Odeur de clope

Pâro

 J'étais face à Ikumi, elle se tenait droite et j'essayais de faire de même jusqu'à ce qu'elle me demande de me mettre dans une position naturelle pour moi. Une fois bien installée je regardai Ikumi dans les yeux en attendant ses ordres. Elle me demanda ce que je pensais de ma vie. Je lui répondis que j'avais l'impression que ma vie était une succession d'échecs, que rien ne semblait bien se finir, mais que je gardais espoir. Elle m'écouta toujours aussi attentivement avant de me demander s'il y avait une cause que j'aurais aimé défendre. J'ai alors répondu je n'avais pas vraiment de cause à défendre. Que j'étais loin des problèmes de ce monde. Je ne suis qu'une femme égoïste et, peu importe que l'état essaie de m'avoir grâce à des logiciels espions, tant que j'arrive à vivre, ça me va. Elle me sourit avant de continuer en me demandant s'il y avait un artiste auquel je tenais. Sinclair est le premier nom qui m'est venu à l'esprit, qui d'autres aurais-je pu choisir si ce n'est lui ? Il fut mon meilleur ami avant de disparaître sans laisser de trace. Lui aussi avait passé cet entretien, lui aussi avait répondu à cette question, il me serait d'ailleurs impossible de deviner sa réponse. Ikumi semblait apprécier mes réponses. Elle me demanda ensuite si j'avais un ennemi, un adversaire, un rival. Et sans savoir pourquoi, je répondis « K ».

Elle me demanda de fermer les yeux, et de l'imaginer, ce moi intérieur qui actionne mes mécanismes artistiques. Elle se mit à me chuchoter une chanson en japonais :

« 太陽の前で運命を待つな。

鳥が鳴いている。

誰も一人ではありません。»

Un bruit étrange de clochette et j'étais dans une pièce complètement noire, puis des lueurs verdâtres fluorescentes se mirent à éclairer une grotte, j'étais les pieds dans l'eau. En face de moi, j'étais là, une pupille verte et serpentine, l'autre n'était pas fluo'. Des serpents s'enserraient un peu partout son mon corps nu. Je me regardais et m'avançai, mais je ne suivis pas, donc je n'étais pas mon reflet. Je m'approchai à mon tour et me menaçait du regard. Je tournais autour de moi et me jaugeais pour comprendre qui avait vraiment le dessus. Le bruit de nos pas dans l'eau rythmait celui de nos souffles.

« Tu es moi ?

— Je suis ce que tu es, mais pas ce que tu es.

— Alors, comment t'utiliser ?

— En étant ce que tu es. »

Pour moi tout ceci n'avait aucun sens et je n'osais pas raconter ma vision à Ikumi, c'était ridicule et j'avais peur qu'elle me refuse. Cependant elle sut me rassurer et je lui racontai tout ce que mon cerveau avait imaginé. J'insistais sur les détails. Lorsque j'eus fini, elle prie la parole pour me dire qu'elle était heureuse de m'avoir rencontré. Mon cœur s'accéléra et j'étais sûr qu'elle allait me demander de partir. Cependant elle continua en m'expliquant que j'avais du potentiel, mais pas dans l'écriture, qu'elle voulait me recruter, mais pour autre chose que les romans. Elle voulait que je me mette à la musique. Elle était prête à me prendre en tant qu'élève et voulait révéler ce que j'avais à dire. Je n'avais quasiment aucune connaissance en musique, mais qu'importe, je ne voulais plus réfléchir, j'ai accepté sa proposition et étais prête à me lancer dans la musique. Ondes Positives serait quand même publié, mais ce n'était plus une chose importante maintenant que j'étais l'élève de la reine. Oliver était fier de moi, mes parents aussi, je rentrais dans le monde des grands.

Les instructions étaient claires, je devais habiter à la galerie avec les autres artistes le temps de mon apprentissage. Je n'avais pas de problème à ça. Je n'avais pas le droit de parler de ce que j'apprenais à l'extérieur de la Galerie. Et surtout, je ne devais pas parler de ma vie passée aux autres artistes, même si ceux-ci étaient d'anciens proches. Je n'avais aucun souci pour tout ça. Je m'en fichais à vrai dire. Mon objectif principal était désormais de suivre l'enseignement d'Ikumi et de la rendre fière. Pour moi, c'était un rôle divin qui venait de s'ouvrir à moi. Je devenais l'un des chérubins de la reine.