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Ce concept d'aberrations me semblait bel et bien réel désormais. Alors que je marchais autour de l'hôtel qui était encerclé de voiture, je pensais à tout cela. Les aberrations, ce mal qui touche certaines personnes leur conférant cette aura malsaine. J'émettais la théorie que cette chose, l'aberration, se logeait dans les yeux de ses victimes, Sinclair, Kvmo, Nathanaël, l'agent d'accueil, ces gens avaient un don, quel qu'il soit. Je ne savais pas si c'était tous les éventements passés qui me rendaient crédule ou si mon esprit s'ouvrait enfin à un univers occulte et effrayant que peu d'humains osent approcher. Je ne croyais pas en la magie, mais je croyais aux âmes. En tant qu'artiste j'étais persuadée que l'âme était capable de produire certaines choses, qu'il était possible de faire ressentir certaines émotions grâce à l'âme. Mais je n'avais jamais imaginé que ça pouvait aller au-delà. Et quels étaient ces pouvoirs, Sinclair et son charisme surnaturel, Kvmo et son aptitude à instaurer l'angoisse, c'était des pistes que je pouvais aborder. Ça y est, je me lançais dans la quête de vérité. Je ne voulais plus seulement retrouver Nath', je voulais le retrouver et comprendre tout ça. Charlatown, le regard, les phénomènes étranges de ceux qui sont liés d'une manière ou d'une autre à cette ville, tout devait bien avoir une réponse claire. Et cette réponse se trouvait à Charlatown.

Lorsque je suis rentrée à l'hôtel, l'agent d'accueil n'était plus là, cela me fit le même effet qu'avec les araignées. Lorsqu'on les voit, on est mal à l'aise, quand elles disparaissent on angoisse. On se retrouve presque avec l'envie de les débusquer, car connaître leur position exacte par rapport à la nôtre lorsque l'on se déplace nous fait nous sentir plus en sécurité. Mais il n'y avait pas de raison de le chercher, ça n'aurait attiré que plus de problèmes. Alors une fois dans la chambre j'ai rejoint Laureline sur le lit, elle regardait un vieux film français. Les vieux films la fascinaient, surtout les films futuristes du début des années 2000, voir la vision qu'avaient les gens de notre époque à nous était quelque chose qui la passionnait. Dans ses bras, je m'endormis bien vite. Rejoignant Morphée et espérant quelques conseils de sa part sur ma mission du lendemain.

Un bruit sourd me réveilla en plein milieu de la nuit, comme si un meuble d'une dizaine de kilos était tombé net sur le sol. Quelque chose d'épais. Je regardais dans le lit, Laureline dormait à poings fermés. Je tentais de la réveiller, mais en vain, au mieux elle marmonnait des phrases incompréhensibles, au pire elle ne me répondait tout simplement pas. Je la laissai dans son sommeil qu'elle avait mérité et me rendis dans le couloir de l'étage. Une fois dehors, rien ne semblait être anormal, j'allumai et pus voir plus loin qu'avec le flash de mon téléphone. Tout semblait calme même si l'architecture était quelque peu étouffante. En survêtement, je décidai de marcher un peu pour me rassurer.

Je marchais calmement sur quelques mètres avant d'accélérer légèrement le pas, une fois au centre du couloir, je me trouvais à une intersection, l'étage était formé de quatre couloirs en forme de croix avec un hall central où se trouvait l'ascenseur. Au bout de chaque branche de la croix se trouvait un escalier. J'étais en face du hall et fut pétrifiée par un bruit qui semblait venir d'une bouche. D'une énorme bouche, un bruit de langue pâteuse qui se décolle d'un palais moite. Un frisson horrible traversait tout mon corps. Quel genre de chose monstrueuse pouvait faire un tel bruit ? Certainement pas un être humain, du moins, pas avec autant de force. L'idée d'être enfermée dans l'ascenseur où l'escalier me terrifiait, cependant mon instinct me dicta de prendre l'ascenseur. Je n'avais pas vraiment compris moi-même pourquoi je ne rentrais tout simplement pas dans ma chambre, mais une force étrange me tirait vers le cercueil blanc et froid. Les petites diodes au-dessus de la porte m'indiquaient que l'ascenseur se trouvait au rez-de-chaussée et se mirent à clignoter, signes qu'il fermait ses portes, lorsque j'appuyai sur le bouton d'appel. En suivant les lumières, je pouvais suivre l'avancée de l'engrenage jusqu'à mon étage, le huitième. Cependant, au troisième étage, la diode se figea, puis clignota, puis continua son avancée. La logique aurait voulu que l'ascenseur redescende pour déposer le personnage du troisième étage, ou alors quelqu'un l'avait appelé, mais personne n'est monté. Je ne savais quoi penser, au fond il n'y avait rien d'étrange, mais l'angoisse montait en moi. L'ascension de la machine me semblait plus lente, plus longue. Les cliquetis de l'horloge murale que je n'avais pas remarquée jusqu'à présent me semblaient lourds, bruyants, et beaucoup trop nombreux. Lorsque l'ascenseur atteignit le huitième étage, je fis un pas en arrière, les bras devant comme pour me préparer à me battre.

La porte en métal s'ouvrit dans un grincement silencieux et laissa place à une cabine complètement vide, blanche, pure. Je soufflai et rentra à l'intérieur. J'appuyai sur le bouton du rez-de-chaussée, l'ascenseur lâcha un petit bruit et descendit. Je me regardais dans le miroir, mes yeux ne me paraissaient pas être les miens. Mon visage ne me semblait pas être le mien. J'avais du mal à me fixer, mon image était trouble, je n'arrivais pas à comprendre si le problème venait du miroir ou non. Le seul détail que j'arrivais à capter correctement était mon regard. Mon regard qui avait changé. J'essayais de sourire bêtement devant mon reflet. J'essayais de le dire « Sourire », « Cheese ! », « Smile ! », au troisième mot j'entendis un gloussement efféminé et une voix lointaine dire : « Que de joie, vous savez égayer une nuit, mademoiselle Beriault ! », un nouveau frisson parcouru mon corps.

Odeur de clopeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant