Les projecteurs, l'odeur de bière déjà très présente, mélangée à la fumée des cigarettes qui se consument tout autour. Je pouvais apercevoir le dreadeux qui était venu me voir après la séance de dédicaces, il était sur la salle. Il y avait des néons bleus très imposants composé diverses formes. Un sablier, un œil, un cœur brisé, une toile d'araignée. Je commandais deux pintes en observant ma petite renarde qui avait croisé une connaissance de soirées. Il y avait un before avant le concert. Ils y passaient des fleurages EDM, techno, des sons que je n'aurais pas particulièrement écoutés avant un concert de rap, mais c'était avant de tomber sur les spécimens qu'est notre petit groupe de rap local.
« Bonsoir à tous, alors moi c'est Timer », lâcha le dreadeux. Il était métis, des tatouages sur le visage, une veste Bape, il avait toujours son pull avec le sablier, mais semblait avoir beaucoup moins de vêtements en dessous.
Vous n'imaginez pas ma surprise lorsque je pus apercevoir que le garçon de la semaine approcher sur la planche. Les mêmes cheveux, les mêmes yeux inexpressifs, un long pull blanc avec un œil obscur imprimé au centre. Et même si j'eus peu d'occasions de voir des femmes dans le milieu du rap, je ne fus pas étonnée de trouver la Nymphe violacée, rejoignant à son tour la scène.
Ils étaient quatre, Timer, le noir dreadeux, Lucide qui n'est autre que mon énigmatique rencontre de la semaine passée, Loveless la nymphe et Kumo un arabe assez mystérieux. Je sentais le regard de Mélodie me transpercer comme une flèche de rage, mais quand je me suis retournée pour affronter ses yeux pleins de jalousies, je vis de grandes pupilles dilatées. Il ne lui avait pas fallu longtemps pour avaler un comprimé, elle m'embrassa langoureusement en plongeant sa main dans mes cheveux. Il y avait quelque chose de sincèrement mortel dans ses baisers lorsqu'elle prenait un cachet de X. Je ne pouvais que retomber éprise, je la chérissais comme ça et j'aurais aimé avoir cette sensation tout le long de notre relation. Entre deux lèvres elle me lança « Ce n'est pas lui le gars de la dernière fois ? Arrête d'avoir toujours l'air gênée comme ça quand ta peur que je sois préoccupée. Je t'aime ! » et je n'eus aucune réponse à fournir. Ça aussi c'était à cause de la gélule, ça la faisait passer de la niaiserie profonde à une sorte de maturité sévère. Comme si elle connaissait tous mes péchés, mais qu'elle les pardonnait avec tendresse. Je me sentais misérable. Ses mots me donnaient l'impression qu'elle était princesse dans mon royaume, ma présence ridicule à ses pieds. Elle coupa court à tous mes questionnements en approchant un cachet de mes lèvres tout en me disant, yeux dans les yeux : « Arrête de réfléchir, ce soir on oublie... ».
L'histoire aurait sûrement voulu que je sois fascinée par le spectacle et que je les trouve fantastiques. C'est ce qu'il s'est déroulé, en partie grâce à la drogue. Je ne me souvenais de seulement deux morceaux de leur partie : la première est un extrait chanté de Kumo et Loveless très sombre et puissant. Le second est un passage de Briquet Noir. Un passage qui commençait par :
« Petit être n'a pas d'raisons d'être, marche seul et sans défense,
toutes les heures un peu plus défoncé, un joint, du feu et puis bonne chance... ».Ce passage précisément m'avait laissé bouche bée avant que Mélodie, mon savoureux crépuscule, ne me sorte de la torpeur en me tirant pour danser. Leur équipe, LG2D, mélangeait rap, techno, edm, dubstep, métal, le genre ou le style n'était pas une notion de limite chez eux, au contraire, ils semblaient pouvoir rapper sur tout ce qui peut s'entendre. En plein milieu du concert Mélodie voulut que je lui fasse plaisir, mais nous n'étions apparemment pas assez déphasées pour ça lorsque nous vîmes l'état des toilettes.
Après la soirée libératrice passée avec Mélodie, le lieu de rendez-vous fut les loges, malheureusement pas celles de notre groupe favori, mais celles de LG2D.
« Yo, alors t'as kiffée ?
Timer avait réellement la gueule d'un homme sympa, d'un mec gentil.
— C'était dingue, me devança Mélodie, Kolumb c'est normal qu'ils soient magiques, mais vous les gars, je ne m'attendais pas à un tel niveau, dans sa franchise la plus totale...
— Haha, merci, c'est vrai qu'on s'est pas mal débrouillés ce soir ! », Loveless était vraiment mignonne.
Après les présentations, Kumo proposa à Mélodie de l'accompagner chercher à boire pour tout le monde. Il était deux heures du matin et j'avais l'impression que la festivité était loin d'être finie.
Quelque chose me perturbait cependant. Le gars au briquet noir, Lucide, il n'était pas dans le coin apparemment. C'était frustrant. Au vu de ma réaction, Timer décida d'aller le trouver. Je me suis alors retrouvée seule avec cette fille aux cheveux blancs. Elle était grande, fine, très belle, elle avait quelques grains de beauté vers le cou, les épaules et les bras. Elle était subtile, une nymphe, ça ne m'aurait pas étonnée qu'elle soit la muse du groupe. C'était même sûrement le souffle de l'équipe, à ce moment-là.
« Du coup, j'ai entendu dire de Timer que tu es une importante fan de Métro.
Étrangement, j'avais une sorte de barrière avec elle, comme si je n'étais qu'une écrivaine et elle une vaste musicienne.
— Oui ! complètement, t'es magique comme fille, commença Loveless. Je suis dingue de ton bouquin, il me parle totalement ! Mais je te connaissais de par ton Instagram, j'ai même hésité à participer à ton concours pour gagner le poster ! Mais L-U m'a démotivé. »
Elle but son verre d'une traite et voulue s'en servir un autre avant de saisir pourquoi Kumo était parti chercher de quoi trinquer, elle pestât toujours aussi mignonne. « J'ai d'ailleurs décidé de te dédicacer un de nos prochains titres. », c'était ma première « vraie » fan, elle me suivait depuis mes débuts et bien avant Métro. J'étais comme submergé de bonheur et la fatigue de la redescente faisait que mon seul moyen de faire comprendre à Loveless que j'étais touchée fut de la serrer dans mes bras. Elle souligna le fait qu'elle me trouvait « chou » tout en me serrant tout autant que je le faisais avec elle.
Mais Lucide continuait de parsemer mes pensées de petites gouttes de frustration, ne pouvant attendre que Timer revienne avec le principal intéressé je pris les devants et demandai à mon interlocutrice :
« Mais, je me permets de te demander un truc totalement hors sujet. Ce briquet, je sais c'est con comme question, hein ! Ce briquet, il n'appartiendrait pas à Lucide ? »
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Odeur de clope
General FictionJe n'ai jamais cessé d'être celle que vous attendiez que je sois. C'était ma seule condition pour accepter de me croire exister. Voilà comment se dépeint Mikaël, jeune fille d'un milieu aisé qui rêve d'art et de passion mais délaisse rapidement le c...