Prologue

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-21 mars 1642-

Je sors brutalement de mon sommeil en me redressant sur mon lit. Je soupire en me passant une main sur le front avant de constater qu'il est humide, comme à chaque fois que je me réveille durant la nuit. C'est encore un cauchemar... J'en connais bien la raison, à présent. Depuis que j'ai pris connaissance de l'état actuel de notre pays, j'ai compris que mes parents profiteraient de mon mariage pour sceller une puissante alliance. Et, selon eux, il me tarde de trouver un époux. Ils comptent sûrement me marier dans peu de temps et quelle meilleure occasion que celle de mes dix-huit ans ? Mon anniversaire est dans très, très peu de jours.
Chaque jour qui a passé ce mois m'a rendue un peu plus morose que d'habitude. Durant toute cette semaine, je me suis réveillée à des heures complètement alternatives, à faire des cauchemars d'un affreux mariage.

Un orage gronde dehors. Une lumière blanche envahit tout à coup la pièce pour la baigner dans la sombre pénombre que je suis habituée à voir, quelques secondes plus tard.
Autrefois, j'avais peur des éclairs et m'enfuyais dans les draps de mes parents. Ma mère me caressait, alors, les cheveux et me contait des histoires. Mon père se contentait de me regarder tendrement. Mais depuis quelques années, j'ai appris à dompter cette peur. J'ai toujours quelques faibles frissons à l'entente d'un grondement mais je n'y fais pas attention.

Je n'ai absolument pas envie de dormir après mon rêve, alors je me lève, prends un chandelier que j'allume et arpente les couloirs du château... J'ai envie de mémoriser toutes les odeurs, toutes les pièces, toutes les personnes et tous les objets de ce château.

J'ai vécu toute mon enfance ici et je ne désire pas partir, je ne me vois tellement pas ailleurs. J'ai envie de verser une larme mais je me reprends, je ne vais tout de même pas pleurer au beau milieu de la nuit pour quelque chose qui ne va peut-être pas avoir lieu, c'est insensé !
J'arrive dans la salle des portraits de notre famille qui remonte à il y a bien longtemps...
Ce sont des tableaux que je prends plaisir à admirer. Je vois ma mère Diane Delvalée et mon père Eric Delvalée, ils étaient jeunes, c'était avant de nous avoir. Nous, leurs enfants.
L'héritier du pays est Simon, l'aîné de la famille. Il a vingt ans et a pour devoir d'épouser une dame de la Cour ou la princesse d'un pays étendu.
Je suis née deux ans après mon frère, moi, Eléonore.
Vient ensuite, ma sœur Isabelle, elle a seize ans.
Et le benjamin, Léonard a quatorze ans.

J'aimerais pouvoir observer ces portraits indéfiniment, subjuguée par les souvenirs qu'ils relatent à travers eux.
Je me tourne légèrement et suis surprise par mon reflet que j'aperçois dans un miroir. Ainsi, je me surprends à m'observer...
Je souris brièvement en remarquant mon manque d'allure. Je ne ressemble pas à l'image que forme ma réputation... En chemise translucide et décoiffée d'une manière des plus surprenantes, je m'apparente plus à une mégère qu'à une jeune fille. Mes cheveux blonds, généralement relevés en un chignon complexe ou tressés avec rigueur, tombent en masse dans mon dos en s'entremêlant joyeusement.

Je songe à ce que l'on pourrait penser de moi, si l'on voyait l'allure peu seyante dont je fais actuellement preuve. Cela briserait toutes les illusions de la royauté qu'ont des milliers de personnes sur la couronne.

Je lance un piteux regard vers mes yeux humides dans la glace. Mes joues rosies et mes cernes creusant mes pommettes ne sont pas des plus utiles pour sublimer mon visage.
Je me surprends à frissonner. Ainsi, je saisis que je commence à attraper froid et qu'il serait plus raisonnable de retourner dans ma chambre et de lire un peu. Je fais quelques pas et trébuche lamentable, me prenant les pieds dans ma longue tenue mais parviens à me rattraper à temps. En revanche, je lâche mon chandelier et dans sa chute, il s'éteint.

Je me réprimande d'une voix basse et commence à tâtonner le sol pour retrouver ce chandelier. Je mets rapidement mes mains dessus et tente de trouver la porte qui mène à la sortie de cette grande pièce plongée dans le noir le plus profond. Quand j'atteins enfin la porte et que je l'ouvre, je trouve ma mère juste devant moi. Elle a l'air fatiguée et tient entre ses mains, une petite bougie bientôt entièrement consumée.

Secrets RoyauxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant