Le Major d'Homme

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 Il n'existait pas de réveil plus difficile que celui après une soirée avec un budget d'alcool illimité. Je fus réveillée sous les coups de treize heures par Nathanaël qui avait la sale manie de me coller dans son sommeil. Chaque chambre possédait sa salle de bain personnelle et je sentais que j'avais grandement besoin d'une douche froide. En me mettant nue devant le miroir, j'observais mon corps. J'avais de gênantes cicatrices sur les cuisses, sur les bras. Mes yeux verts étaient mornes. La fatigue se lisait sur mon visage. Mes cheveux avaient énormément poussé, depuis ma rupture avec Mélodie je ne coupais que les pointes abimées. J'ai toujours eu les cheveux longs, mon visage n'était pas fait pour les coupes courtes.

Par pure curiosité je me décidai à lancer à mon reflet le regard de nonne, celui que je faisais à Lisa quand nous étions ensemble. Ça me fit rire, je le faisais toujours aussi bien. Me voir rire me coupa net au travers d'une étrange satisfaction. Ça me faisait du bien de me voir sourire et cela me donna envie de faire quelques grimaces au miroir avant de sauter dans la douche. L'eau froide me crispa au début, mais après quelque seconde, je me sentis bien. Pendant que l'eau coulait sur ma tête en se répandant sur mon corps, je touchais celui-ci, les yeux fermés. J'essayais, sans aucune raison, de me retrouver physiquement. Mes mains passèrent d'abord sur mes bras, mes épaules, ma nuque. En glissant dessus je pus sentir les nombreuses cicatrices qui parcouraient ce sentier. Puis je descendis sur mes seins, je complexais sur leur taille avant de connaître Nathanaël, mais à ce moment-là, je les trouver très bien, j'étais même fière de mes seins. Je continuai de descendre, traversant le désert de mon épiderme. Cicatrices et hématomes étaient légion, et pourtant ma peau avait gardé une certaine douceur. Une chose me perturbait cependant sur mon mollet droit. J'avais l'impression que certaines zones de celui-ci étaient plus « tendues » que d'autres. Comme si quelque chose faisait un garrot en tournant le long de ma jambe. Quelque chose qui n'existait pourtant pas. Je me suis alors dit que c'était l'effet du lendemain de soirée.

Nathanaël était toujours endormi lorsque je suis sortie de la douche. Je sortis de la chambre sans faire de bruit et partie prendre un petit déjeuner. J'avais énormément faim. Sur le chemin je saluai Timer et le majordome qui discutaient. Les escaliers me semblaient beaucoup plus grands que la veille, ce qui était un bon indicateur de l'état dans lequel j'étais à la soirée. La table du salon était couverte de viennoiseries et de gâteaux, c'était un vrai plaisir. Laureline finissait sa nuit sur l'un des canapés, Sinclair me fit la bise lorsque je vins m'asseoir à ses côtés. Belle et Remy n'étaient toujours pas descendus.

« Pas trop dur le réveil ? Me demanda Sinclair en mangeant son croissant.

— Franchement ça va, mais j'aurais bien aimé dormir plus longtemps.

— Si tu avais dormi plus longtemps tu n'aurais pas pu déguster ces incroyables beignets, me répondit-il en me tendant un plateau de beignets de toutes les couleurs. D'ailleurs, Nathanaël n'était pas trop mal en se couchant ?

— Il s'est endormi directement, je n'ai même pas eu le temps d'éteindre la lumière !

On se mit à rire tous les deux. Sinclair était toujours agréable, même en lendemain de soirée.

— Tu sais, commença-t-il. J'étais un peu méfiant à l'égard de Nath' lors de nos premières conversations à son sujet. Chose logique ! Mais très vite je pus voir que c'était un vrai héros ce garçon.

— Il est vraiment fantastique, mais tu l'es aussi ! D'ailleurs... désolée de t'avoir oublié lorsqu'on était à Charlatown. Je sais que c'est un peu tard pour les excuses, mais je tenais à le dire. Ce n'était pas cool.

— Oh ! Il ne faut pas t'en faire, moi dès que j'ai su que tout était okay et que vous alliez rentrer, j'étais satisfait. Par contre, je ne l'ai jamais dit, mais Nath' est un vrai fantôme ! Il a retourné toutes les Sirènes pour trouver kvmx, mais personne ne disait l'avoir vu quand je montrais des photos de lui.

— Un ancien "bandit", j'ai failli oublier ce détail.

— Il a beaucoup de vécu.

— Trop pour un humain.

— Des fois je me dis qu'il est le plus humain de nous tous. Pour lui, nous n'avons aucun secret, il est humain, il le sait, il sait ce que c'est qu'être humain, dans les moindres détails biologiques et psychologiques. Car il l'est. Et en partant de ce postulat, il est capable de connaître chaque être humain.

— Pourtant il n'a pas l'air d'avoir fait d'études dans ces domaines.

— L'art n'a jamais été son point fort, Nathanaël étudie l'art, car il ne le connaît pas, l'être humain c'est son domaine de prédilection. Il multiplie ses spécialités.

— Tu ne l'idéalises pas plus que moi ? C'est moi sa copine !

— Peut-être, mais s'il n'est pas ce que je décris, il en est au moins proche. »

Nous avons ri à nouveau avant de voir Nathanaël arriver dans le salon en bâillant. Il n'avait pas encore pris de douche et ça se sentait. Il nous regarda et nous salua avec une voix enraillée, puis il s'approcha de Laureline endormie et lui tapota la tête en guise de bonjour. Ensuite il sortit dans le jardin pour s'allumer une cigarette. Lorsqu'il était dans le brouillard matinal, Nathanaël agissait comme un zombie, le regard complètement vide et n'avait aucune volonté de paraître plus vivant. Il laissait le temps qu'il fallait à son corps pour se réveiller, sans pression. Une fois sa cigarette terminée, il partit à la salle de bain. Entre-temps, le majordome vint nous demander si nous avions besoin de quoi que ce soit pour aujourd'hui, car il avait besoin de quitter le manoir aujourd'hui. Nous n'avions aucune demande précise et pendant qu'il allait demander à Belle, Remy et Nath', je suis allée au pied notre frontière pour voir ce qu'il restait de la biche. Mais lorsque je suis arrivée, je fus stupéfaite de voir qu'il n'y avait rien, pas même de l'odeur. L'endroit où la biche s'était faite projetée était devenu un tas de terre et de fleures écrasées. Ce qui me perturbait le plus était le fait que ça avait l'air d'être un travail animal. Je me demandais quel genre d'animal aurait pu venir faire ça.

Une fois le majordome parti, j'avais quartier libre pour rencontrer l'androïde. Je ne comptais pas me priver. La cuisine n'était pas verrouillée et je le savais. 

Odeur de clopeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant