Odeur de clope

Champs Son

 Pour la première fois de sa vie, Sinclair avait décidé de prendre des vacances. Il avait loué un manoir disposant d'un gigantesque terrain forestier. Les bénéfices engendrés par ses derniers travaux lui avaient permis de se mettre au repos pendant un an ou deux. Il nous avait tous invités. LG2D, Belle, Remy son copain et moi. Éva et son enfant étaient partis pour l'Allemagne, pour rendre visite à de la famille. Nous allions être tous ensemble, j'étais folle de joie. Le manoir en question se trouvait dans la zone agricole de Dubstown, au sud. Ça ne paraissait pas si loin et pourtant la zone agricole n'avait rien en commun avec le reste de la ville. Tout avait été mis en place pour préserver un espace d'apparence presque sauvage, de ce fait, toutes les installations autour étaient faites de manière à ne pas perturber la grande forêt de Dubstown au centre. Il existait quelques exceptions aux prix gigantesques, le manoir en faisait partie. Il permettait d'être au cœur de la forêt tout en étant en sécurité et dans un confort optimal. Le manoir était en fait recouvert d'un dôme fabriqué dans un matériau spécial. Celui-ci permettait aux odeurs de passer, au vent, aux bruits, mais qui n'était transparent que de l'intérieur, ressemblant à un énorme rocher de l'extérieur. La semaine était tellement chère qu'il n'y avait pas de caution, on pouvait tout casser si on le voulait. C'était incroyable la vie d'artiste. Je rêvais d'un jour où je serais à sa place, Sinclair avait vraiment tout réussi.

Une fois arrivés au manoir, nous avons rencontré le majordome Monsieur Zutolafetenem un homme plutôt âgé et petit et au regard quelque peu vicieux, mais au sourire rassurant. On aurait dit un grand-père espiègle, c'est ce que je pensais au début. Lorsqu'il se présenta, kvmx signifia son accord. Nous avons eu le droit à une visite guidée du manoir qui semblait être fait dans un bois très ancien, mais très bien conservé. Il y avait assez de chambres pour tout le monde et chaque chambre avait été aménagée selon les directives de Sinclair. Le salon était une pièce gigantesque et très clichée, la cheminée au centre, les fauteuils et canapés autour. Un peu de mobilier et des bibliothèques. Au sous-sol nous avions une salle de jeux et une salle de sport équipée d'un spa, j'avais l'impression de revoir ma maison dans les Sims. Au rez-de-chaussée il y avait aussi une salle à manger et une cuisine dont le chef était une IA. Après la révolution informatique de 2134, très peu de gens possédaient des androïdes. Florian m'avait expliqué que la principale raison à cela était que lorsque l'être-humain débloqua cette possibilité. De programmer une machine entièrement par des paroles qu'on utiliserait dans la vie de tous les jours, il aurait dû s'attendre à une crise d'une telle envergure. Dubstown avait banni tout usage de technologies ne rentrant pas dans la norme M-0-D, de ce fait je n'avais pu voir les progrès technologiques de l'humanité qu'à travers des vidéos. Zulum, la grande multinationale à qui appartenait le manoir n'avait que faire des règles de Dubstown, après tout, Zulum était le principal financement de Dubstown depuis la mort de M.Wa. J'étais curieuse de voir à quoi ressemblait le chef mécanique qui allait nous préparer nos plats. La demeure était accueillante, mais c'est surtout le jardin qui était magnifique, la vitre était d'une transparence telle que nous avions l'impression que rien ne nous séparait de la forêt. Si ce n'était la petite clôture en bois qui nous arrivait au bassin et qui délimitait le jardin de la surface de protection. Nous pouvions y voir les animaux qui regardaient le rocher avec curiosité, sentant que quelque chose se trouvait à l'intérieur, c'était un endroit magique, au même niveau que l'était Sinclair. Nous avions alors passé l'après-midi à contempler le manoir et la forêt qui nous entourait. C'était d'un calme reposant.

Le soir même nous avions décidé de faire une soirée, le chef androïde nous avait fait des pizzas d'une qualité incroyable. Mais le majordome me refusa avec regret ce droit, prétextant que seul le robot était autorisé à pénétrer dans la cuisine, c'était une question d'hygiène. Bien qu'ayant accepté l'interdiction pour le moment, je comptais bien trouver un moyen de rencontrer mon premier androïde. Suite au repas, nous avons rejoint le jardin, ce grand rectangle vert avait été aménagé d'une grande table, ainsi que de nombreuses chaises et chaises longues. Le centre du jardin avait révélé une piscine creusée et chauffée sous le gazon. Vivre dans le luxe n'était pas une option de mon quotidien, je comptais bien profiter de tout ça.

Belle n'était malheureusement pas aussi présente que je l'aurais voulu, Remy lui prenait tout son temps. Remy d'ailleurs était un jeune asiatique dont le père était propriétaire d'une compagnie de voyage. Il avait rencontré Belle lors du tournage d'une pub étant donné qu'il était influenceur aussi. Il était vrai qu'il avait un physique élégant, et qu'il était plutôt « drôle », mais je ne l'aimais pas vraiment. On aurait pu penser que c'était dû au fait qu'il me volait ma sœur, mais ce n'était pas vraiment ça. Remy était niais, ignorant, il était faussement cultivé et aimait faire des remarques niaises pour amadouer Belle. Je me demandais comment une fille aussi intelligente qu'elle avait pu préférer cet avorton à Nathanaël. Qu'avait-il de plus que Nathanaël n'avait pas ? Avec le temps maintenant je peux le dire, il avait l'argent, la stabilité, il éprouvait du respect pour le genre humain et il faisait des choix qui ne le mettaient pas dans des situations potentiellement mortelles. Belle était assez intelligente pour comprendre que Nath' était un poison dont peu connaissaient l'antidote.

Sinclair inaugura notre première soirée dans le manoir avec un discours chaleureux. Il nous remercia d'être venus et nous demanda en souriant de nous préparer à écouter ce qu'il avait à dire. Le lieu où il nous avait emmené, le fait qu'Éva ne soit pas venue, tout ceci avait une raison plus obscure que nous le pensions et il s'excusa de ne pas nous l'avoir dit plus tôt.

« Décidément, chuchotais-je à Nathanaël, on ne sera jamais à l'abri des péripéties.

— On est nés pour ça, et en plus je sais de quoi il va nous parler. »

Je regardai mon petit-ami avec méfiance, je ne savais pas ce qui allait se passer, mais je sentais que ça n'allait toujours pas me plaire.