Nous étions en plein milieu des vacances d'été qui séparait notre année de terminale de notre première année universitaire. J'étais en couple avec Lisa-Marie. Nous étions amoureuses follement l'une de l'autre. Elle était la plus belle femme du monde à mes yeux. Ses cheveux noirs, son carré, ses créoles dorées, ses taches de rousseur, ses lèvres finement dessinées. Elle était ma beauté d'onyx. Si dans ma vie j'ai connu une seule nymphe, ce serait Lisa-Marie. Douce succube, vampire charmeur, elle savait comment faire fondre mon cœur. Toujours habillée avec style, elle m'emmenait dans les lieux branchés de Dubstown où nous dansions et buvions toute la nuit. Elle aimait mon air de petite prêtresse que j'avais toujours gardée, elle aimait mes grands yeux verts, mon visage innocent et fébrile. Je n'étais pas marquée par la vie. Elle adorait ça, j'étais sa poupée, sa chérie. Elle était déjà aigrie par la vie.
J'avais bafoué tous les devoirs de bon chrétien. J'étais une sorcière pour les croyants qui fréquentaient mon père, à tel point qu'il avait décidé de mettre fin à mon existence dans son cœur et auprès des gens. Il n'avait désormais plus qu'une fille, plus que Belle la belle, Belle l'influenceuse ! Non ? Si, je te le dis ! C'est ma fille, celle qui joue dans la pub Lives. Elle porte bien les jeans !
Je n'éprouvais pas de jalousie envers ma sœur. Du moins, pas consciemment. Je me fichais bien de tout ça, car j'avais Lisa-Marie, qui me comblait et m'aimait. Mais ma sœur, désireuse d'attention de la part de sa grande sœur, passait son temps à m'espionner sur les réseaux et dehors quand elle me croisait en ville. Ce fut la première à savoir qu'en plus de toutes mes infractions à la religion, j'étais homosexuelle. Cette nouvelle bouleversa ma sœur, étrangement, j'aurais pensé qu'elle s'en ficherait. Lorsque je vu à quel point la découverte de mon homosexualité l'avait anéantie, je compris pour la première fois que la foi ne touchait pas que les adultes. Pour la première fois, je me suis demandé si ce n'était pas vraiment moi le problème. Ma sœur, contrairement aux gens dehors, avait eu la même éducation que moi, par les mêmes parents. Cependant, elle était divinement pieuse face à ma diabolique entité. Après cette période de distance gigantesque entre ma sœur et moi, elle revint me voir pour me dire qu'elle était désolée d'avoir été troublée par ça. Elle expliqua les raisons de sa réaction et la réflexion qui lui permit de passer outre. Mais c'était trop tard, le poison avait déjà fait effet.
Lorsque ma sœur était revenue s'excuser, j'étais en train de flirter avec un garçon par message. Afin de voir ce que cela pouvait donner. Je me sentais trop différente du commun des mortels et pensait que le fait de côtoyer un garçon pourrait laver une partie de mes péchés. J'entendis bien cacher cette histoire à Lisa-Marie. Qui ne l'apprendra d'ailleurs que très longtemps après. Ce garçon était charmant et poli. Il était beau garçon, mais je ne pouvais pas dire qu'il était attirant. À vrai dire, à cette époque de ma vie, je n'avais toujours pas acquis le principe de beauté. Je ne pouvais juger qu'au travers des standards de la société étant donné que je n'avais ressenti la sensation de beauté auparavant. Mais au vu des standards et de mes souvenirs, je pouvais penser qu'il était beau garçon.
Lorsque ma sœur vint s'excuser, je ne savais si je devais continuer ou non, mais je n'osais pas interrompre ce qu'il se passait avec le jeune homme. Pour la première fois, je goûtais au plaisir de l'infidélité. Fruit étrange dont l'arrière-goût poisseux ne vient que longtemps après la digestion. Et au fur et à mesure que nous parlions, il insistait pour me voir. Je ne pouvais refuser, car j'en avais moi-même envie. Je ne voulais rien de physique avec ce garçon, non, je ne voulais que lui parler comme un couple. Car cela faisait du bien de se sentir aimer par quelqu'un de nouveau, ça donne l'impression que l'on est toujours pareil, toujours attirant, que ce n'est pas un hasard si l'on nous aime. Et de plus, il m'invitait au restaurant.
Au moment du rendez-vous, tout fut très sobre. J'étais peu bavarde, lui faisait de même. Pourtant, tout se passait bien. J'étais à l'aise, et lui aussi. Nous mangions en nous souriant, et nous rigolions des autres tables. Puis, après le dessert, il me proposa d'aller se balader au parc, j'acceptai. Pendant la balade, il me dit qu'il aimait ma voix, mes mains, ma peau, mes yeux, ma bouche, mes jambes. Je portais une petite robe bleue, et j'avais encore mon serre-tête.
Après la balade, nous sommes allés chez lui, et nous avons regardé un film en mangeant du chocolat. C'était drôle, j'ai beaucoup ri. Il était gentil. J'étais heureuse avec lui. Puis le soleil se couchait et je voulais rentrer. Il insista pour que je reste. Il insista. J'ai dit non. Il insista. J'ai dit oui. Puis j'ai dit non. Puis j'ai soufflé. J'ai dit que j'étais déjà sympathique de rester. J'ai dit non. J'ai dit que je ne savais pas. J'ai dit que non. J'ai dit que ça n'avait pas de rapport. J'ai dit peut-être. J'ai dit non. J'ai dit qu'il ne fallait pas. J'ai dit que j'avais une copine. J'ai dit que je n'aimais pas les gars. J'ai dit non. J'ai dit que je ne voulais pas. J'ai presque.
Je me suis excusée auprès de Lisa-Marie, elle ne voulait pas d'excuse de ma part, elle voulait des excuses de la part de ma sœur. Elle ne m'avait jamais vraiment vu comme une entité dotée de libre arbitre. Puis elle devint de plus en plus douce avec moi. Elle me couvrait et me protégeait de toute frustration. Je n'étais pas complètement détruite, mais je n'éprouvais plus aucune émotion envers les hommes. C'est à ce moment-là que je mis à écrire Métro.
Lisa-Marie, douce nuit, me fit alors découvrir un tout autre univers, celui du calme dans l'œil de la tempête. Fini les soirées en boîtes où dans les bars, nous passions nos nuits chez ses parents, dans sa chambre, à fumer, écrire, prendre des photos, lire. Nous partagions nos passions et nous nous sommes alors aimés si fort que rien sur terre ne pouvait nous effrayer si nous étions ensemble. Je ne pouvais pas encore faire de nouveau l'amour, mais je dévorais ses lèvres avec passions tous les soirs. Cela ne lui suffisait pas vraiment, mais elle m'aimait et se contentait de ça. Elle n'avait pas vraiment choisi de finir dans cette situation. Moi non plus. Mais elle se disait que c'était la vie, que c'était ainsi.
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Odeur de clope
General FictionJe n'ai jamais cessé d'être celle que vous attendiez que je sois. C'était ma seule condition pour accepter de me croire exister. Voilà comment se dépeint Mikaël, jeune fille d'un milieu aisé qui rêve d'art et de passion mais délaisse rapidement le c...