Alors que Ikumi me racontait son histoire, des cris se firent entendre et la porte s'ouvrit, c'était Nise qui rentrait malgré le refus de la secrétaire. Il semblait fatigué, extrêmement fatigué, et sale. Comme un mort qui venait de sortir de la tombe. Ses yeux étaient emplis de noirceur et il annonça : « Hirano, j'ai besoin de cette fille. » En me pointant du doigt. J'allais répondre, mais Ikumi m'arrêta en tendant sa main devant ma bouche avant de se lever et d'avancer de quelques cases en direction de Nise que la secrétaire avait lâché. Ikumi semblait en colère, elle fixa Nise avant de lancer : « Tu prends le père d'un Prince, tu prends le Prince d'un Symbole, et maintenant tu veux prendre le Symbole d'une Reine ? Abandonne tout espoir de repartir avec elle.
— Tu ne comprends pas, rétorqua Nise enragé. Si tu la laisses ici, il viendra la prendre !
— Comment ?
— Je l'ai poursuivi dans toute la partie ouest de Charlatown, il était trop rapide, pendant sa fuite, lui et ses petits copains ont monté un plan, ils vont venir récupérer ta petite protégée et ils vont disparaître. »
Nise était clair, Nathanaël n'avait pas disparu, et il revenait me chercher, mais je ne comptais pas partir avec lui, plus maintenant. Je ne voulais plus le revoir, ni lui, ni les autres, je ne voulais plus de ce monde. Mais Ikumi semblait stressée, elle avait peur. C'était un spectacle qui n'aurait jamais dû se produire, la Grande Hirano n'a jamais peur. C'était une aberration, Nise avait permis aux aberrations de me retrouver. Lorsque cette pensée parvint à mon esprit je me levai, en colère et je lui sifflai de partir sur le champ. Je lui sonnai que je ne le rejoindrais ni lui, ni Nath'. Je sentais une haine couler dans mes veines et j'avais l'impression que je pouvais tout écraser. Nise se mit à sourire et me lança : « Que les Anciens te protègent, petite insolente. » Avant de se retourner et de quitter la pièce. Il voulait évidemment m'utiliser comme monnaie d'échange supplémentaire pour récupérer ce que Nathanaël lui devait. Mais rien n'allait se passer comme ils le voulaient. J'avais un nouveau but dans la vie et personne ne pouvait me le retirer. J'étais prête à me battre s'il le fallait. Je ne voulais pas d'une énième aventure, peu importe, leur plan, peu importe leur projet, je ne voulais plus d'une vie fantastique, je voulais simplement vivre comme une artiste de la Galerie Hirano.
Plus tard, dans ma chambre, en regardant le plafond, j'entendis quelqu'un entrer. En me retournant, je pus voir Garden Lone Hope qui venait de profiter d'un assoupissement que je n'avais pas vu venir. Un de ses tentacules sortit de mon placard pour lui servir d'assise.
« Je suis vraiment désolé, commença-t-il. Il est interdit pour les visiteurs de ramener de l'alcool.
— Pas de soucis, Garden, comment vas-tu ?
— Très bien, merci, et toi ?
— Nath... commençais-je, mais il me coupa.
— ... thanaël viens encore faire des siennes dans ta vie. Comme c'est nouveau. De toute façon à chaque fois que je viens tu as une nouvelle histoire avec lui.
— T'en penses quoi ?
— J'ai remarqué que les aberrations que tu vois sont en fait la réaction de ton univers créatif face aux évènements de ta vie.
— Et que leur puissance varie en fonction de l'incohérence de l'évènement par rapport à la situation initiale ?
— Elles sont donc bel et bien réelles tout en ne l'étant pas.
— Et comment s'explique le fait que différents points de vues puissent observer la même chose ?
— Ne fait pas comme si tu ne savais pas. Les différents points de vues sont entre vampire et goule.
— Tant que je garde ça en tête, ça devrait le faire ?
— Tout à fait. »
Garden était le meilleur outil de mon cerveau face aux aberrations, mais son apparition signifiait que les problèmes allaient arriver très vite. Je n'arrivais pas à imaginer comment Nathanaël allait s'y prendre pour me « récuperer » après autant de temps passé dans les ténèbres. Je ne savais pas s'il me manquait de respect ou s'il était vraiment sincère. Mais ma haine ne tarissait pas. Il était hors de question qu'il puisse repartir avec moi. Et alors que je disais ça à Garden, je me souvenais du goût des baisers de Nath', et mon cœur se serrait.
J'avais peur de craquer devant lui. Dans le fond. Je me souvenais de ses mots, de ses paroles, de ses chansons. La poésie dans son langage qui pouvait m'attirer pour m'engloutir, m'effriter pour m'étourdir. Son regard de Maelström qui avale tout ce qui le fixe. Je ne voulais pas me faire emporter dans les abysses. Mais sa voix sentait l'été, et ses doigts chantaient la chaleur, puis sa bouche touchait mes idées. Il aurait pu le faire, me briser, il en était capable et cela m'effrayait. Garden me disait que j'avais les capacités pour rester forte, et puis Ugajin était là, il était jeune, mais il savait quoi me dire. J'hésitais à lui en parler, mais je n'étais pas sûr que ce soit une bonne chose. Après tout il restait un enfant et il n'avait pas à être mêlé à des problèmes d'adultes. Il était un peu trop facile de confondre un enfant talentueux et un adulte.
Les promesses de Nath' résonnaient dans mon crâne. Toutes ses grandes phrases qu'il envoyait au ciel et qui retombaient en une pluie de douceur sur mon visage sec. Comment faisait-il pour dire les choses que l'on voulait entendre et quand même nous surprendre ? Comment les idées venaient dans son esprit pour qu'il puisse tourner chacune de ses phrases dans le sens qu'il veut ? Il pouvait chuchoter à notre oreille et changer notre cerveau en bouillie. Comment avait-il eu le Verbe ? Florian avait raconté une fois, lorsqu'il était saoul, que Nathanaël avait contrarié un Japonais, et pour rembourser sa dette il a dû voler le Verbe. J'aurais aimé l'avoir aussi, ce Verbe. Nathanaël aurait pu être un parfait écrivain.
VOUS LISEZ
Odeur de clope
General FictionJe n'ai jamais cessé d'être celle que vous attendiez que je sois. C'était ma seule condition pour accepter de me croire exister. Voilà comment se dépeint Mikaël, jeune fille d'un milieu aisé qui rêve d'art et de passion mais délaisse rapidement le c...