La nuit était tombée et une boîte se trouvait à une vingtaine de minutes en voiture. Laureline m'avait proposé d'y aller pour se changer les idées, de toute manière nous allions devoir attendre jusqu'à ce que l'un des garçons nous réponde ou que la police ne nous laisse passer. Bien que moyennement motivée pour aller danser, j'ai accepté. Je voulais que la douce nymphe puisse se détendre un peu de son côté. Elle avait entrepris ce voyage à cause de moi, elle n'était ni superstitieuse ni inquiète, elle avait une confiance totale en Nathan. Alors nous nous sommes préparées. J'optai pour une tenue semi-transparente, légère, mais à manches longues, je n'étais vraiment pas motivée pour recevoir des contacts physiques. Au contraire, Laureline n'était que très peu vêtue, elle n'aimait pas avoir le torse habillé et se contentait de couvrir sa poitrine. Pour le maquillage aussi nous étions très différentes, moi qui me contentait de deux traits de eye-liner, elle passait du temps devant le miroir. Son image était quelque chose de précieux pour elle, non seulement pour son statut d'artiste, mais aussi pour elle. Laureline ne supporte pas ne pas être au meilleur de sa forme et de son style. Elle estimait que l'image qu'elle renvoyait était ce qu'elle était, elle était adepte du : « Si tu ne veux pas que l'on te voie ainsi, montre que tu es différente. ». Pour elle nos codes vestimentaires, les films que l'on dispose en évidence au pied de la télévision, nos abonnements Instagram, tout ceci étaient ce que nous étions et le nier était hypocrite. Je n'étais pas d'accord avec elle, mais je comprenais parfaitement sa vision des choses et parfois j'aurais aimé la partager.
Une fois devant la boîte, nous avions remarqué à la manière de parler que certaines personnes venaient de Charlatown, j'intervins auprès de Laureline pour signifier que c'était étrange vu que Charlatown était censé être bouclé. Elle me répondit que cela devait être des gens qui habitent autour de la ville. Je haussai les épaules.
Une fois devant le videur de la boîte nous furent très bien accueillies et Laureline souriait à tout le monde et parlait à chaque personne dont elle croisait le regard, elle se mettait à parler fort. Elle aimait attirer l'attention, c'était une chose que je n'avais pas remarquée chez elle auparavant. Mais il fallait dire aussi qu'auparavant nous n'étions jamais toutes les deux seules en boîte. Je me retrouvais face à la vraie Laureline. Était-ce pour ça qu'elle s'éclipsait autant avec Nathan ? Pour être elle-même ? Ça n'enlevait pas mes soupçons sur le fait qu'ils couchaient encore ensemble avant que je ne me mette en couple avec lui, mais j'imagine que ça m'aidait à accepter ce petit détail du passé qui me dérangeait toujours de temps en temps.
Après une bonne demi-heure à danser, nous sommes allées prendre un verre et sommes sorties sur la terrasse de la boîte qui se trouvait au centre. La boîte était un grand carré composé de deux scènes et de deux fumoirs reliés par quatre couloirs et ouverts au milieu par une cour centrale avec une scène à ciel ouvert. De la Dark Synthwave nous passions à du Dubstep.
J'allumai un joint, j'y tirai deux ou trois taffes avant de le passer à Laureline en lui demandant : « C'est quoi la vraie raison de ton nom de scène ?
— Oh, ça t'intéresse vraiment ? me répondit Laureline, étourdie par le joint.
— La façon d'être que tu as ce soir m'a interpellée.
— Ah, t'as vue, tous ces sourires, ces blablas, ces regards langoureux avec les gens. C'est mon aberration à moi.
Ses pupilles trahissaient une X-pill, ce petit bonbon avait le don de faire parler plus que de raison. J'étais surprise d'entendre ça de la bouche de Laureline, elle qui clamait qu'elle n'y croyait pas.
— T'as une aberration, toi aussi ?
— Oh... tu sais, je... je n'ai rien de spécial. Je n'ai pas des super-pouvoirs, j'ne suis pas extraordinaire comme Nath', j'ne suis pas mystérieuse comme Kvmo, juste que... je te vois regarder mes yeux, je suis désolée.
Elle était gênée de ne pas réussir à contrôler les mouvements de ses yeux et de sa mâchoire alors qu'elle était en pleine montée. J'essayais de la rassurer, de lui faire comprendre que je m'en foutais. Quand Nathanaël était là, elle se contentait de danser, de bouger, elle n'était pas du genre à parler en soirée.
— Mika', lança Laureline. Mika' !
— Oui, je suis là, chaton, explique-moi.
— Nathanaël, il m'a trouvée en boîte. J'me faisais frotter par un couple d'étudiants, complètement dé foncé. J'étais genre woaaaah. Et puis genre, j'l'ai vu, et il m'a regardé, et j'sais pas, il était là, il dansait, il était avec Kvmo, ils bougeaient de partout, se collaient aux caissons, s'embrouillaient, riaient. Héhé, ils brillaient dans la boîte. J'voyais qu'eux. Alors quand il est allé au fumoir, j'suis allée le rejoindre. On a parlé. Il s'en foutait carrément de moi.
— C'est Nath' tout craché ça...
— Ouais. Mais, elle prit son temps, car sa mâchoire partait sur le côté, elle souffla. Mais il était tellement brillant, j'ne pouvais pas, j'ne pouvais pas aller vers lui, mais j'le voulais. À la fin de la soirée j'l'ai recroisée et là il me dit : "Ouais, fait after on vient !", moi je colle sur lui, j'dis okay. J'étais avec un pote. Ils viennent, ils invitent deux potes à eux, Madjinn et Des', et ils disent "Appart city night" avant de commencer à faire une énorme soirée dans mon appartement. Puis quelques jours après ils sont revenus, puis encore, et encore, à la fin ils habitaient chez-moi. Alors j'ai demandé à Nath', pourquoi il restait. Il m'a répondu : "T'as une aberration, mais elle est mort-née, ça m'intrigue.", il parlait surtout de mes tendances suicidaires de l'époque. Alors j'lui demande ce que j'étais censée foutre avec ça, il m'a dit : "Rien, je gère.", depuis je n'ai jamais vécue séparée de lui, sauf quand il fait ce genre de missions. »
Je me sentais mal pour elle, elle souriait, divaguait sur sa relation avec Nath', le complimentait, disait qu'il lui manquait, mais qu'elle était heureuse pour nous. Le fait qu'elle parle de l'homme que j'aime ainsi aurait pu m'irriter. Mais c'était Laureline, c'était Loveless. Elle n'avait pas du tout répondu à la question, mais je ne lui en voulais pas, car c'était Laureline, c'était Loveless. Elle me proposa une X-Pill, j'ai accepté et nous sommes parties dans la musique.
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Odeur de clope
General FictionJe n'ai jamais cessé d'être celle que vous attendiez que je sois. C'était ma seule condition pour accepter de me croire exister. Voilà comment se dépeint Mikaël, jeune fille d'un milieu aisé qui rêve d'art et de passion mais délaisse rapidement le c...