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 Les néons, les lumières, les gens, Laureline, tout devenait plus beau avec une X-pill. Je bougeais dans tous les sens et me laissais emporter par différentes vibrations me guidant vers une sorte de transe psychotoxique. Les couleurs se mélangeaient et miroitaient dans les cheveux nacrés de ma douce nymphe. Elle me regarda et comme emportée par le courant, je vins contre elle. Nous dansions, nous dansions, et je me noyais dans son corps. Je me mêlais à elle, je vibrais entre chacun de ses tatouages, nous ne formions qu'une seule et même entité et le temps de cette soirée. Je ne voulais être personne d'autre qu'elle, je voulais voir dans ses yeux, sentir par ses doigts, embrasser par sa bouche. Mes bras l'encerclaient et la serraient, elle me chuchota dans l'oreille que ce n'était pas bien, je revins instantanément à la réalité, elle me fixa. Stoppée nette aussi, mais pour une raison différente. Quelques secondes après nous étions reparties dans la folie de la nuit.

Vers trois heures du matin, il était temps de rentrer, la X-Pill commençait à ne plus faire effet et nous étions fatiguées. Nous sommes passées récupérer nos affaires et sommes sorties pour rejoindre le van. Une fois à l'intérieur, Laureline me regarda de nouveau, fixement.

« J'ai les pupilles encore dilatées ? Demandais-je, la mâchoire lourde.

— Non, c'est juste que tout à l'heure, dans le son, pendant un instant tes yeux ont fait un truc bizarre.

— Pardon ?

— Pendant un instant, j'ai eu une sensation étrange, quand je les ai regardés, je ne sais pas. J'ai dû avoir des visions à cause de la X-Pill, mais le vert de tes yeux semblait écailleux. Je ne sais pas trop si c'est le bon mot.

Pendant qu'elle parlait, elle était déjà en route vers l'hôtel.

— Tu n'y crois toujours pas, alors ? demandais-je en regardant par ma vitre.

— Arrête ça. »

Une fois devant l'hôtel je décidai de rester dehors pour fumer une dernière cigarette. Laureline monta directement se coucher, elle était exténuée. J'allais en profiter pour réfléchir un peu seule. Ce qu'avait dit Laureline à propos de mes yeux m'avait profondément perturbée, je ne savais pas quoi penser. Je repensais à Garden Lone Hope. Ce que j'avais vu dans mon cauchemar. Puis je me disais que je devenais juste folle, que le stress s'accumulait et les superstitions aussi. Le silence qui couvrait la devanture de l'hôtel fut brisé par mon sursaut lorsque Garry apparut à ma droite.

« Bonsoir, mademoiselle Beriault. Avez-vous passé une bonne soirée avec votre amie ?

Il regardait la lune, gigantesque et claire, qui brillait sur nous pendant qu'il parlait.

— B-bonsoir ! bégayais-je, encore sous l'effet de la surprise. Euh, ouais... c'était cool.

— Il y a de très bonnes soirées aux alentours de Charlatown, mais... il tourna la tête pour me regarder avec un grand sourire puis reprit. Mais le cœur de notre belle ville est dantesque ! Vous allez adorer votre séjour, je vous le dis, votre attente vaut le coup !

Il avait insisté sur certains mots à la manière d'un mauvais commercial.

— Je ne vais pas rester à Charlatown, j'y fais un aller-retour.

— Ah oui, c'est vrai, vous allez sauver votre bien-aimé.

Je le regardai à mon tour.

— Comment devinez-vous tout ça ?

— Cela se lit dans vos yeux, mademoiselle Beriault, vous avez un destin formidable, couvert de malédictions et même les Grands eux-mêmes finiront par tenter de vous bloquer la route.

— Les "Grands" ?

— Il faut s'intéresser à l'idée et non à l'image.

— Vous êtes un homme subtil, soufflais-je ironiquement en même temps que ma fumée.

— J'aime imiter mes auteurs favoris, avez-vous déjà entendu parler d'un certain monsieur Nise ?

— Non, il n'est pas de Dubstown ?

— Oh, non, il n'y a jamais été, on dit qu'il a fini à Charlatown pour une histoire étrange dont la victime était le coupable.

— Eh bien, et qu'écrit-il ?

— Rien, il ne fait que voler des œuvres.

— Il vole des œuvres ?

— C'est un auteur très complexe, vous savez... et je doute qu'une néophyte puisse comprendre les spécificités littéraires de monsieur Nise Orochi, il est notre Hirano à nous.

— Votre Hirano ? Un voleur d'œuvre ?

— Il faut savoir qu'il avait en premier lieu volé madame Ikumi Damgaard elle-même.

— Quel étrange personnage !

— Je ne vous le fais pas dire. Il est le père adoptif d'un jeune homme, et bien devinez quoi, il est à sa poursuite depuis une fugue qui s'est produite il y a une dizaine d'années de cela ! »

Lorsqu'il prononça ces mots, l'image de Nathan me vint à l'esprit. Comme une vision, comme un flash, Nathanaël fuyant les hommes de son père. Je fus pétrifiée par l'angoisse et un froid glacial vint me frapper. Mes derniers souvenirs de ce moment-là furent Garry qui me demandait si ça allait.

Le lendemain je fus frappée d'une énorme rechute dépressive, elle fut courte, mais intense. Ce passage de ma vie fut l'un des plus douloureux. Je repensais à tout ce que je savais de Nath', et j'y ajoutais toutes les hypothèses que j'avais pu avoir sur lui depuis notre première rencontre. Ce jour-là, j'écrivis, avec difficulté, le portrait de Nathanaël tel que je pensais qu'il était. J'étais désemparée, Laureline s'occupa de moi pendant cette journée qui sembla être un enfer pour mon cœur, pris d'une tristesse comme je n'en avais rarement ressenti. Je tiens à partager ce conte avec les lecteurs.

Odeur de clopeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant