Rentrer à la maison

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 J'avais décidé de rendre visite à mes parents pour fêter la validation de ma deuxième année. Ils étaient ravis de me revoir, mon père avait même fait un gâteau. Ma mère prit mes affaires comme lorsque je rentrais de voyage scolaire et même ma sœur était là avec Remy. Elle n'était pas totalement naturelle, mais je sentais que ça lui faisait quand même un peu plaisir de me voir. J'ai dû prendre au moins deux heures pour leur raconter toutes mes aventures au sein de la Galerie, évitant tout de même de leur parler de Nise, surtout que Belle ne l'aurait vraiment pas apprécié. Après cela, ma mère me tendit une lettre qui était parvenue un peu plus tôt dans la journée. C'était un chèque, un très gros chèque même, signé de la main d'Ikumi. Avec ce chèque s'accompagnait une lettre qui me félicitait et me remerciait de travailler autant au sein de la galerie. Le chèque était une récompense pour la validation, mais aussi un salaire pour le concert. Mes parents étaient si surpris qu'ils n'arrivaient pas à parler. Mon père me regarda et me dit d'un air outré : « Donc ça, ça... ça c'est un concert ? Juste un ? », c'était perturbant d'être au cœur de cette situation. Mes parents avaient enfin l'impression que leurs efforts avaient payé, que malgré l'enfant difficile que j'étais, leur première fille était enfin capable de vivre seule sans qu'ils n'aient à s'inquiéter. Ils étaient soulagés. Ma mère était si heureuse qu'elle n'arrivait pas à arrêter de sourire. Je ne pensais pas que ce chèque serait mon salaire habituel lorsque je serais artiste, mais je me disais que la galerie payait énormément bien tout de même. Le monde de l'art, lorsque l'on travaille avec Ikumi, n'est plus le même.

Après les festivités, je montai dans ma chambre pour me coucher, c'était épuisant d'être de bonne humeur. Mais je fus réveillée en plein milieu de la nuit par un bruit de tentacule. En arrivant dans la cuisine, je vis Garden assis sur son tentacule, un verre de whisky à la main, il y en avait un pour moi sur la table.

« Pourquoi tu ne t'es pas assis, mec, y a six chaises !

— Bonsoir, Mikaël, les chaises sont pour les humains.

— Je vois, bonsoir, Garden, que me vaut ta visite ?

— Tu ferais mieux de regarder dehors, devant chez toi. Je traversai le salon et tira le rideau pour regarder en direction de la rue. Je pus voir Luna qui marchait seule dehors, je ne pouvais pas la laisser trainer dehors la nuit ainsi, j'ouvris la porte et l'appela par son prénom. Lorsqu'elle se retourna, elle courut en larme dans ma direction. Je l'attendais sur le palier avant de voir un gigantesque loup de plusieurs mètres juste derrière elle qui la poursuivait. Instinctivement je courus vers elle en tendant la main pour pouvoir la tirer au plus vite. Mon cœur s'accéléra et le loup se mit alors à bondir sur nous. Le temps s'est alors ralenti, j'avais oublié que je rêvais, j'étais terrifiée à l'approche de la mort. Mais une créature sortie des ténèbres vint attraper le loup à la gorge en le chargeant contre une maison. Une sorte de lion écailleux mauve à cornes rouges, une créature terrifiante. J'en profitai pour tirer Luna vers moi et l'emmener, mais un tentacule de Garden attrapa la gamine bleutée et un autre me tira dans l'autre direction. Garden apparut alors sur un de ses nombreux tentacules et me lança : « Vous ne devriez pas séparer la petite du Béhémoth, il pourrait mal le prendre. Le béhémoth vint vers Luna alors que Garden la lâchait et elle monta sur son crâne avant de disparaître. Garden était dans les airs sur un long tentacule, celui qui me tenait m'emmena en haut aussi. La ville sous la nuit semblait avoir été ravagée par d'énormes créatures.

« Qui est-elle ? demandais-je nerveusement.

— Elle ne dirige pas son aberration, c'est son aberration qui la dirige. Autrement dit, elle est dans un délire profond.

— On peut l'aider ?

— J'imagine qu'être son amie n'est pas inutile.

— Mais ça va en attirer d'autres.

— De toute manière, Nathanaël a prévu de revenir, alors que peut-il arriver de pire qui chamboulerait ta vie ?

— T'as raison. »

J'étais bien trop gentille. Mais je ne supportais pas l'idée que cette fille reste seule à cause de son délire constant, je comptais donc la retrouver lorsque je retournerais à la Galerie. Je me disais qu'après tout, si elle se baladait librement dans ces lieux, c'est qu'elle était au moins une élève comme moi.

Le lendemain matin, en me réveillant, je décidai d'aller marcher un peu pour fumer ma cigarette. Les habitudes de la galerie faisaient que je ne me levais jamais après sept heures, de ce fait j'étais la première levée. En me promenant sur l'avenue principale, je crus voir une fille aux cheveux rouges qui semblait perdue. Je vins à sa rencontre et je fus surprise de voir que c'était Luna. Lorsqu'elle m'aperçut, elle se mit à courir. Je rageais intérieurement tandis que je la rattrapais. Une fois à sa portée je l'attrapai par le sac et la stoppa net.

« Qu'est-ce que tu fous ici ?

— Ah ! cria Luna. Lâche-moi où j'appelle la police.

— De quoi tu parles ? rétorquais-je en la lâchant.

— Espèce de pervers pédophile.

— Hein ? T'as vingt-et-une piges !

— Tu n'étais pas obligé de le dire à tout le monde, répondit Luna en rougissant.

— Qu'est-ce que tu fous ici ?

— Les artistes m'ont dit que tu étais partie, Béhémoth m'a dit de te retrouver !

— Tu m'as suivi jusque chez-moi ?

— Béhémoth m'a dit d'aller là où tu me sauverais.

— Qu-quoi ?

— Je m'en souviens !

— Rentre chez toi. »

Elle s'en alla et je pris le chemin inverse pour rentrer chez moi. Je venais de retirer tout ce que j'avais dit à Garden, cette fille me rendait folle. Je ne comprenais rien à son délire, mais je me doutais bien que ça devenait beaucoup plus sérieux qu'une simple histoire d'amis imaginaires. Cette fille me faisait vraiment de la peine, mais elle était effrayante. J'espérais ne pas le recroiser avant de retourner à la galerie.

Odeur de clopeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant