ta douche, je te prépare ton petit déjeuner. »

Après ces mots elle partit. Je soufflai un grand coup, regarda mon plafond, hésita quelques instants, puis je partis rejoindre la salle de bain. Cela faisait un mois que les rasoirs et ciseaux de mon père étaient rangés dans une boîte fermée sous clé. De plus, on ne pouvait plus verrouiller la salle de bain. Je rentrai dans la baignoire, tira le rideau de douche, et fit couler l'eau qui était glacée. Je me crispai plusieurs instants et laissa mon corps s'habituer à la température pour me réveiller. J'étais tellement desséchée de la veille que toutes sensations au niveau de mon visage étaient désagréables. Je me frottai, tout le corps machinalement sans toucher à mes avant-bras. Me rinça, m'habilla, avant de rejoindre la cuisine.

« Et bien, j'allais finir par croire que tu n'étais pas rentré ! tenta mon père en riant, pour me faire sourire.

— Au final j'ai réussi à retrouver le chemin de la maison. Dis-je avec un faux sourire.

— Haha ! La prochaine fois utilise ton géoloc' !

— Ah ! Avec l'alcool on ne pense pas à tout.

— Tu bois quoi, toi d'ailleurs ?

— Hein ?

— Roh, je suis ton père, je te connais Mikaël.

— Bah, euh... whisky, vodka, bière ? Je dirais que c'est ma Sainte Trinité.

Mon père me lança un regard de surprise avant d'éclater de rire.

— Attention, me dit-il avec un sourire jusqu'aux oreilles. Après un blasphème il faut toujours demander pardon. »

Il était vraiment heureux de pouvoir parler avec moi. Je pensais que tout ce qu'il s'était passé lui avait fait comprendre que j'étais devenu un adulte, avec mes propres valeurs et mes propres volontés. Il avait beaucoup vieilli en très peu de temps, mais semblait recouvrer de sa force depuis quelques jours, il était plus énergique, plus souriants. Ma mère était aussi très sympathique avec moi, mais semblait m'en vouloir et souvent son regard avait l'air de dissimuler de la rancœur. Je ne savais quoi penser de ça, mais je fis vite abstraction de ce détail. Après avoir discuté avec mon père, je pris mon y-brush et rejoignis mon dressing pour choisir ma tenue. J'optais pour quelque chose de sobre, simple. Je ne prenais plus vraiment de temps pour m'habiller, sauf pour aller dans le son.

Seize heure sonna, Oliver aussi, mon père lui ouvrit la porte et lui serra la main avec un grand sourire. Oliver était surpris de voir mon père dans cet état et cela lui donna le sourire aussi. Je vins le rejoindre et nous partîmes pour aller au Coin de Page. Sur la route Oliver me demanda comment ça allait, il s'inquiétait énormément pour mon état depuis que Sinclair, LG2D et Lisa-Marie avaient disparu. Depuis les évènements de la forêt, plus personne n'avait entendu parler d'eux et de moi-même je ne pouvais contacter Nise pour savoir ce qu'il s'était passé. Je n'avais pas non plus le courage d'aller dans la forêt pour chercher des indices. Oliver me disait à chaque fois qu'il n'avait aucune idée d'où ils pourraient être même si je savais que dans le fond, il était persuadé que tous avaient été tués par Nise ou l'androïde. Florian, qui a été le premier avec qui j'en ai parlé m'avait dit qu'il était impossible que Nath' soit mort. Pourtant LG2D avait disparu d'Instagram, et les comptes personnels de chaque membre étaient restés inactifs. Pour Florian, la raison pour laquelle tout le monde avait disparu était forcément liée avec le fait que Nathanaël avait promis de quitter Dubstown après cette histoire.

Il m'arrivait pourtant de sentir son odeur lorsque je trainais dehors.

Odeur de clopeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant