Prise d'une pulsion puissante, je me mis à courir dans la tente. Une fois dedans je pus voir Belle, Lucas l'organisateur, Timer et Laureline autour de Nath' qui se tenait l'épaule. Timer criait, enragé : « Ils ont charcuté mon pote ! Ils ont charcuté mon putain de pote ! Ils sont où ? » alors que Laureline, au bord des larmes essayaient d'expliquer la situation. Nathanaël m'avait vu, malgré mon entrée fracassante, j'avais été stoppée net par la scène. Il se racla la gorge et lança : « On me soigne et j'y vais. Voilà, ce n'est pas une proposition, je vous préviens juste. Timer tu peux venir si tu veux, les autres vous ne bougez pas de là. J'ai alors hurlé à Nathanaël qu'il me devait des explications. Mes larmes coulaient déjà, je ne comprenais rien à ce qu'il se passait. Tout ce que je savais c'est que j'étais mise à l'écart d'un truc beaucoup trop gros pour que je puisse l'accepter. Laureline ne put se retenir plus longtemps et se mise à pleurer en suppliant à Nathan de ne pas y aller. Timer était silencieux, la mâchoire serrée, les yeux noirs. Belle vint me rejoindre pour m'expliquer la situation, seul à seul.
« Ils ont enlevé Kvmo.
— Qui ? Quoi ? Pourquoi ?
— Je n'ai pas vraiment tout compris, je suis désolée, mais apparemment les deux gorilles que vous avez vus le premier jour, ils sont revenus et ont pris Kvmo. »
C'était insensé, je ne comprenais rien. Belle tentait de me calmer en me parlant. Elle savait quoi dire pour éviter que je ne fonde en larmes. Après quelques instants à discuter, nous sommes retournés dans la tente pour voir que Nath' avait pansé ses blessures. Je ne voulais pas, je ne voulais pas du tout le voir partir là-bas. On aurait pu appeler la police, on aurait pu trouver une autre solution, mais son regard avait encore ce maelström au fond des pupilles. Il n'allait pas abandonner, il n'allait pas faire autrement. Colère, rage, vengeance, c'était les seuls mots que l'on pouvait lire sur son visage. Timer était prêt à y aller aussi. Je ne pouvais rien faire, qu'importe ce que j'allais dire, il était décidé. Alors je n'ai rien dit, je suis partie faire mon sac pour rentrer. Laureline vint me rejoindre pour m'aider. Elle allait rentrer aussi. Plus de festivals, plus rien, je ne voulais plus rien. Une fois mon sac fait, je lançai un dernier regard à Nathanaël et je pris le chemin de la van avec Laureline. Nathanaël cria alors à Laureline de faire attention à moi et de lui faire couler un bain. Je serrais les dents et baissais la tête pour ne pas craquer. Une fois dans le van, je pris mon casque et oublia Laureline, LG2D, tout le monde. J'étais folle de rage, j'avais mal, j'avais peur. Qu'est-ce que j'étais censée penser ? Comment pouvais-je accepter tout ça ? Mon téléphone vibra, c'était Laureline qui me demandait si ça allait, ça me fit sourire malgré le fait que je ne voulais pas rire. Je retirai mon casque et la tapa sur l'épaule en disant « Hé, le téléphone au volant. ». Elle me répondit alors : « Roh on n'est pas à ça prêt, j'suis rond comme un ballon. », je me mis à rire avant de lui proposer de me laisser le volant. Elle me répondit que ce n'était pas nécessaire, qu'elle allait se garer dans cinq minutes puis décuver.
Cinq minutes plus tard, nous étions garés près d'un champ, le soleil rayonnait et elle aussi. Malgré l'alcool, les larmes, le stress, elle était belle. Contrairement à d'habitude, c'est moi qui m'occupai d'elle, sa tête contre mon épaule, tous les deux couchées dans l'herbe.
« Bordel Nath', pensais-je. Qu'est-ce que tu fous ? Pourquoi tout ça ? Pourquoi toutes ces histoires ? On était censé être heureux, t'étais un mec drôle, un mec cool, pourquoi toutes ces histoires viennent d'un coup ? Pourquoi plus on s'approche de tes angoisses, et plus tu plonges dedans ? Pourquoi t'es toujours obligé de foncer dans le problème ? Y a que toi pour faire ça, hein ? Cligne des yeux si tu m'entends. »
Un nuage solitaire glissa devant le soleil. Un coup de vent confirma sa vitesse quelques secondes après. Ce fut bref, mais puissant. Étant donné que nous étions au pied d'un énorme amas de roches, Laureline ne put qu'entendre le vent. Moi je l'avais vu, avec ce clin d'œil du ciel. Ce n'était que pure imagination, mais j'étais persuadé qu'il m'avait entendue. Et juste après, je me surprenais à chercher une réponse. Évidemment il n'y en a pas eu, ou alors je ne l'avais pas vu. Après une heure et demie à se prélasser au soleil et une bouteille d'eau, Laureline était fin prête à reprendre, elle n'avait pas tant bu que ça finalement.
Sur le chemin, j'observais les montagnes, les plaines, nous retournions à Dubstown, Nath' avait pris le chemin inverse. Je ne savais pas ce qui l'attendait, je ne savais pas ce qui m'attendait non plus. J'avais l'impression d'avoir été emportée dans une tornade, une fois à Dubstown je reconnaissais tout, mais tout avait l'air en ruine. Une fois à l'appartement, je me sentais oppressée, comme si l'endroit était beaucoup trop petit pour contenir tous mes démons. Laureline me proposa d'aller dormir avec elle, j'ai accepté.
La chambre de Laureline était à l'image de sa chevelure, blanche aux touches violacées. Tout avait toujours été bien rangé ici, et chaque objet présent dans la pièce correspondait avec elle, une fois dans sa chambre, Laureline était indissociable du reste du mobilier. J'étais encore dans cet état étrange, je percevais les détails. La rose trémière à sa fenêtre, la gradation des couleurs de ses draps, de ses vêtements, de ses cheveux, des pieds de son bureau, de son ordinateur. Le blanc finissait toujours vers le violet, qu'il monte où qu'il descende. Elle se déshabilla devant moi, laissant place à un corps fin, beaucoup trop fin, une fois nu elle était semblable à un serpent, des touches violacées tatouaient aussi son corps bien que du noir fasse partit du tableau. C'est en le voyant que je remarquai l'évidence que cette troisième couleur était aussi présente dans la chambre de Laureline. Ses volets, un grand cercle au milieu de son bureau, le col de ses t-shirts, certains de ses shorts, certains motifs. J'étais persuadée de l'avoir vu porter d'autres couleurs, mais il n'y en avait aucune trace ici.
Alors cette nymphe changée en Lamie rejoignit la salle de bain. Une fois seule, mon angoisse reprit le dessus. Je ne supportais pas cette peur qui naissait dans mes tripes alors je me suis mise nue et j'ai rejoint la salle de bain avant de faire une crise d'angoisse. Laureline m'entendit entrer et me demanda si ça allait en coupant l'eau. Je lui répondis que je ne voulais pas être seule. La grande baignoire ainsi que la douche nous permettaient de nous laver toutes les deux en même temps et Laureline insista pour me faire couler un bain. Quelques minutes plus tard, je rentrais dans l'eau et elle, qui ne s'était pas encore séchée me rejoignit en se mettant à l'extrémité en face.
« Moi aussi je veux me détendre !
— Tu l'avais prévue dès le début en fait !
— Mais non, Mika', promis juré !
Elle me fit rire.
— Tu te sens mieux, demandais-je sans la regarder dans les yeux pendant que j'essayais de placer mes jambes de manière agréable.
— Tu sais... elle se mit à réfléchir avant de reprendre, je suis un peu habituée à tout ça maintenant.
— Ce n'est pas la première fois qu'il fait ça ?
— Disons que... Nathanaël...
— Quoi donc ? Pourquoi tu hésites ?
— Ils ne vécurent pas longtemps à Charlatown, mais avant d'être en Angleterre, Nathanaël est né à Charlatown. Kvmo est né là-bas aussi. Et cette ville oppresse ses citoyens, je ne saurais te dire s'il leur doit de l'argent, s'il est recherché là-bas. Je n'ai aucune idée de ce qu'il a encore en lien avec cette ville, mais Charlatown le pourchasse, les gens de cette ville le veulent. La pègre de Charlatown, la justice de Charlatown, les deux le veulent. »
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Odeur de clope
General FictionJe n'ai jamais cessé d'être celle que vous attendiez que je sois. C'était ma seule condition pour accepter de me croire exister. Voilà comment se dépeint Mikaël, jeune fille d'un milieu aisé qui rêve d'art et de passion mais délaisse rapidement le c...